En l’espace de deux semaines, le souverain marocain, Mohammed VI, a fait la grande purge de l’armée à laquelle a très vite succédé le limogeage de nombre de ministres et de hauts fonctionnaires en exercice qui n’ont pas respecté les délais impartis pour les projets de développement d’Al Hoceima, épicentre de la contestation dans le Rif.
Au Maroc, le Roi gouverne, il ne négocie pas ou très peu. Il a eu la chance de ne pas avoir une Constituante pour une deuxième République qui a abouti à une Constitution handicapante.
Chez nous les hauts commis de l’Etat ont besoin de la protection des syndicats ou des partis. Du coup, ils ne prennent aucune décision qui risque d’offusquer les uns ou les autres, mais en oublient les intérêts du pays qui devraient pourtant prévaloir sur toutes les alliances et les «complicités».
Le chef du gouvernement, lui, est ligoté par un système politique bâtard où personne ne peut prendre de décision et personne ne peut assumer la responsabilité de ses actes. Pour défendre les hauts intérêts du pays, c’est la Croix et la bannière, les contraintes imposées par le nouveau système politique rendent impossibles toute forme d’exercice de l’autorité de l’Etat.
Et c’est le grand malheur de la Tunisie. Comment «dénicher» un homme d’Etat capable de prendre à témoin le peuple -de loin plus conscient que ses élites- pour oser de grandes décisions sans avoir peur de déplaire ? Un homme d’Etat qui a des tripes et qui est capable, par sa consistance intellectuelle et sa maîtrise des grands dossiers, de faire valoir les intérêts du pays même si on doit le haïr, de clouer le bec à tous les vautours mal famés qui sévissent partout dans le pays et qui empoisonnent le climat socioéconomique et politique. Un homme d’Etat entouré de conseillers qui travaillent sur des solutions et non qui créent des problèmes!
La Tunisie a besoin d’un leader capable de rétorquer à ceux qui parlent de “lignes rouges“, et qui veulent gouverner, se substituer à l’Etat et affaiblir le pouvoir exécutif le réduisant à un exécutant sans aucun pouvoir décisionnel, que les seules lignes rouges sont son drapeau, la sécurité socioéconomique du pays et sa paix sociale.
La Tunisie a besoin d’une boussole, et le peuple a besoin de savoir où va le pays et comment ses enfants vont pouvoir y vivre, car aujourd’hui il s’agit ni plus ni moins que de survie.
Quand est-ce que ce peuple saura qui le gouverne réellement ? Lui qui a cru que les élections démocratiques et transparentes garantiraient sa prospérité et réaliseraient le bien-être qu’il ambitionnait.
Face à un exécutif ligoté par la Constitution -la plus désastreuse de toute l’histoire de la Tunisie-, et accablé par des instances constitutionnelles qui coûtent à l’Etat les yeux de la tête, qui bénéficient de privilèges financiers insensés et qui jouissent de l’immunité, nous ne savons plus qui gouverne.
Mais pas seulement, nous avons affaire à un parti sorti victorieux des élections mais complètement désarticulé, et à un autre parti qui gouverne sans occuper les devants de la scène nous rappelant ainsi le fameux dicton populaire «Asker Ezzouara, mkadmin fil ribh, mwakhrin fil khssara» (les soldats de la tribu Zouara, premiers à profiter des victoires et derniers à résister aux défaites), et à une autre force devenue politiquement incontournable : l’UGTT.
L’UGTT qui “terrorise“ nombre de ministres qui ne veulent pas se la mettre sur le dos même si c’est aux dépens des intérêts du pays et de ceux des contribuables. La Centrale syndicale jadis des plus patriotiques et soucieuse des intérêts de la nation dans laquelle feu Habib Achour a interdit toute idéologie politique ou dépassement de la mission, en principe concernant uniquement la défense des droits des travailleurs, se mêle désormais de tout.
Mais alors à quoi cela servirait d’avoir un exécutif si, pour nommer un délégué, un directeur dans une administration, prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de contrevenants ou encore mettre en prison des mafieux, le premier responsable doit en référer non seulement aux signataires du Pacte de Carthage, mais s’assurer que les instances, en principe régulatrices, ne vont pas le contrecarrer? Pire, il faut avoir la bénédiction de toutes les ONG financées par nous ne savons qui telles IWatch, Human Rights Watch, LTDH ou autres…
Le gouvernement n’aurait-il aucune voix au chapitre s’agissant du social ? N’a-t-il pas la responsabilité de protéger et de préserver les intérêts de tous les Tunisiens ou ceci serait-il l’apanage des militants syndicalistes seulement ?
Est-il normal que, dans une Tunisie en plein naufrage, on continue indéfiniment les rounds de négociations-consensus alors qu’il faut rapidement décider et passer directement à l’action ?
Nous évoluons dans un pays où les contribuables payent pour des sociétés publiques déficitaires que l’on peut sauver à travers le partenariat public-privé ou en les privatisant carrément, tout en préservant les intérêts des travailleurs. Mais il ne faut surtout pas fâcher la centrale syndicale où certains lobbys qui risqueraient de nous dégommer !
Les politiciens devraient avoir le courage d’assumer leurs responsabilités de gestion des affaires de l’Etat au lieu de la rejeter tout le temps sur le dos des «activistes» dont une grande partie est payée pour semer le trouble dans le pays. Des activistes qui servent des agendas partisans nocifs pour le pays.
Et les exemples sont légion! Savez-vous que les seuls pays où il existe des fabriques de tabac comme la RNTA (Régie nationale des tabacs et allumettes), c’est la Tunisie et la Corée du Nord? Comme quoi des pseudo-démocraties peuvent parfois avoir des points communs avec des dictatures sanguinaires.
La vente de la RNTA pourrait apporter à la Tunisie 6 milliards de dinars et qui plus avec des garanties pour que les droits des travailleurs soient préservés. Ils pourraient même avoir plus de privilèges si cela se réalisait. Mais bien sûr, ce n’est pas possible car l’exécutif est paralysé parce qu’effectivement certains ministres ont «sauté». Ils n’étaient pas “assez obéissants“ pour la centrale ouvrière, d’autres tremblent de peur de susciter les inimités du président d’Ennahdha et de son parti.
Il paraît même que le président du parti islamiste a fait des pressions pour qu’un conseiller à la présidence du gouvernement soit élevé au rang de ministre de peur de le frustrer et de le fâcher car cela fait des années qu’il est au service du parti qui a le mieux et le plus infiltré les organes de l’Etat.
Et dans tout cette «ojja tunisienne», la mère patrie cherche son homme. Un homme ayant des tripes et qui ose dire stop à toutes ces forces destructrices fortes de discours démagogiques qui n’ont plus d’effet sur un peuple complètement désillusionné de toute une classe politique sans projet et sans vision et lâche par-dessus le marché.
Un peuple à la recherche d’un sauveur car il ne croit plus ni dans les partis dirigeants ni dans leurs leaders qu’il juge incapables de discuter projets et contre-projets, mais maniant à merveille les coups bas et les combines de bas étage. Un peuple déçu par ses élus en grande partie affairistes et se souciant peu de le défendre.
Dans n’importe quel pays, il faut qu’il y ait un chef appuyé par des forces politiques qui ait la capacité de prendre les décisions qui s’imposent dans l’intérêt du pays et d’en assumer les conséquences, sauf dans la Tunisie post-14 janvier. Démocratie rime-t-elle avec chute libre des valeurs, du patriotisme et du sens de l’appartenance ? Le peuple tunisien aurait-il un jour à choisir entre démocratie et liberté d’expression et capacité à survivre dans un pays où le coût de la vie dépasse de loin les moyens du Tunisien moyen ?
Cela fait 7 ans qu’il en paye le prix. A quand l’épilogue?
Amel Belhadj Ali