La présidence du gouvernement a publié, le 4 octobre 2017, une circulaire visant à conférer plus d’efficience aux interventions du Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF), institution chargée de la coordination des interventions des différents organes de contrôle et du suivi de la mise en œuvre de leurs recommandations.
Pleins feux sur la portée de ces mesures
Objectif de la circulaire qui comporte quatre mesures : renforcer le rôle du contrôle dans le secteur public et promouvoir le suivi des rapports d’inspection.
La première mesure insiste sur l’enjeu pour les structures publiques qui ont fait l’objet d’un contrôle de répondre, dans les délais, aux remarques du HCCAF et selon la méthodologie qu’elle exige.
La deuxième exige qu’elles répondent à tous les rapports, abstraction faite de la date de leur élaboration et des parties responsables de la gestion lors de la réalisation de la mission de contrôle. Le HCCAF ayant remarqué que certains responsables en exercice refusent de répondre à des rapports comportant des erreurs que leurs prédécesseurs avaient commises, ce qui constitue une défaillance au niveau de la continuité de l’administration.
La troisième demande aux structures contrôlées de mettre en œuvre les recommandations du HACAF et de lui fournir des rapports sur les réformes entreprises.
La quatrième invite établissements, administrations et entreprises publics à désigner un coordinateur qui aura un double rôle : être le vis-à-vis de la HCCAF et assurer le suivi de ses recommandations.
Détermination du gouvernement à lutter contre la corruption
Cette circulaire intervient une vingtaine de jours après le premier conseil des ministres du gouvernement Chahed II (13 septembre 2017).
Au cours de ce conseil, le chef du gouvernement a demandé aux membres de son cabinet “de renforcer le rôle des structures de contrôle qui relèvent de leur département et à poursuivre en justice toute personne qui s’avise d’enfreindre la Loi”.
Il s’agit donc d’une avancée sur la voie de la reddition, de la responsabilisation et de la bonne gouvernance. Est-il besoin de rappeler que le contrôle des structures publiques en Tunisie a été marginalisé souvent à dessein au temps de Bourguiba, de Ben Ali et de la Troïka.
Ainsi, durant des décennies, les contrôleurs de l’Etat, les chargés du contentieux de l’Etat, les juges de la Cour des comptes, les inspecteurs des différents départements ministériels et autres contrôleurs étaient tenus, administrativement, d’élaborer des rapports sans demander des renseignements sur leur destination et sur leur suivi. Leur mission s’arrêtait là. C’était en quelque sorte la règle à suivre.
Résultat : les rapports des institutions de contrôle sont souvent classés comme confidentiels ou n’accessibles qu’à un nombre limité de responsables. A titre indicatif, la publication des rapports annuels de la Cour des comptes n’a été autorisée qu’en 2011.
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Une telle tendance a plombé l’esprit d’initiative chez les gestionnaires publics et favorisé non seulement l’impunité mais surtout la corruption.
Il faut reconnaître que depuis la nomination de Kamel Ayadi à la tête du Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF), les choses ont commencé à bouger et à changer.
Mieux, une grande réforme du système de contrôle en Tunisie est en cours d’élaboration avec comme finalité majeure: prévenir les erreurs de gestion et lutter avec plus d’efficacité contre la corruption.
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Un des premiers fruits de cette réforme, l’élaboration du guide du gestionnaire public. Ce précieux document, dont les gestionnaires honnêtes doivent en faire un livre de chevet, se propose d’harmoniser les concepts de contrôle, d’en unifier les interprétations et de distinguer entre les trois fautes de gestion: la faute de gestion professionnelle, la mauvaise gestion et la faute de gestion pénale.
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L’avenir du contrôle réside dans l’adoption des normes
Abstraction faite de cette prise de conscience salutaire de l’impératif de renforcer le contrôle dans le secteur public, il faut reconnaître qu’il n’existe pas encore une véritable volonté politique pour aller jusqu’au bout de cette orientation.
Dans les pays dits développés et véritablement démocratiques, la gestion publique est couverte par un large réseau de normes qui organisent et normalisent les activités du gestionnaire : normes de qualité, d’audit, de sécurité, de management anti-corruption (ISO 37001), de performance, d’organigrammes responsabilisant chaque agent, de digitalisation dissuadant les manipulations frauduleuses, de gestion budgétaire par objectifs (GBO)…
Moralité: la bonne gouvernance dans le secteur public passe par l’adoption pure et simple de ces normes.
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Kamel Ayadi, président du HCCAF, admet, à ce propos, que “le degré de pénétration de la culture des normes dans l’administration et les entreprises tunisiennes reste très faible. C’est pour cette raison qu’il importe de les encourager à adopter ces normes et à améliorer leurs performances”.
La réforme du contrôle en cours d’élaboration ne manquera pas de s’y pencher…