Pour Ettakatol, le président de la République a délaissé son rôle d’arbitre garant de la Constitution, de sa primauté et de l’unité des Tunisiens en paraphant mardi 24 octobre la loi de réconciliation administrative.
Dans une déclaration rendue publique mercredi, le parti, qui avait fait partie de la Troïka au pouvoir après la révolution de 2011, a fustigé “l’atteinte portée au processus de la justice transitionnelle initiée par la constitution en tant qu’un système que l’Etat s’engage à mettre en vigueur dans tous les domaines et visant à réaliser la réconciliation nationale, intégrale et véritable après le démantèlement du système de corruption et la reddition des comptes”.
Il a dénoncé d’autre part “l’atteinte des institutions de l’Etat et de leur crédibilité en exerçant des pressions sur l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi et le rejet de l’avis du conseil supérieur de la magistrature”.
Ettakatol, dirigé désormais par Khalil Zaouia, au terme de son dernier congrès, a mis en garde contre “la consécration de l’impunité et de la corruption au lieu de la combattre et le respect des dispositions de la convention des Nations Unies de lutte contre la corruption adoptée par la Tunisie en 2008”.
“Cette loi (de réconciliation) n’instaurera pas un climat propice à l’investissement et au développement de l’économie nationale mais encouragera la corruption”, estime le parti, affirmant que les pots-de-vin, le népotisme et l’impunité sont le vrai fléau qui gangrène l’économie et freine son décollage.
Même reproche pour le PT
Le Parti des Travailleurs a condamné également le paraphe par le chef de l’Etat de la loi sur la réconciliation “qui a divisé le peuple tunisien, a porté un coup à la justice transitionnelle, a consacré l’impunité et a récompensé les symboles de la corruption pour avoir soutenu le président de la république, son parti et sa coalition au pouvoir”.
“Le projet de loi sonne comme un feu vert à la contre-révolution pour reprendre son influence aux dépens des droits des victimes de la dictature et de la corruption, et des droits du peuple en général”, relève le P.T
Il a fustigé d’autre part la position de l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi “qui a pris fait et cause pour le pouvoir exécutif et la majorité au pouvoir, ce qui porte atteinte à sa crédibilité, affaiblit son rôle, exige d’accélérer l’installation de la cour constitutionnelle et de mettre un terme à la mission de cette instance”.
“L’adoption de la loi sur la réconciliation en matière administrative fait partie d’un plan de la coalition de droite au pouvoir visant à noyauter les instances constitutionnelles pour les empêcher de jouer leur rôle et finalement contre carrer le processus de la transition démocratique vers l’instauration d’un régime politique présidentiel”, estime le parti.
Il a appelé le peuple tunisien et toutes les forces vives “à redoubler de vigilance, à relancer l’action civile, populaire et pacifique pour abolir cette loi et à faire face aux menaces qui pèsent sur le pays et le peuple à tous les niveaux dont sont responsables les partis Nidaa et Ennahdha”.
Réunie le 17 octobre, l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) a décidé de renvoyer le projet de loi organique n°2015-49 relatif à la réconciliation administrative au président de la République, en l’absence de la majorité des voix requises pour statuer sur les recours intentés contre ce texte, qui l’a finalement paraphé mardi.
Le projet de loi controversé sur la réconciliation administrative adopté en septembre dernier par 117 députés, à l’issue d’une journée de débat houleux, accorde une amnistie aux fonctionnaires accusés d’être impliqués dans des faits de corruption administrative et n’ayant pas touché de pots-de-vin, rappelle-t-on.