Entre la France et le Continent, il y a une volonté de coopérer. Mais il reste à écrire le deal entre les deux parties.
Les 5 et 6 octobre, la Tunisie a vécu au rythme des Rencontres Africa 2017. Le pays vivait au tempo continental. En effet, la deuxième édition des Rencontre Africa atterrit en terre africaine après une première édition au mois de septembre 2016 organisée à Paris.
Un moment épique
De même que le soulignait notre confrère Mehdi Kattou, modérateur du panel inaugural en présence du chef du gouvernement tunisien et de ses deux hôtes, les Premiers ministres français et burkinabé, l’instant est épique. Et on ne peut éclipser un sentiment unioniste qui s’emparait des participants, car l’Afrique face à son avenir a besoin d’une dynamique de synergie. Et on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée pour le parcours de Giuseppe Garibaldi. Taclé par un farouche adversaire qui lui demandait “Mais comment finaliser le processus d’unification de l’Italie?“ et l’illustre patriote, initiateur du Risorgimento, de lui asséner cette répartie devenue historique “L’Italia se fara da se” (comprendre “l’Italie se fera d’elle-même“). Le parallèle, en l’occurrence, ne se vérifie pas. L’Afrique, en dépit d’une certaine effervescence, cale face sa “transformation“ économique, paradigme clé de la nouvelle équipe au pouvoir, en France. Voilà que pour des raisons de proximité du passé et du présent, la France propose son partenariat.
A la tombée de rideau de cette rencontre, quel bilan peut-on faire de cet événement ?
Le financement public est impuissant à créer le développement
La France a compris depuis l’ère Mitterrand que la coopération entre Etats est une option qu’il faut consolider pour préserver les intérêts français sur le Continent. Et c’est l’Agence française de développement (AFD) qui faisait l’appoint en matière de concours publics. L’approche est juste. Mais les contributions restent insuffisantes. En réalité, le Continent est handicapé par sa faible compétitivité. Le PIB global du groupe des 7 pays africains les mieux nantis, dont l’Algérie et le Nigéria, atteint à peine les 2/3 du PIB de la France.
A l’évidence, le déclic ne peut venir que du secteur privé. Et il faut bien reconnaître qu’à la deuxième édition des Rencontres Africa, outre les officiels, les représentants des secteurs privés africains et français étaient rares. L’affluence était massive et on a tenu cette deuxième édition à guichet fermé mais avec peu de têtes nouvelles. Les grandes messes peuvent leurrer. L’on n’a pas vécu ce panachage franco-africain, tant recherché de tous.
Mais où sont donc les représentants du CAC 40 ?
Les volontés des pouvoirs publics des deux bords de faire avancer la coopération sont bien là et elles progressent bien, un peu partout sur le Continent. Mais l’Afrique, en panne sèche de développement, malgré des pointes ponctuelles de croissance, est à la recherche d’un scénario de rupture. Or le seul compartiment du secteur privé que l’aide publique peut entraîner dans son sillage, c’est les PME-PMI, c’est-à-dire le secteur manufacturier et la petite industrie de transformation. Et l’artillerie lourde, c’est-à-dire les chaînes de valeur avancée, restent en retrait. On n’a pas vu de représentants du CAC 40 à Tunis, pour les Rencontres Africa 2017. C’est le seul noyau qui soit capable de changer la nature du business entre la France et l’Afrique.
Mais où est donc la BAD ?
Les Rencontres Africa ont tourné le dos à la Banque africaine de développement (BAD). Elle a brillé par son absence à la tribune d’honneur, ce 5 octobre. La BAD, la veille de l’an 2000, rappelons-le, avait réuni le haut panel d’experts, présidé par Joseph Stiglitz, en éditant le plan “investir en Afrique dans le XXIème siècle“. Cette longueur d’avance lui donnait toute sa place à cette manifestation. La France a certainement la volonté sincère de faire avancer la cause du développement de l’Afrique. Mais elle manque de moyens de financement et d’offre industrielle. En matière de financement, le multilatéralisme, seul, peut répondre aux appels en capital des pays africains pour financer leur nouveau modèle économique. Un moyen efficace serait d’aider la BAD à se doter d’une institution similaire à la SFI (Société Financière Internationale) pour la Banque mondiale. Là, on irait vers une solution significative.
Que sera le deal entre la France et l’Afrique ?
En matière de transferts technologiques, on ne voit pas d’autres moyens, en dehors de la compensation industrielle, pour y parvenir. Ristourner une bonne partie du produit des exportations françaises en achats locaux serait un deal qui marquerait un tournant en faveur du développement. Cet engagement n’est pas l’affaire du pouvoir politique même s’il doit lui accorder son blanc seing. Et avec le secteur privé, la part du lobbying est déterminante. Mais les Africains sont privés d’une carte maîtresse, c’est-à-dire l’atout de la compétitivité.
Quant à la Tunisie, otage de cette carence, elle en sait quelque chose. Alors croire que le XXIème siècle sera celui de l’Afrique comme on l’a clamé les 5 et 6 octobre est, d’une certaine façon, aller vite en besogne. S’attaquer au déficit de compétitivité du Continent serait une bonne façon d’attaquer le problème.