Ce que certains craignaient et d’autres appelaient de leurs vœux a fini par arriver: dimanche 29 octobre 2017, Amor Mansour, gouverneur de Tunis, a été limogé. Super-gouverneur –il était le seul à avoir eu le rang de ministre-, cet ancien juge d’instruction a occupé ce poste pendant près de treize mois (16 septembre 2016-29 octobre 2017)– contre cinq seulement à l’Ariana (22 août 2015-19 janvier 2016) où il avait précédemment officié. Sans oublier que son «règne» à la tête du ministère de la Justice (12 décembre 2016-27 août 2016) n’a duré que sept mois.
Le constat s’impose, donc: à chacune de ces étapes, M. Mansour a été remercié alors qu’il était crédité d’un bilan très largement positif –et, cette fois-ci, salué par un grand nombre de Tunisois et de Tunisiens.
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Cette bizarrerie bien tunisienne incite à se demander pourquoi ce magistrat de métier a été limogé à trois reprises bien qu’il se soit acquitté à chaque fois comme il se doit de sa mission? Alors que nos dirigeants politiques se plaignent à longueur de journée, comme la majorité des citoyens du reste, que l’autorité de l’Etat soit bafouée, que la violation de la loi soit devenue la règle et son respect l’exception, la personne –en l’occurrence Omar Mansour- qui a le plus fait pour réhabiliter la première et faire respecter la seconde, devrait au moins être maintenu à son poste pour continuer le travail déjà entamé. Voire promu et décoré.
M. Mansour ayant été, au lieu de tout cela, évincé, on est fondé à s’interroger sur les raisons de ce qui apparaît comme une sanction. Les autorités n’ayant donné aucune explication à ce sujet, on ne peut que spéculer et … attendre la suite des événements qui pourrait apporter des éléments de réponse.
On sait déjà –puisque les intéressés n’ont cessé de le crier haut et fort- que les barons du marché parallèle qui, il y a encore quelques semaines, faisaient la loi dans les rues de la capitale, sont les pires ennemis du gouverneur démis. Les restaurateurs et les tenanciers de café, salons de thé, etc. qui se sont permis de construire tout ou partie de leurs installations sans y être autorités ou se sont déployés, en divers endroits de la capitale, sur tout ou grande partie du trottoir, qui relèvent du domaine public, ne portent pas non plus M. Mansour dans leur cœur.
Alors, ont-ils exercé des pressions sur le gouvernement pour l’obliger à pousser le gouverneur de Tunis vers la sortie? Si dans les prochains jours, semaines ou mois, tout ce monde parvenait à rétablir la situation ante à laquelle le gouverneur Mansour avait mis fin et que son successeur ne poursuit pas et que les autres gouverneurs n’adoptent pas la politique de fermeté totale à leur égard de tous les contrevenants à la loi, on aura la réponse à la question. Cela voudra dire que l’Etat n’est pas aussi déterminé qu’il l’affirme à combattre toutes les pratiques illégales entachant la vie économique et commerciale.
Mais que les autorités démentissent tout cela par la parole et l’acte, et on se trouverait à envisager une autre explication du limogeage du précédent gouverneur de Tunis qui serait au moins aussi mauvaise que la première. On en serait réduit à croire que c’est en fait la popularité grandissante de cet homme qui dérangeait.