La contribution du secteur du tourisme au PIB , un des piliers de l’économie tunisienne, a reculé pour s’établir à 6,6% en 2016 contre 9,6% en 2010.

Ce secteur qui constitue le premier pourvoyeur de devises et d’emplois dans le pays ne couvre actuellement que 22% du déficit commercial alors que dans les années 70 jusqu’aux années 2000, les recettes touristiques couvraient en moyenne 54% de ce déficit.

Les entrées du secteur ont, quant à elles, régressé de 3,5 milliards de dinars en 2010 à 1,808 milliard de dinars en 2016. De même, le nombre des arrivées des touristes européens a baissé, passant de 3,8 millions touristes en 2010 à 1,4 million en 2016.

Depuis la révolution tunisienne, ce recul s’est accentué après l’attaque du musée du Bardo (18 mars 2015), l’attentat de Sousse (26 juin 2015), puis celui de Tunis (24 novembre 2015).

Khaled Fakhfakh, président de la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH), a confirmé une reprise du secteur au début de 2017, prévoyant, au cours de l’année 2018, la réalisation des mêmes indicateurs que ceux de 2014, mais craint, toutefois, de voir les mesures relatives au secteur touristique, proposées dans le projet de loi des finances 2018, bloquer cette relance, notamment en l’absence d’incitations financières pour assurer la mise à niveau des unités hôtelières, dont 40% ont dû cesser leur activité.

Quelle est la réaction de la FTH face aux nouvelles taxes prévues pour le secteur touristique dans le cadre du projet de la LF 2018?

Khaled Fakhfakh: La FTH a été surprise par les dispositions du projet de la loi des finances régissant le secteur touristique, lesquelles proposent des taxes qui pénalisent tout le secteur et surtout les contribuables qui s’acquittent convenablement de leurs impôts, notamment les salariés et les entreprises organisées.

La FTH a ainsi donné une contre-proposition à la taxe de 3 dinars imposée sur la nuitée. Ce n’est pas le bon moment pour instaurer cette taxe qui devrait concerner toutes les nationalités. Il serait plus judicieux d’en discuter en 2018 et de l’appliquer l’année suivante. En revanche, la réactivation du timbre de 30 dinars à la sortie du territoire qui devrait être payée par les ressortissants étrangers hors maghrébins rapporterait plus à l’Etat, soit près de 90 MDT alors que la taxe de trois dinars sur la nuitée ne permettra que des gains de 65 MDT.

Le projet de loi impose également une hausse des droits de consommation sur l’alcool, laquelle profitera aux circuits de vente du marché parallèle ainsi qu’une autre taxe de 1%, appliquée sur tout règlement, de plus de 5 mille dinars, effectué en espèce. Il faut identifier d’autres alternatives à cette taxe, d’autant plus que les clients algériens, libyens et tunisiens paient en espèce.

La FTH considère que l’imposition d’une “contribution sociale” prévue par le projet de la loi des finances de 2018 et devant concerner les personnes physiques et morales est inadmissible. Elle donnera sa position vis-à-vis de ces règlements aux membres de l’ARP et à la Commission des finances, en les sensibilisant au sujet de leur impact sur le secteur touristique.

Peut-on considérer que le secteur touristique est en voie de guérison ?

Cette année, le secteur touristique connaît un début de reprise, et je pense que l’année 2018 sera meilleure. Toutefois, la question qui reste à poser est de savoir comment pouvons-nous mettre à niveau nos hôtels et avec quels fonds après sept années consécutives de crise.

Certes, l’endettement des hôteliers est de l’ordre de 4,5 milliards de dinars, néanmoins, nous ne demandons pas une aide mais plutôt des incitations financières qui nous permettront de renouveler, de mettre à niveau les hôtels tunisiens et d’assurer également leur restructuration financière, sinon, avec une telle attitude du gouvernement, très peu d’hôtels resteront en activité dans le pays.

Au cours de ces sept années de crise, même les hôtels appartenant à des groupes solides ont souffert, en termes de rentabilité, fonds propres et capacités de financement, mais ils ont continué à investir, réalisant des investissements de l’ordre de 261 millions de dinars en 2016. La mise à niveau ne concerne pas uniquement les hôtels mais aussi la propreté, l’animation, l’aspect culturel et la mise en valeur de nos produits touristiques.

Quelle est votre vision quant à l’avenir du secteur touristique 

La reprise du secteur est confirmée, toutefois, le manque à gagner, en termes de variation de change est terrible. Ainsi, le tourisme tunisien a généré, au cours des neuf premiers mois de 2017, des recettes touristiques de l’ordre de 2,1 milliards de dinars, l’équivalent de 727 millions d’euros, alors qu’en 2014, les recettes se sont élevées à 3,6 milliards de dinars, soit 1,6 milliard d’euros, avec un taux de change euro/dinar, pendant cette période, de 2,27 dt.

Les nuitées ont atteint 15 millions au cours des neuf premiers mois de 2017 contre 18 millions en 2016, 29 millions en 2014 et 35 millions de nuitées en 2010.

En ce qui concerne les arrivées, la Tunisie a accueilli 5,3 millions de touristes au cours des neuf premiers mois de 2017, soit le même niveau que l’année 2015. En 2014, le flux touristique s’est élevé à 7,2 millions de touristes, donc tous ces indicateurs sont les prémices d’une reprise en 2018, et nous sommes optimistes pour la réalisation des mêmes chiffres qu’en 2014.