“Si je ne m’étais pas converti à l’agriculture de conservation, j’aurais quitté ce domaine depuis longtemps, parce c’est plus rentable que l’agriculture traditionnelle”. C’est Adnene Abdrabbou, paysan agriculteur, qui s’exprime ainsi alors qu’il participe au Salon international de l’agriculture, du machinisme agricole et de la pêche “SIAMAP 2017”.
Cet homme proche de la terre assure que “cette solution est une approche innovante qui permet de maintenir et améliorer la fertilité du sol, tout en conservant une production régulière et performante. Elle permet de réduire de 15 à 20%, les coûts de production et de lutter contre des phénomènes climatiques extrêmes (sécheresse, averses, aridité du sol, vulnérabilité à l’érosion)”.
L’agriculteur parle avec amour de son expérience de l’exploitation de la terre : “j’ai introduit l’agriculture de conservation depuis 1999, dans ma ferme située au nord-ouest, à El Krib, dans le gouvernorat de Siliana (160 hectares) et l’expérience a été une réussite”.
“La base de cette agriculture est de ne plus labourer la terre, installer une couverture végétale permanente à la surface du sol, après chaque moisson pour limiter l’érosion et l’évaporation de l’eau, faire une rotation convenable des cultures et un bon assolement, c’est-à-dire éviter les monocultures qui détruisent directement le sol”, a-t-il poursuivi. “Je suis très conscient de l’importance du changement des méthodes de travail, parce que le sol s’appauvrit de plus en plus, mais aussi, pour faire face aux problèmes d’érosion et de la cherté des intrants. J’ai un grand amour pour la terre et suis très conscient de l’importance de préserver notre patrimoine”.
“Certes, je suis pour les avancées et les découvertes réalisées par l’homme dans le domaine agricole, mais il faut faire confiance à la nature qui va assurer son propre équilibre, sans les interventions de l’être humain”, a assuré Abdrabbou, tout sourire.
“La philosophie de l’agriculture de conservation, c’est d’essayer de produire dans un système, avec un minimum de dommages pour la nature, tout en assurant la durabilité de la production. A l’époque, lorsqu’on parlait de pérennité de l’agriculture, c’était de l’exotisme, alors qu’aujourd’hui, tout le monde revient à cette notion et appelle à la conservation du sol, car la perte de notre sol signifie la fin de l’humanité tout entière”, a rappelé ce paysan agriculteur.
“J’ai essayé avec d’autres agriculteurs d’introduire la technique du semis direct, c’est-à-dire semer sans perturber le sol et sans le labourer. Cette solution est coûteuse lors de l’investissement initial, notamment pour l’installation des machines mais elle permet à l’agriculteur de faire des économies de l’ordre des deux tiers, au niveau de ses dépenses et notamment du carburant”.
“On est en train de batailler pour obtenir des subventions, intéresser et impliquer les pouvoirs publics à cette technique innovante, et pour l’introduire aussi, dans la formation assurée au sein des institutions de recherche et des écoles d’agronomie”.
“Il faut développer une réflexion sur cette question car le désert nous guette. La Tunisie est à la porte du désert, avec le coefficient de désertification le plus élevé, de tout le Maghreb. En outre, le pays vit depuis trois ans, des périodes de sécheresse, enregistrant des déficits dans la production des céréales”, a-t-il averti.
La Tunisie a mené, au cours de la période 2014-2017, un projet de l’agriculture de conservation au Maghreb, dans la région de “Tahint” à Bizerte, une région montagneuse de petits paysans qui ne disposent pas encore, de machines agricoles ainsi que dans le gouvernorat de Siliana. Ce projet mené et financé par la “FERT”, association française de coopération internationale pour le développement agricole des pays en développement et émergents a été également, réalisé au Maroc et en Algérie.
Selon le coordinateur du projet sur l'”agriculture de conservation en Tunisie”, Mohamed Hédi Khessiba, la technique de l’agriculture de conservation employée dans ces régions, a permis aux agriculteurs d’utiliser dans leurs cultures des semoirs de semis direct, innovants.
Elle a également, permis de renforcer les capacités des organisations paysannes, maîtriser l’agriculture de conservation, créer un espace d’échange entre agriculteurs, techniciens et chercheurs à l’échelle du Maghreb ainsi qu’à mobiliser des acteurs pour développer cette technique.