La coopération publique entre la France et la Tunisie passe au niveau supérieur. Mais celle entre les secteurs privés des deux bords reste en bas des chaînes de valeur. Et ce n’est pas pour favoriser la “transformation“ de l’économie tunisienne.
Jeudi 5 courant, Edouard Philippe, Premier ministre français, et Youssef Chahed, chef du gouvernement tunisien, ont donné le coup d’envoi du ”Haut Conseil économique” tuniso-français qui a démarré ses travaux par une salve d’accords de financement. Il faut y voir, rappelait Edouard Philippe, un signe de soutien au programme de réformes lancées par la Tunisie sur la voie de la transformation de son économie.
Tunisie : Premier déplacement d’Edouard Philippe hors l’UE
Edouard Philippe, signait le même jour d’un seul déplacement, deux évènements, de taille. Le matin même il était aux côtés de Youssef Chahed ainsi que Paul Kaba Thiéba (Premier ministre burkinabé), à l’ouverture de la deuxième édition des Rencontres Africa 2017. Et, à cette tribune, Edouard Philippe a tenu des propos chaleureux à l’égard de la Tunisie et des Tunisiens. Le discours était de circonstance. Mais l’élan d’affect était tout d’authenticité. On peut y voir un clin d’œil aux touristes français, afin de les inciter à retrouver le chemin de cette destination qu’ils aiment tant. C’est aussi, à n’en pas douter, un signal fort aux investisseurs français. Mais ces derniers l’entendent-ils de cette oreille ?
Dans la même matinée, ensemble, ils ont donné l’étincelle au ”Haut Conseil économique” tuniso-français”. Cette institution est la concrétisation d’une promesse faite par le président Emmanuel Macron, alors fraîchement élu au mois de mai dernier, à BCE, deuxième président étranger après Donald Trump à gravir le perron de l’Elysée. Et, pour rappeler l’ampleur du format nouveau de coopération entre les deux pays et donner à l’événement toute l’attention qu’il mérite, de même que le rappellera Youssef Chahed, Edouard Philippe a réservé à la Tunisie son premier voyage hors des frontières de l’UE. Et, en l’occurrence, le Premier ministre français rappelait, avec pertinence que la France s’emploie à entretenir l’amitié qui la lie à la Tunisie.
Le soutien aux réformes, une priorité pour la France
Le Haut Conseil démarre sur les chapeaux de roue. Une série d’accords de financement ont été paraphés. Tous viennent en soutien aux réformes engagées par le gouvernement de Youssef Chahed. Ainsi, l’éducation, les énergies renouvelables et les PME-PMI ont reçu des aides ciblées. Pareil pour un projet intégré de développement du sud-est du pays. Les autres accords concernent le financement du budget pour ses titres II, à savoir l’investissement public, et titre III, rubrique innovée par le gouvernement Chahed réservée au partenariat public-privé.
Le triple message d’Edouard Philippe
Par-delà les deux événements, le PM français a cherché à envoyer un triple message à l’opinion publique tunisienne. Il y a d’abord celui du cœur, en appui au génie démocratique tunisien récompensé par le Nobel de la paix. Vient ensuite celui de l’ambition, car, disait-il la démocratie a besoin de prospérité. Et enfin celui de la détermination. Et cela se retrouve dans le choix partagé des deux pays à traiter les origines du fléau du terrorisme, principale source de l’instabilité politique dans la région. Et ses dégâts collatéraux, à savoir le crime organisé et l’immigration clandestine.
L’approche commune du traitement de la crise libyenne en est un exemple édifiant. Favoriser le dialogue politique en Libye est résolument une option démocratique.
Aider au scénario de rupture économique en Tunisie
C’est dans le besoin que l’on reconnait ses amis. De ce point de vue, la France, perpétuel premier client/fournisseur/investisseur, a été au rendez-vous. La coopération entre les deux Etats est de plus en plus réactive. Est-elle, pour autant, au niveau de consistance souhaitée?
Il faut rappeler que la Tunisie est dans l’attente d’un scénario de rupture, seul capable d’amener le nouveau modèle économique dont le pays a besoin. Et en la matière, le déclic ne peut venir que du secteur privé.
Edouard Philippe, à son tour, a succombé au mirage des 1.300 entreprises françaises basées en Tunisie et qui procurent 80.000 emplois directs. La Tunisie, pour retrouver un dynamisme économique, a besoin, à l’heure actuelle, d’investissements structurants. En la matière, les milieux d’affaires français ont opté pour un autre pays dans la région. Et pour attirer les grands groupes, la Tunisie n’a d’autre choix que d’activer le levier de sa compétitivité et de recourir à une tactique de lobbying pertinente. Ce serait-là, en paraphrasant Henri IV, roi de France, les “deux mamelles de la Tunisie“. Hélas, les efforts de la Tunisie, sur ces deux registres précis, semblent bien minces. De même que l’appoint d’aide française serait insuffisant. Au final, le bilan de cette visite peut être assorti de la mention “Peut mieux faire“, pour les deux partenaires indistinctement.