La décentralisation est un énorme chamboulement politique, administratif, mais également économique et même financier, dans la vie d’un pays et de ses différents acteurs, dont l’entreprise en particulier, susceptible tout autant d’avoir un impact positif comme, éventuellement, négatif.
La Tunisie se prépare à négocier ce virage. Certes, rappelle Ahmed Bouzguenda, président de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), notre pays a connu une certaine dose de déconcentration –et non pas de décentralisation- en 1986 «sous la pression du Fonds monétaire international». Mais cela n’a rien à voir avec ce qui se prépare en ce moment.
La Tunisie est à la veille d’une grande transformation, dont les prochaines élections municipales –prévues, sauf nouvelle mauvaise surprise, le 25 mars 2018- doivent donner le coup d’envoi. Aussi, l’IACE a choisi de mettre ce sujet sur la table des Journées de l’entreprise.
Programmée pour les 8 et 9 décembre 2017, la 32ème édition de l’événement économique phare de l’année tombe à pic pour, à près de quatorze semaines des élections municipales, contribuer à alimenter le débat sur ce changement majeur que le pays est sur le point de connaître.
La décentralisation est un très long processus –généralement, ce chantier a nécessité plusieurs décennies dans les pays qui en ont réussi la mise en place-, complexe, qui peut être coûteux, comme il peut rapporter gros.
«La décentralisation a effectivement un coût, notamment parce qu’elle entraîne une augmentation des dépenses de l’administration dont les effectifs tendent à exploser», note M. Bouzguenda. Elle peut également provoquer des problèmes lorsque, par exemple, les régions font des choix qui ne sont pas en adéquation avec ceux du gouvernement et de l’administration centraux.
Toutefois, la décentralisation «peut être une opportunité pour les régions» puisque les régions vont pouvoir, «à la faveur de la nouvelle organisation politique et administrative», dont les prochaines élections municipales vont poser la première pierre, «maîtriser leur environnement des affaires». Et espérer ainsi attirer un plus grand nombre d’investisseurs et d’entreprises que par le passé.
Dans d’autres pays, comme les Philippines, «l’amélioration de l’environnement des affaires a commencé au niveau des régions», souligne Majdi Hassen, directeur exécutif de l’IACE. Mais le déplacement vers les régions d’une partie du pouvoir de prise de décision peut également présenter un inconvénient pour les entreprises: un alourdissement de la fiscalité. «La fiscalité locale ne doit pas devenir un fardeau supplémentaire pour les entreprises», avertit le président de l’IACE.
Pour aider les responsables –au niveau tant régional que central- et les chefs d’entreprise à bien comprendre la décentralisation pour savoir comment l’appréhender en vue d’en réduire les risques et en maximiser les retombées positives, l’IACE va réunir à Sousse des responsables politiques –actifs ou à la retraite-, administratifs, experts et autres chefs d’entreprise, tunisiens et étrangers, afin qu’ils analysent les facteurs de succès, d’échec de la décentralisation, notamment à la lumière des expériences d’autres pays ayant précédé la Tunisie sur cette voie.
Mais la réflexion sur ce thème, qui va être entamée à Sousse, ne va pas s’arrêter à ce stade. Une fois les lampions de la 32ème édition des Journées de l’entreprise éteints, l’IACE va continuer à travailler sur ce brûlant et tellement important dossier.
En fait, une réflexion et des études en interne démarrées vont se poursuivre après, qui portent, selon le directeur exécutif de l’IACE, sur des questions déterminantes dans la réussite de la décentralisation : le calcul du produit intérieur brut des régions, les pouvoirs qui peuvent être donnés à celles-ci, les chaînes de valeur locales, etc.
Moncef Mahroug