Les assises de la réforme de l’enseignement supérieur se sont ouvertes récemment sous haute tension, avec le boycott des assises par l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) et l’Union des enseignants universitaires et chercheurs tunisiens “IJABA”.

En réaction le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous, a appeler à “ne pas prêter attention à ceux qui ont choisi la politique de la chaise vide”.

Dans un post sur sa page Facebook, Mourad Ezzine appelle à un débat publique sur ce projet de réforme de l’enseignement supérieur:

“S’exprimant à l’ouverture de ces assises en présence de plus de 1.200 participants, Khalbous a indiqué que cette conférence permettra de fixer les priorités de la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique en Tunisie dans le cadre de 26 ateliers de travail.

L’enseignement supérieur est décisif pour l’avenir de la Tunisie. Son rôle est primordial pour la compétitivité, l’emploi, le développement de l’innovation, l’accompagnement de la révolution numérique et pour l’intégration sociale. Je pense qu’on peut tous être d’accord là dessus. D’où une obligation d’avoir des institutions universitaires nationales d’excellence, et d’où l’attention qu’il nous faut accorder, comme citoyens, à la réforme de l’enseignement supérieur dont je viens d’entendre les grandes directions développées par le ministre à la radio.

Cette réforme est le fruit de plusieurs années de réflexion et de consultations. Mais satisfait-elle les attentes des tunisiens au delà des parties-prenantes du secteur, les étudiants, les enseignants, les adminitratifs et les syndicats de chacun d’eux ? Pour que chacun de nous puisse se faire sa propre idée je partage avec vous l’interview, ainsi que mes propres attentes, qui sont basées sur les caractéristiques des meilleures universités dans le monde. Ces meilleures universités ont 4 caractéristiques :

1- Elles ont une très larges AUTONOMIE pédagogique, managériale et financière. En particulier elles sélectionnent leurs étudiants et leurs enseignants pour attirer le maximum de talents nationaux et internationaux, sans lesquels il n’est pas possible de prétendre à l’excellence. L’Université Virtuelle de Tunis (et apparemment quelques instituts de recherche) est la seule institution qui dispose d’un telle autonomie, grâce à un statut particulier. Un précédent intéressant à étudier, pour comprendre pourquoi ce statut particulier n’a pas pu être étendu à d’autres.

2- Elles sont soumises à un système d’ASSURANCE QUALITÉ, qui leur permet d’évaluer leurs performances et de se positionner par rapport à d’autres institutions similaires. Ce positionnement se fait à l’aide de systèmes de référence, de certification externe, de suivi de diplômés, etc… Certains établissements publics et privés ont annoncé cet été que certains de leurs programmes ont été certifiés par des instances européennes. Ce sont de grande victoire sur lesquelles il faut bâtir. Mais ces certifications externes ne remplacent pas une démarche nationale et un système tunisien d’Assurance Qualité, crédible de par son contenu scientifique et son indépendant par rapport aux universités et leur ministère de tutelle.

3- Leur FINANCEMENT est ALIGNÉ sur leurs RESULTATS. C’est le corollaire nécessaire à l’autonomie. Certains pays ont mis en place des formules de financement qui intègrent plusieurs critères tels que le nombre d’étudiants, de diplômés, la production scientifique etc… C’est le cas de la Grande Bretagne. D’autres ont développé des contrats-programmes pluriannuels et plus souples, mais qui vont dans le même sens. En Tunisie nous avons expérimenté les fonds compétitifs. Ces fonds supplémentent le budget des universités qui remplissent certains critères désirables par les pouvoirs publics (qualité, employabilité…). Mais aucune de ces approches n’a été institutionnalisée jusqu’à ce jour, malgré des résultats probants pour les fonds compétitifs.

4- Elles font partie d’un microcosme d’institutions qui financent et disséminent la R&D, et qui stimulent les liens entre le tissus académique et les entreprises.

Ces caractéristiques, prises ensembles, permettent de créer des institutions universitaires dynamiques, responsables et en compétition entre elles et avec d’autres à travers le monde (pour dénicher et attirer les talents notamment), et engagées dans une course pour l’excellence, le savoir et l’innovation.

Après avoir écouté la présentation pensez-vous que cette réforme nous installe solidement sur le chemin qui conduit à l’émergence d’institutions d’excellence dans notre pays (disons au moins 2-3 institutions classées parmi les 200 premières dans le monde à l’horizon 2025)? Votre avis m’intéresse”.