L’incitation à l’investissement, quoi de neuf ? “, c’est autour de cette question que s’articulent les travaux du 11ème colloque international de la Faculté de droit de Sfax qui se tient les 2, 3 et 4 novembre 2017, avec la participation d’une pléiade d’universitaires tunisiens et étrangers, de chefs d’entreprises et d’étudiants de la Faculté.
Les incitations générées dans le cadre de l’opération de refonte du cadre juridique régissant l’investissement, notamment, la loi du 30 septembre 2016 et ses décrets d’application, ne suffisent pas à promouvoir l’investissement si bien que l’instabilité politique et sociale fait perdurer des doutes sur le climat des affaires et que le contexte actuel est considéré des plus difficiles, ont concordé nombre d’intervenants lors de la séance d’ouverture du colloque qui s’est articulé autour de la thématique ” Les déterminants de la politique de l’investissement “.
Pour le Professeur Neji Baccouche, ancien doyen de la faculté de droit de Sfax l’incitation à l’investissement consacrée par les textes, est neutralisée aujourd’hui par la situation de plus en plus difficile des finances publiques, l’impatience des catégories fragiles, le déséquilibre du développement régional et l’augmentation du taux de chômage, l’aggravation du déficit budgétaire…
Pis encore, l’impunité fiscale et le commerce parallèle risquent de détruire les fondements même de l’Etat, a tiré la sonnette d’alarme Neji Baccouche dans le rapport introductif de la manifestation mettant en exergue la gravité des crises multiples que traverse la Tunisie et la rareté des investissements, particulièrement après la Révolution qui constitue un investissement dans le futur, relativise-t-il.
Répondant à la problématique: ” Liberté d’investissement, quoi de neuf ? “, l’enseignant universitaire Mohamed Kossentini a considéré que la liberté n’est guerre une question de texte mais plutôt une question de volonté politique qui doit mettre dans les faits, les libertés d’entreprise, de concurrence et d’investissement.
La loi de 2016 n’apporte ” presque rien de nouveau ni quant au fond ni quant à la forme “, surenchérit Kossentini qui considère que l’introduction de plusieurs secteurs tels que l’énergie, les mines et le secteur financier ou encore le flux des capitaux dans la nouvelle législation est ” une simple illusion “.
Il relève ce qu’il appelle ” des ambiguïtés ” se rapportant essentiellement à l’interdiction aux investisseurs étrangers l’appropriation de terres agricoles et non-agricoles. Une intervention législative s’impose, d’après-lui, pour lever les ambiguïtés se rapportant aux autorisations du gouverneur et de la Banque Centrale en la matière.
Par ailleurs et après une intervention du Professeur Abdelmajid Yanat, Maitre de conférence à la Faculté de droit d’Alger (Algérie), qui a énuméré les seuils d’éligibilité aux avantages et à la simplification des procédures dans son pays, l’auditoire a suivi avec beaucoup d’intérêt l’exposé du Marocain Hassen Elarfi, Professeur à l’Université Mohamed V à Rabat intitulé ” Incitation à l’investissement, coût et efficacité “.
M. Elarfi a indiqué que ” Pour améliorer le climat des affaires, il est indispensable de protéger et garantir les IDE, d’être présent dans les instances internationales et d’opérer une réforme du cadre légal de l’investissement ” (particulièrement l’impôt sur les sociétés). Pour lui, la simplification des procédures (gestion électronique du marché public) à titre d’exemple est plus importante que la stabilité politique pour drainer les investissements étrangers.
Analysant les principaux paradigmes des IDE au Maroc, l’orateur a mis en exergue l’importance de se focaliser sur le secteur de l’industrie (beaucoup plus que celui des services) qui doit attirer le plus ces Investissements étrangers compte tenu de son apport très appréciable en terme de création de richesse et d’emplois.
M. Elarfi a dressé une cartographie de ce qu’il a appelé ” les risques de non performance des incitations à l’investissement ” dont en particulier ” la non génération de valeur ajoutée dans l’export, le choix d’investissement inopportun, la compétitivité non maîtrisée, etc. “.
Il a recommandé que les IDE ne doivent constituer le fondement de la stratégie de l’investissement du pays d’accueil. Ce sont les investissements nationaux qui doivent le faire, selon lui.
Pour sa part, le professeur à l’Université Panthéon-Assas à Paris II, Francesco Martucci a analysé, dans une intervention intitulée ” L’investissement en Tunisie en droit de l’Union “, la politique de l’Union européenne en Tunisie en matière d’investissement conformément aux textes juridiques locaux et aux principes de la libre circulation des capitaux dans l’investissement direct.
Il a mentionné l’importance de la programmation politique du marché public et du marché privé dans ce partenariat tuniso-européen. Francesco Martucci considère que l’UE a favorisé un partenariat privilégié UE-Tunisie, soutenu sa transition démocratique, continue a accorder actuellement des facilités d’investissement au titre de voisinage (prêts et garanties BEI, opération emprunts-prêts) et le poursuivra à l’avenir à travers les négociations de l’ALECA.