Dans les ruelles et les différents espaces de la Médina propre à Houda Ajili, se dresse tout un monde en couleurs avec de célèbres personnages comme Claudia Cardinale, Amel Mathlouthi, Abou Al-Kacem Chebbi ou encore Lady Gaga, Nelson Mandela et Donald Trump, dans des oeuvres plastiques à travers un voyage inédit où chacun trimbale dans un univers multicolore qu’il ne connaît systématiquement pas.
Dans la confection de son œuvre, l’artiste est placée entre musique, drame, poésie, politique et droits humains pour donner à voir des figures aussi diverses et distinctes qu’à priori rien ne les rassemble. Sauf que pour une fois, la sensibilité et l’imagination de l’artiste-peintre les a réunis dans un espace qui ne leur appartient pas.
Lors du vernissage, vendredi, de son exposition personnelle intitulée “Il était une fois…à la Médina” qui se poursuivra du 17 novembre au 5 décembre à Dar al-Founoun au Belvédère, la jeune artiste voulait marquer le passage de chacun de ses modèles en évoquant un monde qui est le sien, la Médina de Tunis où elle est née et d’où elle s’est inspirée dans ce travail inédit. Des émotions, des peines et un désir de création se sont transformés en oeuvres joyeuses où la touche féminine de l’artiste redonne envie d’investir la Médina et ses coins habituels avec gaieté et audace.
Sur le tableau au milieu de la galerie, Emel Mathlouthi, -voix emblématique de la révolution de 2011-, investit à nouveau la Médina de Tunis. Elle, qui un jour a permis à tout le monde de se perdre dans sa voix révoltée et pleine de douceur est réinventée autrement par la palette de l’artiste.
D’un univers totalement différent, Donald Trump figure d’une puissance mondiale et d’un capitalisme mondialisé est invité par Houda Ajili à prendre une Chicha dans sa médina désireuse de “jeter la lumière sur ce lieu qui est le notre”. Deux portraits de Nelson Mandela avec un fond en faïence tunisienne aux couleurs vives et contemporaines, renvoient en quelque sorte aux couleurs de l’Afrique et celles du drapeau et costumes de l’Afrique du Sud, pays de cette figure emblématique de la lutte anti-apartheid.
Ajili voulait prendre la relève avec un travail artistique “nouveau et contemporain qui cadre avec notre époque et notre actualité.” Il s’agit d’une vision féminine d’une artiste glorifiant “la paix et la vie” car pour elle l’une des vocations essentielles de l’artiste est celle de donner ce souffle de vie aux gens.
La vieille médina de Tunis ne lui est jamais étrange. C’est un thème qu’elle a déjà abordé dans une précédente exposition sur l’architecture et les portes de la Médina, avec les artistes Mourad Harbaoui, Hatem Gharbi et feu Nejib Belkhodja. En tant que native des lieux, l’artiste dit souvent avoir “eu pitié de la Médina et ses coins emblématiques”.
Son souci d’apporter une quelconque contribution, l’embarque dans une aventure artistique portant en elle cet héritage abordé par les générations précédentes des pionniers de l’Ecole de Tunis. L’influence chez l’artiste, du savoir faire artistique des anciens maîtres, a fait naître une série d’oeuvres dans ce projet où elle se voit “sortir des techniques” dont elle avait l’habitude d’utiliser. Elle a eu recours à des techniques mixtes entre impression sur toile, acrylique, intervention à l’huile, feutre et vernis, tout en partant de photos réglées sur photoshop.
Placer la Médina dans une nouvelle perspective artistique et une vocation colorée sortant de l’ordinaire, demeure la chose qui capte le plus chez cette artiste. Elle a cette tendance à inverser et transgresser la mémoire visuelle de ces portes en bleu et mur en blanc, qu’elle ose leur rajouter de la couleur là on mon pensait pas les voir.
Sur une période de plus d’un an, Ajili a usé de tout son imaginaire et de ses souvenirs d’enfance pour les incorporer dans une exposition ultra futuriste qui porte les traces du passé. D’ailleurs elle compte peindre de nouvelles toiles en vue d’exposer son projet dans une galerie plus spacieuse dit-elle et lui permettre plus de visibilité dans des manifestations régionale set internationales d’envergure, telle que la Biennale de Dakar.
Tel un créateur de mode qui pour son défilé va jusqu’au bout de ses idées et des goûts en couleurs et en coupes les plus extravagantes, Ajili a dressé un croquis de sa Médina pour donner vie à une oeuvre aux allures ultra-modernes d’un monde qui est effectivement le sien.