La nouvelle est tombée mardi soir comme une gifle. Beaucoup, dans le monde de la finance et des affaires l’attendaient avec crainte et appréhension.

Par Radhi Meddeb

Personne n’osait y croire: «Les autorités réagiraient bien avant que cela n’arrive»!
La Tunisie intègre la liste noire d’un sinistre club restreint (17 au total) de pays ayant «refusé d’engager un dialogue avec l’UE ou de remédier aux manquements en matière de bonne gouvernance fiscale».

Des pays, la plupart exotiques: Samoa américaines, Bahreïn, Barbade, Grenade, Guam, Corée (République de), Macao SAR, Iles Marshall, Mongolie, Namibie, Palau, Panama, Sainte-Lucie, Samoa, Trinité-et-Tobago, Tunisie et Emirats Arabes Unis.

Plusieurs questions se posent:

1. Qu’est-ce qui est reproché à ces pays?

Pour éviter de se retrouver dans ce classement, les pays doivent assumer un triple engagement:
– s’engager à des échanges automatiques d’informations financières et fiscales, conformément aux standards de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE),
– éviter de favoriser l’implantation de sociétés offshore et
– s’engager à accepter, d’ici à fin 2017, les lignes directrices de lutte contre l’évasion fiscale des multinationales de l’OCDE.

2. Qu’est-ce que cela implique pour nous?

Rien n’est clair. Les 28 ministres, eux-mêmes, disaient une chose et son contraire à la sortie de la réunion. Les plus durs (France, Allemagne..) appelaient à la mise en place de sanctions. D’autres, comme la Grande-Bretagne, l’Irlande…, estimaient qu’être sur la liste noire était déjà une sanction.

Dans la pratique, on assiste déjà à un durcissement des exigences des institutions financières pour leurs relations avec la Tunisie: plusieurs cas m’ont déjà été signalés. Des contrats en cours de négociation sont tout simplement suspendus. Les partenaires ne veulent pas prendre le risque de complications éventuelles à venir.

3. Aurions- nous pu éviter cette triste situation ?

La liste était initialement bien plus longue. D’intenses tractations ont eu lieu jusqu’à la discussion politique finale entre ministres, et le contenu de la liste a bougé jusqu’au dernier moment. Le Maroc et le Cap-Vert y ont échappé in extremis, après le Qatar qui a lui-même échappé au fichage, la veille.

Pour ce faire, il aurait fallu introduire un dossier argumenté et mobiliser ses lobbies. Le dossier de la Tunisie, tout comme ceux de Panama et des Émirats, serait arrivé dans la nuit du lundi au mardi. Trop tard pour être examiné à temps. Avec un peu plus de vigilance, nous aurions pu éviter ces désagréments.

4. Cette liste est-elle objective?

Bien sûr que non! Bien des voix de sont élevées pour dénoncer le caractère discriminatoire de la liste.
– D’abord, aucun pays européen n’y est, alors qu’on recense pas moins de 16 paradis fiscaux en Europe, allant de Gibraltar à l’île de Man, en passant par Malte, Chypre, Luxembourg, La Suisse… et j’en oublie. D’autres paradis fiscaux n’y sont pas: l’Etat du Delaware aux Etats-Unis, les ÃŽles Caïman, les ÃŽles Vierges britanniques…
– Ensuite, les États-Unis n’ont jamais signé les accords de coopération et d’échanges d’information de l’OCDE…
– Enfin, les motivations des uns et des autres ne sont pas claires et leur activisme a pu être jugé suspect par des ONG internationales pourtant engagées contre la corruption et la fraude fiscale.

5. Réagissons-nous comme il faut maintenant?

La communication des autorités tunisiennes met l’accent sur la fiscalité des entreprises offshore. Ce n’est pas tout à fait la réalité. Ce qui nous est reproché c’est plutôt les risques de blanchiment d’argent liés à la cash economy que nous sommes devenus, les facilités offertes à des non résidents de déposer leur argent en liquide dans les banques tunisiennes.

Nous ne ferons pas l’économie d’actions fortes et rapides en matière de lutte contre l’économie parallèle, la lutte contre les risques de blanchiment et la coopération financière.

La sortie de cette liste sinistre est possible en janvier. Elle n’est pas nécessairement acquise.