«La transition démocratique a eu un coût et notre situation économique aujourd’hui est plus difficile. L’endettement a augmenté, le dinar a chuté et le déficit de la balance commerciale est passé de 8% à 14%».

De ce fait, «nous ne sommes pas capable de supporter un (nouveau) choc exogène», à l’instar de celui que l’actuelle crise du Golfe risque fort de porter à la Tunisie, diagnostique Elyes Fakhfakh, ancien ministre des Finances dans le gouvernement de la Troïka, lors d’un un séminaire sur «les nouvelles transformations régionales et leurs retombées sur les pays du Maghreb arabe», co-organisé, lundi 11 décembre, par le Centre d’études stratégiques et diplomatiques (CESD), le Centre arabe de recherches et d’études politiques (CAREP), le Centre Ibn Rochd d’études, dirigés respectivement par Rafik Abdessalem (ex-ministre des Affaires étrangères), Mehdi Mabrouk (ex-ministre de la Culture), Kamel Ben Younes, directeur de la radio Zitouna FM.

A quelque chose malheur est bon, relève M. Fakhfakh : le volume des échanges avec les pays de cette région ne dépassant pas 5% du commerce extérieur de notre pays, cela contribuera le cas échéant à réduire la force d’un éventuel choc. Mais il ne l’annulera pas. Si la crise entre les pays du Golfe perdure, elle impactera inévitablement l’économie tunisienne par le biais du prix des hydrocarbures puisque «25% du déficit de la balance commerciale vient de l’énergie. Cela aura des retombées sur la monnaie, et par conséquent sur l’inflation et, enfin, la stabilité sociale».

Ridha Saïdi, ministre conseiller auprès du chef du gouvernement chargé du Suivi des grands projets, anticipe un autre impact de la crise du Golfe : une baisse –pour ne pas dire un tarissement- du flux d’investissements venant de ces pays en direction de la Tunisie. «A l’exception de ceux initiés par les Qataris, la réalisation des grands projets va également pâtir de la crise».

Ahmed El Karm, président du Directoire d’Amen Bank, pense lui aussi que le flux d’investissements, en particulier en provenance de l’Arabie Saoudite, pourrait baisser, mais pas pour les raisons évoquées par Ridha Saïdi et Elyes Fakhfakh. Il estime que le plan Saudi Vision 2030 -destiné notamment à réduire la dépense de l’Arabie Saoudite vis-à-vis du pétrole, diversifier son économie, développer les services publics- devrait aspirer les flux d’investissements dont une grande partie allait jusqu’ici vers d’autres pays, dont la Tunisie.

Pour minimiser les retombées de la crise du Golfe, à défaut de pouvoir les neutraliser, M. Fakhfakh appelle à «mobiliser et à compter sur les ressources internes fiscales pour réduire le besoin du pays à recourir à l’endettement –en combattant l’évasion fiscale et en réformant le dispositif de mobilisation de ces ressources-, ramener la production dans les domaines de l’énergie et des mines à leur niveau antérieur –ce qui aura pour effet de diminuer le besoin d’importation-, et œuvrer à renforcer «nos relations avec notre partenaire économique, l’Union européenne, tout en diversifiant nos marchés à moyen et long terme».

Le président du Directoire d’Amen Bank est, lui, d’un tout autre avis. Il appelle à opérer un véritable changement de cap en insérant la Tunisie dans «la nouvelle route de la soie», un vaste programme –doté d’un budget de près de 1.000 milliards de dollars- par lequel la Chine entend conforter sa position de deuxième puissance économique mondiale.