Au commencement, cette constatation : depuis le soulèvement du 14 janvier 2011, le Tunisien a pris l’habitude de déplorer la détérioration de son pouvoir d’achat et d’accepter passivement cet état de fait sans chercher à en donner des explications convaincantes.
A vue d’œil et sans être nécessairement un économiste, cette dégradation est générée, du moins pour l’année 2017, par trois facteurs visibles : l’effondrement du dinar, la spéculation tolérée et, ce qu’on n’avoue pas toujours, l’émergence de nouveaux besoins de consommation.
Les résultats d’une étude menée, au mois de septembre 2017, sur cette question par l’Institut national de consommation (INC), apportent des éclairages fort instructifs sur ce sujet.
Selon cette étude, la détérioration du pouvoir d’achat du Tunisien est due au surendettement des ménages auprès des banques et son corollaire l’asséchement des liquidités, à l’apparition de nouveaux comportements de consommation et à la concomitance, ces dernières années, des périodes de grande consommation.
850 mille des 2,7 millions des ménages endettés
Concernant l’endettement des ménages, l’étude montre que sur un total de 2,7 millions de ménages que compte le pays, quelque 850 mille ménages sont endettés et doivent aux banques des crédits de l’ordre de 21,3 milliards de dinars contre, 10,7 milliards de dinars en 2010. Conséquence : l’endettement des ménages a carrément doublé en sept ans.
Mention spéciale pour les crédits de consommation. Leur taux a augmenté au cours de cette période de 17%.
Quant à la nature des crédits, l’étude révèle que 80% de ces derniers sont dédiés aux dépenses de logement (achat + amélioration + extension), soit environ 8,5 milliards de dinars. Suivent les crédits de courte durée qui ne dépassent pas les trois ans (environ 3,500 milliards de dinars), les crédits pour achat de voiture et les crédits universitaires.
Le solde, soit 20%, sont des crédits de long terme dont la durée dépasse les cinq ans. Il s’agit pour la plupart de crédits destinés à financer des investissements.
Emergence de nouveaux besoins de consommation
La deuxième révélation de cette étude concerne l’émergence de nouveaux comportements de consommation sans que ces nouveaux besoins soient accompagnés par une budgétisation conséquente. Résultat : le consommateur a tendance à dépenser pour couvrir ces nouveaux besoins sans les prendre en considération dans son budget.
Au nombre de ces dépenses, l’étude cite les dépenses dédiées à la couverture des frais de divertissement, d’éducation, de santé, d’entretien du corps, des télécoms (mobile + Internet).
S’agissant de la troisième raison de la détérioration du pouvoir d’achat du Tunisien, l’étude évoque la concomitance des périodes de grande consommation.
Ainsi, par l’effet du calendrier, les vacances estivales, la célébration des fêtes religieuses (Aïd Esseghir et Aïd El Idha) et la rentrée scolaire sont concentrées sur une période de trois mois et demi. Pour les ménages, cette période est une grande épreuve, voire une quadrature du cercle.
Quelles solutions pour en sortir ?
Au rayon des solutions proposées pour inverser la tendance et favoriser une amélioration du pouvoir d’achat du Tunisien, l’étude suggère trois pistes: la programmation des achats, la rationalisation de la consommation et la promotion de l’épargne.
Elle attire l’attention sur le recul de l’épargne des ménages, durant les sept dernières années. Son taux est passé de 11,3% en 2010 à 8,8% en 2017.
Et pour ne rien oublier, un mot sur cette étude de l’Institut national de consommation, structure officielle relevant du ministère du Commerce. Elle vient à point nommé en ce sens où c’est la première fois qu’une institution se penche sur cette question, à savoir calculer le rapport entre la moyenne d’augmentation des prix et celle de l’augmentation des revenus des individus. Le but étant d’évaluer la baisse du pouvoir d’achat du Tunisien, une baisse qu’aucune partie n’est parvenue jusqu’ici à déterminer avec grande précision à la lumière des grands changements que connaît le comportement de consommation du Tunisien.