Comme on s’y attendait, le round de discussions entre les autorités tunisiennes et une équipe du Fonds monétaire international (FMI), dans le cadre de la poursuite de la consultation de l’Article IV et de la deuxième revue du programme économique de la Tunisie au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) approuvé en mai 2016, n’a pas été de tout repos pour les deux parties. Le communiqué publié à la fin de cette mission par Björn Rother, chef de l’équipe du FMI qui y a pris part, à l’issue de ces échanges (30 novembre-13 décembre 2017), n’en fait pas mystère, qui parle d’«échanges francs et focalisés». Le résultat de ces discussions est assez positif pour les deux parties.
Bientôt les 320 millions de dollars…
Le FMI obtient satisfaction de sa principale demande, à savoir la poursuite et l’accélération des réformes. «Les autorités tunisiennes ont exprimé leur engagement à entreprendre des actions décisives avant l’examen de la deuxième revue par le Conseil d’administration du FMI» et ces actions, c’est-à-dire les politiques économiques «nécessaires pour achever la deuxième revue du programme de la Tunisie appuyé par le MEDC», ont fait l’objet d’un accord entre les deux parties. Si elle respecte ses engagements, la Tunisie obtiendra la mise à disposition de 227,3 millions de DTS (environ 320 millions de dollars), ce qui porterait le total des décaissements au titre du MEDC à environ 1 milliard de dollars.
Le FMI davantage de mesures et sanctions
Face à une situation économique mitigée –d’un côté une «croissance raffermie» qui a atteint près de 2% (grâce à la reprise dans le secteur touristique, à la hausse de la production de phosphates et à la relance de l’investissement tant national qu’étranger) et, de l’autre, des «vulnérabilités macroéconomiques (qui) se sont accentuées» (dette publique à 70% du PIB d’ici la fin de l’année, déficit record du compte courant qui «sera à deux chiffres», et baisse des réserves internationales de la Banque centrale de Tunisie), l’argentier du monde attend de la Tunisie qu’elle mette en œuvre une série de mesures et d’actions.
Il s’agit en l’occurrence des stratégies fiscale et de réforme globale de la fonction publique, de la réduction des subventions de l’énergie, «qui profite de manière disproportionnée aux ménages aisés», et la poursuite de la réforme du système de sécurité sociale. Toutes mesures nécessaires pour que la Tunisie puisse réduire son déficit budgétaire à moins de 5% du PIB ainsi que sa dette.
Le FMI escompte également «la poursuite de la stratégie de resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale de Tunisie, y compris en limitant le refinancement des banques», car cela «contribuera à ancrer les anticipations d’inflation et à soutenir le dinar sur le marché des changes» et de celle de la flexibilité du taux de change qui «continuera de contribuer à rendre l’économie tunisienne plus compétitive».
Pour que «l’économie tunisienne réponde aux espoirs du peuple tunisien», le FMI pousse de même à la poursuite de la réforme des banques publiques et plus particulièrement à la refonte du cadre réglementaire pour la résolution des créances accrochées et pour la gouvernance des banques publiques qui «aidera les petites et moyennes entreprises (PME) à accéder davantage aux financements bancaires.
Vivement le bureau exécutif de l’Instance de lutte contre la corruption
Last but not least, le FMI voit dans «la nomination imminente des membres du conseil exécutif de l’Instance constitutionnelle indépendante pour la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption un jalon important dans la lutte du gouvernement contre la corruption» à laquelle il accorde visiblement beaucoup d’importance.
De son côté, le gouvernement obtient le soutien du FMI dans l’affaire –qui le gêne au plus haut point- de l’inscription de la Tunisie sur la liste des paradis fiscaux. Toutefois, s’il affirme soutenir «l’objectif du gouvernement tunisien d’être retiré dès que possible de la liste des juridictions fiscales non coopératives de l’UE», le FMI ne donne pas totalement tort à l’Union européenne qui a pris cette décision puisqu’il rappelle que «le rapprochement progressif entre les régimes fiscaux onshore et offshore et la modernisation en cours de l’administration fiscale en vue d’améliorer le respect des obligations fiscales sont des engagements de réforme soutenus par le programme MEDC».
Synthèse de Moncef Mahroug