Le secrétaire général de l’Association Club Mohamed Ali de la Culture Ouvrière (ACMACO) et de la Confédération générale tunisienne du travail (CGTT), Habib Guiza, travaille à la création d’un rassemblement d’associations et de syndicats destiné à agir sur le terrain… politique.
Explications.
WMC: Après l’ACMACO (Association Club Mohamed Ali de la Culture Ouvrière) et la CGTT (Confédération générale tunisienne du travail), vous préparez la création du MOSC (Mouvement Social Citoyen). C’est quoi ce mouvement et quels sont ses objectifs?
Habib Guiza : Le MOSC est le résultat d’une réflexion sur la crise de la transition actuelle. Dans la mesure où on est face à des partis déphasés, d’une part, et quelques composantes de la société civile tunisienne corporatiste, d’autre part. Il faut débloquer la situation.
“Le MOSC est un rassemblement des associations et des syndicats citoyens, en particulier celles émergeant de la nouvelle phase de la transition démocratique“
Le MOSC est un rassemblement des associations et des syndicats citoyens, en particulier celles émergeant de la nouvelle phase de la transition démocratique. Nous travaillons notamment avec les jeunes et les femmes.
Il vise à faire la politique autrement. Pas nécessairement dans le cadre d’un parti. Nous voulons donner le pouvoir aux sans-pouvoirs. C’est la démocratie participative. La société civile, mais pas n’importe laquelle, y assure un rôle de veille. Une société civile citoyenne. Qui prêche pour les devoirs avant les droits. Où la citoyenneté joue un rôle très important avec une sensibilité sociale.
Nous nous distinguons, donc. Nous ne sommes pas un parti politique. Nous faisons de la politique, au sens noble du terme, de l’intérêt général. Et pas la politique politicienne qui est du ressort des partis politique.
“On est passé de la phase de la libération nationale et de la consolidation de l’Etat national, fondée sur la culture nationale à connotation autoritaire et paternaliste, à la transition démocratique fondée sur la culture de la citoyenneté“
La Tunisie a changé de paradigme. On est passé de la phase de la libération nationale et de la consolidation de l’Etat national, fondée sur la culture nationale à connotation autoritaire et paternaliste, à la transition démocratique fondée sur la culture de la citoyenneté.
Dans le MOSC, nous essayons de redéfinir la citoyenneté, qui ne se limite pas à l’aspect juridique, et s’étend au culturel, économique, social, écologique et numérique.
Quels sont vos objectifs ?
Le premier est de réfléchir à la définition de la nouvelle conception de la citoyenneté. De travailler à l’éducation à cette nouvelle citoyenneté. D’autant que l’élite est encore dans l’ancienne culture.
Le deuxième objectif du MOSC est d’opérer la mise à niveau du tissu associatif. On compte aujourd’hui en Tunisie plus de 20.000 associations. Soit plus du double du nombre d’avant le 14 janvier 2011. Mais on peut se demander combien parmi elles fonctionnent de façon normale.
“En réalité, le tissu associatif n’a pas les moyens de sa politique. On peut même considérer que, pour cette raison, il fait partie en quelque sorte du secteur informel“
En réalité, le tissu associatif n’a pas les moyens de sa politique. On peut même considérer que, pour cette raison, il fait partie en quelque sorte du secteur informel.
Mais malgré nos 20.000 associations, nous sommes encore loin de pays ayant la même population que la Tunisie, ou presque, comme la Belgique. Ce pays compte près de 90.000 associations, dont 80.000 au moins ont une activité réelle. Donc, nous nous sommes fixés à long terme des objectifs stratégiques ambitieux dans ce domaine.
De même, et pour être proche de la population, le MOSC travaille sur l’emploi et la qualité des services publics.
Voilà notre plan d’action pour les cinq prochaines années du MOSC, qui englobe également l’ACMACO et la CGTT.
Comment allez-vous faire la mise à niveau du tissu associatif ?
On va commencer par le diagnostic. Ensuite, nous allons proposer aux associations un programme de formation. De même, nous allons travailler sur les outils de financement sur le réseautage national et international.
Pour ce faire, nous nous sommes inspirés du programme de mise à niveau des entreprises tunisiennes (PMN) mis en œuvre au début des années 90, suite à la conclusion de l’Accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne.
Nous avons pensé que cette expérience pouvait, même si elle ne se situe pas dans notre champ, être adaptée au tissu associatif tunisien.
Où comptez-vous trouver le financement dont les associations ont besoin ?
C’est l’Etat qui doit les financer, tout comme il le fait avec les partis politiques et à l’instar de ce qui se passe ailleurs, en France par exemple. L’Etat, qui collecte l’impôt et les cotisations sociales, a le devoir de soutenir la société civile, selon un programme et des activités. Sinon on va rester dans l’informel.
“Nous ne participerons pas aux élections parce que nous ne sommes pas un parti politique“
Est-ce que le MOSC va prendre part aux élections ?
Non. On va initier des dynamiques et proposer des programmes, mais nous ne participerons pas aux élections parce que nous ne sommes pas un parti politique.
Pour les prochaines élections, c’est un peu tôt, mais à l’avenir on pourra soutenir des partis politiques. Car nous nous réclamons de la démocratie participative et non représentative. Nous sommes une force de propositions sur les questions économiques, sociales et sociétales.
Propos recueillis par Moncef Mahroug
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