“L’accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA), qui constitue le principal dossier en négociation entre la Tunisie et l’UE, doit être un cadre pour promouvoir un co-développement qui profiterait aux deux parties, tout en tenant compte de la différence des poids économiques”. C’est ce qu’estime le vice-président de l’UTICA, Hichem Elloumi, lors d’une conférence-débat organisée par l’UTICA en collaboration avec l’Union européenne, dans le cadre de la visite en Tunisie du président du Parlement européen, Antonio Tajani, ayant eu pour thème “Le partenariat privilégié Tunisie-UE au service de l’investissement, de la croissance et de l’emploi”.
Pour le vice-président de la centrale patronale, “même si le partenariat entre la Tunisie et l’Union européenne s’est diversifié, multiplié au fil des années, il est resté en deçà des espérances et des capacités de la Tunisie, pays qui veut se hisser au niveau des ses partenaires européens et aspire à bénéficier d’une coopération, d’un appui et d’une assistance similaires sinon proche de celles dont ont bénéficié les pays récemment admis dans l’UE, dont les économies étaient similaires à celle de la Tunisie d’aujourd’hui”.
Et d’ajouter, “certes des préalables nécessaires à cette intégration plus poussée de l’économie tunisienne à l’Europe doivent être remplis, tels que l’harmonisation de nos lois et réglementations sur la législation européenne, la mise à niveau de notre administration, la lutte contre l’informel et la contrebande, l’accélération du processus des réformes, mais ces préalables doivent pas constituer pour autant un frein, un handicap à cette intégration ni à l’accès au marché pour nos entreprises”.
Toujours selon lui, “l’ALECA doit être un vecteur de création d’emplois stables et de qualité et un cadre pour un développement économique, social et environnemental harmonieux”.
“Cet accord suscite aujourd’hui chez les uns de l’espoir de création de nouvelles opportunités. Il soulève chez d’autres de nombreuses craintes et incertitudes notamment pour certains secteurs sensibles et fragiles. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que cet accord aille au-delà du simple établissement d’une zone de libre échange pour aboutir à la dynamisation des flux d’investissement, à la promotion des synergies industrielles et agricoles ainsi qu’au renforcement du dispositif d’appui à la politique nationale de recherche-développement”.
“Nous appelons également à l’adoption à l’instar du programme de mise à niveau de l’industrie, d’un programme similaire pour le secteur agricole, les filières agroalimentaires et celui des services. La facilitation de l’accès de nos produits au marché européen est à considérer en toute priorité. Je citerais l’élimination des quotas (huile d’olive), des barrières tarifaires et non-tarifaires (fruits…) et la révision des règles d’origine pour le textile et habillement. Cet accord devra aussi faciliter les procédures d’octroi des visas pour certaines catégories de personnes, notamment les étudiants, les chercheurs et les responsables et cadres d’entreprises espérant qu’à long terme, une évolution vers une pleine mobilité des citoyens sans visa dans un futur espace économique commun entre l’UE et la Tunisie “, a-t-il soutenu.
De son côté, le secrétaire d’Etat au Commerce, principal négociateur de l’ALECA, Hichem Ben Ahmed, a estimé que “les discussions autour de cet accord doivent se faire d’une manière progressive et asymétrique. D’un autre côté, on ne peut pas parler d’un accord de libre échange sans évoquer la question de mobilité des personnes, surtout celle des professionnels, qui reste la clé à un partenariat plus approfondi”.
Ben Ahmed a aussi affirmé que “la réalisation d’une nouvelle étude d’impact sur les éventuelles répercussions de l’ALECA sur les différents secteurs économiques tunisiens a été confiée, depuis deux jours à un bureau d’étude tunisien”.
Evoquant les opportunités de coopération triangulaire Tunisie-UE-Afrique que pourrait ouvrir cet accord, il a fait savoir que ” la Tunisie signera en janvier prochain son adhésion au Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA), soulignant l’importance que requiert cette adhésion aussi bien pour la Tunisie que pour ses partenaires européens qui souhaitent investir en Afrique.
Prenant part au débat, le président de l’Instance tunisienne de l’investissement, Khalil Laabidi, a souligné l’importance que pourrait revêtir l’ALECA en termes d’investissement, si les spécificités du tissu économique tunisien sont prises en compte dans le cadre des négociations en cours.
Il rappelé, à ce titre que “l’Union européenne est le premier partenaire de la Tunisie en matière d’investissement. Sur 3406 entreprises étrangères ou à participation étrangère en Tunisie, 2471 entreprises sont originaires de l’union européenne soit 87% du total. En termes de valeur, les investissements européens en Tunisie représentent 71% des investissements étrangers globaux et emploient 85% de ce qu’emploient les entreprises étrangères”.
Il poursuit en disant que “le secteur textile demeure le secteur qui accapare la part la plus importante d’investissements européens, suivi par le secteur des industries mécaniques et métallurgiques, le secteur électrique et électronique, celui des services informatiques et celui des Etudes & Conseil. On assiste aujourd’hui à un renversement de tendances où les secteurs mécanique et électronique sont en train de prendre le pas sur le secteur textile, qui change aussi de visage en s’orientant plus vers le textile technique”.