Le blocage rencontré, récemment et à deux reprises, lors de l’élection des membres de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et l’absence de consensus entre les présidents des groupes parlementaires sur certains candidats soulèvent plusieurs interrogations sur l’indépendance des instances constitutionnelles.
Selon plusieurs acteurs politiques, l’indépendance des instances constitutionnelles se trouve confrontée aux exigences des coalitions politiques et aux attentes et objectifs des partis majoritaires qui œuvrent à imposer leurs règles du jeu.
Pour rappel, l’ISIE a commencé à vaciller depuis le démarrage de la discussion de la loi organique relative aux élections et référendums. Une période marquée par la démission du président de l’instance et de deux de ses membres.
Le dirigeant du Front populaire Zied Lakhdhar considère que “ce qui se passe aujourd’hui à l’ISIE prouve l’existence d’un violent tiraillement politique entre les partis au pouvoir pour mettre la main sur les instances constitutionnelles, à dessein d’entraver le processus démocratique”.
Même son de cloche pour Salah Bargaoui, membre du bureau du parlement chargé des instances constitutionnelles et de la relation avec le pouvoir judiciaire. Selon lui, la plupart des instances souffrent aujourd’hui de la partialité de leurs membres. Bargaoui se dit convaincu que chaque partie au sein de l’Assemblée des représentants du peuple prend la défense du candidat qu’elle a choisi.
Il a évoqué, dans la foulée, la situation de l’Instance Vérité et Dignité (IVD) dont la mission touche à sa fin sur fond de vif conflit entre ses membres.
Aux tensions internes, s’ajoutent l’incapacité du parlement à combler la vacance au sein de cette instance, a-t-il relevé.
Les groupes parlementaires du Front, d’Afek Tounes, d’Al Horra-Machrou Tounes et d’Al Watania ainsi que le groupe démocratique s’étaient retirés de la plénière consacrée à l’élection de nouveaux membres de l’IVD. Ils ont dénoncé l’intention des deux partis majoritaires (Nidaa Tounes et Ennahdha) d’imposer leurs propres candidats sans concertation.
De plus, “l’adoption du principe de la majorité des deux tiers dans l’élection des membres des instances contraint les groupes parlementaires à recourir aux coalitions partisanes afin de choisir des membres indépendants pour des instances indépendantes”, a-t-il fait observer.
L’instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption qui remplacera l’instance de lutte contre la corruption n’a pas encore été mise en place. La loi portant création de cette instance a été adoptée en juillet dernier après plusieurs recours auprès de l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi.
Pour le reste des instances, il est à noter que le gouvernement n’a adressé aucun projet dans ce sens à l’exception de la proposition de loi portant création du comité supérieur des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Le gouvernement a, par contre, proposé une loi-cadre pour toutes les instances constitutionnelles qui fut adoptée par le parlement en juillet dernier.
Dans son chapitre VI, la Constitution prévoit la création de 5 instances constitutionelles indépendantes; l’instance des élections, l’Instance de la communication audiovisuelle, l’Instance des droits de l’Homme, l’Instance du développement durable et des droits des générations futures, l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption. Les instances constitutionnelles indépendantes œuvrent au renforcement de la démocratie. Toutes les institutions de l’Etat doivent faciliter l’accomplissement de leurs missions. Ces instances sont dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie administrative et financière.
Elles sont élues par l’Assemblée des représentants du peuple à la majorité qualifiée”.