Au regard de la gravité des événements économiques et financiers qui ont eu lieu en 2017, cet exercice, qui s’apprête à laisser la place à une nouvelle année, ne laisse pas de bons souvenirs.
Retour sur trois événements qui ont sans doute marqué les Tunisiens et qui risquent de compromettre le développement du pays.
Le premier concerne l’effondrement du dinar et ses conséquences multiformes sur le pouvoir d’achat du citoyen, sur l’endettement public (+15%) et sur l’investissement des entreprises (augmentation à deux reprises du taux directeur).
A l’origine de cet effondrement, une déclaration “malencontreuse” de l’ancienne ministre des Finances de l’époque, Lamia Zribi, quand elle a déclaré, en avril dernier, et en pleine négociations avec le FMI pour le décaissement de la deuxième tranche du crédit accordé en mai 2016 au titre du Mécanisme élargi de crédit (MEDC, 2,9 milliards de dollars), que “le taux de 3 dinars pour un euro sera atteint à court terme”.
Et le dinar s’effondra…
Cette déclaration sur une possible dépréciation du dinar a fait chuter la monnaie nationale à ses plus bas niveaux par rapport aux monnaies d’investissement et d’endettement (dollar, euro…) ; une dégringolade qui obligera la Banque centrale de Tunisie (BCT) d’intervenir et de venir en aide au marché financier tunisien face à la nouvelle donne, en injectant, en une seule journée, 100 millions de dinars.
Pis, cette chute du dinar a également impacté l’investissement, à travers la décision de la BCT d’augmenter, un mois après et à deux reprises, le taux d’intérêt directeur de 4,5% à 5%.
Cela pour dire que la “bourde” de Lamia Zribi lui a coûté son poste, et ce même si certains analystes mettent en doute la bonne foi et la spontanéité de la ministre et pointent du doigt tout le gouvernement qui aurait commandité l’effondrement du dinar pour doper les exportations.
Pour preuve, deux mois après son limogeage, loin d’être sanctionnée, Lamia Zribi a été nommée à la tête de l’Institut national de la statistique (INS).
Aujourd’hui, huit mois après, les prévisions de Lamia Zribi se sont avérées justes en ce sens où l’euro s’échange actuellement contre 2,993 dinars (presque trois dinars).
L’Etat tunisien condamné dans l’affaire de la Banque franco-tunisienne (BFT)
Le deuxième événement financier déplorable a trait à la condamnation, le 17 juillet 2017, de l’Etat tunisien par le Tribunal arbitral du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) dans l’affaire de la propriété de la Banque franco-tunisienne (BFT).
Un litige qui date depuis 36 ans, et qui oppose l’Etat tunisien au holding ABCI investments limited représenté par l’ancien actionnaire de la BFT et son représentant légal, l’avocat franco-tunisien Abdelmajid Bouden.
Pour mémoire, l’avocat réclame ses droits en tant qu’actionnaire majoritaire de la BFT, droits que l’Etat tunisien lui aurait spolié en instrumentalisant la justice à l’époque (1989), et ce avant de le condamner à de lourdes peines et de nommer à la tête de cette banque de mauvais gestionnaires qui l’ont conduite au bord de la faillite.
Pour revenir au verdict, le CIRDI, relevant du groupe de la Banque mondiale, a estimé que l’Etat tunisien est responsable dans ce dossier. Il lui est reproché d’avoir exproprié l’investissement d’ABCI Investments Limited par la contrainte exercée sur son ancien président d’honneur, Abdelmajid Bouden.
Il est également épinglé pour avoir organisé “un déni de justice, transgressé, non seulement le droit de l’actionnaire majoritaire de la BFT à gérer sa propriété, mais également le droit tunisien et le droit international”.
Le CIRDI va plus loin et accuse l’Etat tunisien d’avoir “violé l’ordre public international”.
En vertu de ce verdict, le CIRDI a condamné l’Etat tunisien à réparer les préjudices (dommages et intérêts) causés au groupe bancaire londonien ABCI Investments Limited.
Ces dommages et intérêts sont estimés à près de 400 millions de dollars, soit plus de 1 milliard de dinars, montant auquel il faudrait ajouter les rémunérations des avocats. Au total, les experts estiment ces réparations à 2 milliards de dinars environ.
Néanmoins, le verdict du CIRDI est une première décision sur le fond, c’est-à-dire qu’il s’est prononcé sur la responsabilité, la deuxième portera sur la détermination par des experts du montant des réparations que l’Etat tunisien va devoir verser à ABCI. Cette deuxième étape peut durer des mois voire une année.
La Tunisie blacklistée paradis fiscal
Le troisième événement malheureux a eu lieu le 5 décembre 2017, à Bruxelles. Les 28 ministres des Finances de l’Union européenne ont classé à l’unanimité -bien à l’unanimité- la Tunisie dans une «liste noire» de 17 paradis fiscaux opérant hors de ses frontières.
Ce classement, pour peu qu’il soit officialisé le 23 janvier 2018, fait encourir à la Tunisie trois gros risques: une image ternie pour un site de production internationale, des sanctions en ce sens où l’Union européenne peut s’abstenir, dorénavant, tout comme les autres bailleurs de fonds d’ailleurs, de fournir des aides financières à la Tunisie, et des investisseurs étrangers qui bouderaient le site Tunisie.
Globalement, l’Union européenne reproche à la Tunisie de ne pas partager le cadre des nouvelles règles européennes et internationales en matière de législation fiscale.
Concrètement, l’UE a sanctionné la Tunisie pour n’avoir pas présenté, dans les temps requis, un argumentaire convaincant et crédible sur deux cas d’iniquité et de non-transparence fiscales.
Le premier, considéré par Bruxelles comme “une entorse à la concurrence”, consiste à offrir des avantages fiscaux aux entreprises offshore implantées en Tunisie. Plus simplement, le pays est sanctionné pour ne pas avoir suspendu ces avantages fiscaux aux entreprises totalement exportatrices.
Le second porte sur des prestataires de services financiers louches et sur des questions de présomptions d’évasion fiscale. En d’autres termes, il s’agirait de cas de blanchiment d’argent sale et de financement du terrorisme dans lesquels des établissements de crédit basés en Tunisie seraient impliqués.
Le gouvernement tunisien, qui était interpellé sur ces deux questions, depuis septembre 2016, a traîné du pied avant de répondre non seulement à la Commission européenne mais également au Groupe d’action financière (GAFI), organisme intergouvernemental chargé de surveiller les transactions financières à l’international et de lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces qui pèsent sur l’intégrité du système financier international.
Ce retard a valu à la Tunisie d’être classée, en ce début de décembre 2017, par le GAFI comme “juridiction à haut risque et/ou non coopérative” en matière de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme et par la Commission européenne comme “paradis fiscal”.