Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a-t-il reçu Daniel H. Rubinstein, ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, la semaine dernière pour protester contre la décision du président Donald Trump de transférer l’ambassade américaine de Tel-Aviv, où elle se trouve, à Jérusalem ?
Beaucoup de Tunisiens se sont posé cette question et ont eu, pendant quelques jours, des doutes sur la réponse. Et il y avait de quoi douter puisque le message distillé par la présidence de la République l’a été par petits bouts. BCE a manié la nouvelle crise d’Al-Qods avec des pincettes. Avec une prudence de Sioux.
La réaction de la Tunisie à l’annonce, le 5 décembre 2017, de la décision du président américain de transférer l’ambassade de son pays en Israël à Jérusalem est venue … un jour plus tôt, soit le 4 décembre –mais dévoilée le lendemain- par le ministère des Affaires étrangères, sous la forme d’une information sur sa page Facebook faisant état de l’évocation de cette question, le même jour, lors d’un échange téléphonique entre le chef de la diplomatie tunisienne, Khemais Jhinaoui, et son homologue jordanien, Aymen Al Safdi. Et il s’agit plutôt d’une réaction en quelque sorte par ricochet.
Dans cette information, on apprend que «les deux parties ont discuté les derniers développement de la situation au Moyen-Orient et l’invitation jordanienne à tenir une réunion extraordinaire de la Ligue arabe et de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) au niveau des ministres, pour discuter les retombées de toute décision que prendraient les Etats-Unis de transférer leur ambassade à Al-Qods occupée».
La réaction a posteriori a pris la forme d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères publié le 6 décembre. La Tunisie y exprime sa «profonde préoccupation».
La présidence de la République ne s’est, elle, mêlée de cette affaire que deux jours plus tard et d’une manière un peu différente. Elle n’a pas publié de communiqué comme le ministère des Affaires étrangères. Sa réaction a pris la forme d’une déclaration à Shems FM, dont plusieurs sites web se sont fait l’écho, dans laquelle Noureddine Ben Ticha, conseiller présidentiel chargé de relations avec l’ARP et les partis politiques, a notamment affirmé que «la Tunisie rejette catégoriquement cette décision et continuera à apporter son appui inconditionnel à la Palestine et au peuple palestinien», et révélé que le chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi, convoquera l’ambassadeur américain aujourd’hui pour «lui exprimer la vive indignation et sa condamnation de cette décision».
Cette déclaration a été en quelque sorte complétée par une série d’actes de la présidence de la République, survenus tous dans les deux ou trois jours suivant la déclaration du président Trump, et qu’on pourrait décrypter comme visant à convaincre l’opinion que le président tunisien accorde beaucoup d’importance à cette question. Comme, par l’exemple, la lettre de Béji Caïd Essebsi à son homologue palestinien Mahmoud Abbas, et l’entretien téléphonique avec le président turc Tayeb Erdogan.
D’après une source à l’ambassade américaine, Daniel H. Rubinstein, ambassadeur des Etats-Unis à Tunis, a bien été reçu par Béji Caïd Essebsi. Que s’est-t-il dit lors de cette audience ? On n’en sait rien puisque la présidence de la République n’en a pas, contrairement à son habitude, fait état sur sa page Facebook. Elle s’est contentée de reproduire, le 6 décembre, le communiqué du ministère des Affaires étrangères.
Finalement, le chef de l’Etat a de toute évidence cherché dans cette affaire à ménager la chèvre et le chou en en faisant assez pour ne pas paraître en –trop grand- décalage par rapport à la rue, et pas trop afin de ne pas provoquer une crise avec les Etats-Unis, l’allié de la Tunisie, dont l’aide est vitale par ces temps difficiles.