Les personnes racistes et les fauteurs d’actes de discrimination sous toutes ses formes vont dorénavant rendre compte de leurs actes ignobles devant la justice. Une loi incriminant, pour la première fois, ce genre de délits sera incessamment promulguée. Le ministère des Relations avec les instances constitutionnelles, la société civile et les organisations des droits de l’Homme y travaille actuellement en partenariat avec la société civile représentée par le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, le réseau euroméditerranéen et le Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie.
Cette nouvelle législation d’une dizaine d’articles a été dictée par deux facteurs socio-économiques. Le premier, d’ordre social, consiste en la multiplication des actes racistes perpétrés contre les étudiants africains qui suivent des études dans les universités tunisiennes, tandis que le second, d’ordre économique, tend à redorer l’image de la Tunisie auprès des pays africains avec lesquels elle projette de développer un business win-win.
Les objectifs déclarés
Objet actuellement d’une concertation publique qui prendra fin, le 5 novembre 2017, ce projet de loi, qui a été enrichi en amont par des propositions de la société civile et des experts, vise à consacrer l’égalité totale entre les citoyens et citoyennes en matière de droits. Mieux, il institue des mécanismes qui permettent de prévenir la discrimination, de protéger ses victimes et de sanctionner sévèrement ses auteurs.
Des sanctions à la hauteur de l’acte perpétré
Ainsi, toute personne qui tient de propos désobligeants et méprisants vis-à-vis d’une autre personne ou commet des actes racistes peut écoper soit d’une peine de prison de un à six mois de prison, soit d’une amende de 500 à 1.000 dinars, soit les deux à la fois. La sanction est doublée lorsque les victimes sont des personnes fragiles (enfant, vieillard, femme…) et lorsque les fauteurs d’actes de discrimination occupent des postes officiels.
Ces sanctions sont aggravées dans d’autres circonstances. L’article 9 prévoit des peines de prison de un à 3 ans ou d’une amende de 3.000 dinars ou les deux sanctions à la fois à toutes les personnes qui incitent à la haine, à la violence, à la discorde et à la suprématie raciale.
L’article 10 va plus loin, il prévoit pour toutes les personnes morales qui encouragent et financent la constitution d’organisations racistes ou participent à leurs activités des amendes de 5.000 à 15.000 dinars.
La logistique de lutte contre la discrimination
Le projet de loi fait mention d’autres mesures. En voici l’essentiel: l’Etat sera chargé, en partenariat avec la société civile, de l’élaboration des stratégies de lutte contre la discrimination et des programmes de formation, de sensibilisation et de contrôle.
Concrètement, une commission nationale de lutte contre la discrimination sera mise en place. Elle aura pour mission d’élaborer les politiques générales en la matière, de recenser les données sur les actes de discrimination et de mettre en place les mécanismes de prévention et de lutte contre ce fléau.
Au rayon des victimes, la loi leur garantit le droit à une assistance psycho-sociale adaptée, une protection juridique et un dédommagement approprié. Les victimes peuvent porter, directement, plainte auprès des différentes juridictions du pays sans passer par les postes de police et de gendarmerie et sans avoir à payer les honoraires des avocats.
Du côté de l’instance judiciaire, les plaintes des victimes sont traitées par des juridictions spécialisées, particulièrement lors du dédommagement, dans des délais raisonnables, des dégâts matériels et moraux occasionnés par les fauteurs d’actes de discrimination.
A rappeler que ce projet de loi s’inscrit dans le cadre des exigences de la nouvelle Constitution tunisienne de 2014 laquelle institue l’égalité de tous les citoyens en droits et en devoirs et dans le cadre des engagements pris par la Tunisie en matière des conventions internationales des droits de l’Homme.
A titre indicatif, le nouveau projet de texte reprend la définition de la discrimination mentionnée dans le premier chapitre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale de 1965 et à laquelle la Tunisie avait adhéré en 1967.
Dans cette Convention, l’expression «discrimination raciale» vise toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique”.
Quant à nous, nous pensons que ce projet de loi est une avancée fort significative sur la voie de la tolérance et de l’égalité totale entre les hommes, même si nos frères africains continuent à croire que les Tunisiens sont génétiquement racistes et que les lois sont certes nécessaires mais fort limitées pour venir à bout des mentalités moyenâgeuses.