Suite à la convocation des responsables universitaires au poste de police pour être entendus dans le cadre de l’instruction d’une affaire d’ordre professionnel et pédagogique par la police criminelle, 13 organisations nationales et associations de la société civile dénoncent, à l’initiative de l’Association tunisienne de défense des valeurs universitaires (ATDVU), une violation “flagrante” de l’autonomie universitaire.
Dans un communiqué rendu public lundi, les représentants de la société civile estiment qu’il s’agit d’” une atteinte sans précédent à la liberté académique et à l’image de marque des universitaires tunisiens “.
Selon Habib Mellakh, président de l’ATDVU, le président de l’Université de Tunis, le directeur de l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales de Tunis (ESSECT), et le secrétaire général de la même institution, viennent d’être convoqués à comparaître devant la sous-direction des affaires criminelles au poste de police d’El Gorjani pour être entendus à propos d’une action en justice intentée par une enseignante de l’établissement précité en désaccord avec l’administration de son institution pour des raisons professionnelles et pédagogiques.
Le déclenchement de l’affaire remonte au milieu de l’année universitaire écoulée lorsque la plaignante a refusé de corriger la copie d’un étudiant autorisé par le Conseil scientifique de l’institution à passer un examen à une date ultérieure à la date initiale qui avait coïncidé avec le décès de son père.
A la suite du refus obstiné de l’enseignante de s’acquitter de ses obligations (la correction de la copie d’examen dans un premier temps et la remise de la copie ainsi que le versement de la note dans un second temps, après avoir consenti à sa correction), l’Université de Tunis a demandé sa comparution devant le conseil de discipline. Mais le ministère, en sa qualité d’autorité de tutelle compétente en la matière, n’a pas daigné réagir durant les mois consécutifs à sa réception du dossier. Les trois responsables ont, en revanche, été convoqués dans une étrange inversion des rôles, par un poste de police spécialisé dans les affaires criminelles, à un interrogatoire dans le cadre de l’action intentée par l’enseignante, non en leur qualité de responsables scientifiques et pédagogiques mais en leur nom personnel.
Les associations et organisations signataires se disent profondément consternées et vivement scandalisées par le tournant “dangereux” pris par les événements en rapport avec un problème pédagogique ordinaire qu’il aurait été, selon elles, possible de circonscrire et de traiter conformément à la loi si l’autorité de tutelle était intervenue à temps.
“Ceci constitue un précédent dans l’histoire de l’Université tunisienne “, soulignent les signataires dans ce communiqué publié lundi et dont la TAP a eu une copie.
Les signataires considèrent cette convocation comme une atteinte préméditée à l’image de marque de l’universitaire, une ingérence inadmissible des pouvoirs publics dans la vie universitaire, une atteinte à l’autonomie de l’institution universitaire dans la gestion des examens, que garantissent les textes réglementaires en vigueur et comme une violation manifeste des libertés académiques garanties par la Constitution tunisienne, au sujet d’une affaire interne d’ordre pédagogique, gérée par les instances scientifiques concernées avec la souplesse et la détermination nécessaires.
Ils expriment leur ahurissement devant l’attitude de l’autorité de tutelle marquée par une absence totale et une passivité préjudiciable face à un contentieux d’ordre professionnel qu’elle aurait dû circonscrire et régler elle-même, selon le communiqué. Soit en traduisant l’enseignante devant le conseil de discipline ou en demandant aux responsables universitaires de rendre des comptes au cas où ils auraient commis une faute professionnelle prouvée par une enquête interne, explique la même source.
A ce propos, ils appellent l’autorité de tutelle à se rattraper et à faire le nécessaire pour clore cette affaire, préserver l’inviolabilité et l’autonomie de l’Université et s’opposer aux tentatives destinées à porter atteinte aux libertés académiques.
Les signataires craignent que les derniers développements de l’affaire ne soient le prélude à une campagne qui dénigre les universitaires et qui défigure l’image de l’Université à la veille du démarrage du processus électoral en vue d’élire les organes directeurs des institutions universitaires.
Ils assurent, par ailleurs, les responsables universitaires convoqués par la police de leur entière solidarité et appellent la société civile à la vigilance pour protéger les libertés académiques et pour déjouer toutes les tentatives destinées à porter atteinte à l’autonomie de l’Université et qui sont un prélude à la restriction des libertés publiques et des libertés individuelles dans l’ensemble du pays.
A noter que les organisations et associations signataires sont l’Association tunisienne pour la défense des valeurs universitaires, la Ligue tunisienne de défense des droits de l’homme, l’association Vigilance pour la démocratie et l’Etat civique, l’association tunisienne des femmes démocrates, l’association Lam Echaml, l’association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche sur le Développement, l’association pour la recherche sur la transition démocratique en Tunisie, le Centre de Tunis pour la liberté de la presse, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, l’association arabe des libertés académiques, l’Organisation tunisienne contre la torture et Tropiques cognitives.