“L’énorme quantité d’eau requise pour l’industrie de l’huile d’olive en Tunisie impacte les ressources hydrauliques du pays et grève son budget, puisque l’Etat subventionne cette eau. En termes de coûts d’opportunité d’exportation, plus de 45 millions de dinars par an sont dépensés pour subventionner l’eau virtuelle exportée en même temps que les exportations d’huile d’olive”. C’est ce qui ressort d’un document sur la “Libéralisation des échanges et secteur de l’huile d’olive: l’exemple de l’eau virtuelle”, publié par l’Observatoire tunisien de l’économie.
Cette étude s’intéresse à l’irrigation intensive liée à la production d’olives et d’huile d’olive, pour analyser les défis de la libéralisation potentielle de l’agriculture, dans le cadre de l’Accord de libre-échange complet et approfondi Tunisie-UE (ALECA).
Attention à la libéralisation potentielle du secteur agricole
L’Observatoire conclut “qu’une telle libéralisation constituerait une menace pour la souveraineté locale de l’eau en Tunisie”, étant donné qu”une libéralisation potentielle du secteur agricole tunisien limiterait encore l’autorité du gouvernement et sa capacité à évaluer et à gouverner avec précision ses schémas virtuels de l’eau et ses empreintes dans l’ombre de la concurrence intra-sectorielle, sur un volume d’eau déjà rare.
La libéralisation de l’agriculture tunisienne et d’importants secteurs agraires tels que celui des olives et de l’huile d’olive pourrait à première vue être une bonne nouvelle pour la Tunisie car elle dispose d’un avantage compétitif, comme le souligne son deuxième rang mondial pour la production et l’exportation de ces produits.
La production d’un kilogramme d’huile d’olive irriguée nécessite 2,331 litres d’eau
Cependant, l’Observatoire estime que “si l’on se place du point de vue de l’eau virtuelle, du contrôle des ressources hydrauliques et donc de la souveraineté de l’eau, on peut conclure qu’il n’est pas aussi bon qu’il n’y paraît. Selon les calculs de ce document de travail, la production d’un kilogramme d’huile d’olive irriguée, nécessite 2,331 litres d’eau, tout au long de son cycle de production”.
“Les tentatives visant à intégrer davantage les économies tunisienne et européenne dans le cadre de l’ALECA conduiront à des incitations croissantes à l’exportation pour l’industrie de l’huile d’olive, la Tunisie disposant d’un avantage comparatif dans ce domaine. Plus le niveau des exportations est élevé, plus la quantité d’eau virtuelle utilisée dans le cycle de production est grande”.
Avec la poursuite de la libéralisation à l’horizon, la stratégie et les politiques du gouvernement vont comprendre l’augmentation de l’irrigation dans le secteur de l’olive et de l’huile d’olive.
A préciser que l’intensité de l’utilisation de l’eau dépend du type d’oliveraie et de la méthode d’irrigation utilisée. Les trois méthodes les plus répandues sont: hyper-intensive, intensive et sèche. Les deux premières nécessitent au moins, deux mille litres d’eau virtuelle par kilogramme d’huile d’olive -et ne sont pas soutenables pour un pays aride comme la Tunisie.
Les limites du modèle d’agro-exportation tunisien
Depuis son indépendance, la politique agraire tunisienne a été un modèle d’agro-exportation qui ne prend pas en compte les ressources en eau. Ce modèle a atteint ses limites puisque la Tunisie est au seuil du stress hydraulique.
L’eau tunisienne est à la fois subventionnée et rare, mais reste sous-estimée en tant qu’intrant vital en termes de prix pour les olives tunisiennes et l’huile d’olive. Ce même coût d’opportunité d’exportation est partagé par d’autres produits agraires exportés à forte intensité d’eau, notamment les tomates, le melon, etc.
Nécessité d’une révision du système actuel de subvention de l’eau
Sur la base de l’analyse ci-dessus, l’Observatoire recommande une révision urgente du système tunisien actuel de subvention de l’eau et le développement d’une politique plus appropriée qui équilibre les avantages socio-économiques, tels que la création d’emplois, les bénéfices nets, etc et l’usage de l’eau.
De plus, comme l’a montré le document, “l’huile d’olive irriguée contenant des quantités plus importantes d’eau virtuelle, il n’est peut-être pas judicieux de subventionner toutes les exportations d’huile d’olive. Au lieu de cela, un équilibre doit être trouvé entre la productivité en termes d’intensité de l’eau et la pénurie d’eau dans l’élaboration d’une politique qui subventionne plus ou seulement, l’huile d’olive provenant des régions sèches”.
L’Observatoire juge nécessaire “la mise en place d’une nouvelle stratégie gouvernementale pour mieux gérer et coordonner la demande en eau des différents utilisateurs et en fonction des différents besoins (eau potable, eau d’irrigation, etc.)”.
“Enfin, les décideurs doivent sérieusement, prendre en compte les échanges commerciaux liés aux ressources en eau limitées, dans la poursuite des négociations de l’ALECA. Une solution possible consiste à envisager de moderniser les méthodes de commerce de l’huile d’olive et de passer des exportations en vrac non transformées, à une nouvelle méthode qui investit dans des processus à valeur ajoutée avant de s’engager dans un libre-échange avec l’UE”.