L’Assemblée des représentants du peuple a approuvé, mercredi 10 janvier, lors d’une séance plénière, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le classement de la Tunisie par l’Union européenne (UE) en tant que paradis fiscal, avec 109 voix pour, une voix contre et une abstention.
La tenue de cette séance a été décidée suite à l’approbation d’une pétition appelant à la mise en place de cette commission, qui a été déposée, auprès du président de l’ARP, par 82 députés des différents blocs parlementaires.
Le député Houcine Jaziri (Ennahdha) a qualifié d’injuste le classement de la Tunisie en tant que paradis fiscal, plaidant pour sa révision le plus tôt possible.
De son côté, le député Salah Bargaoui (Mouvement Machrou Tounes), a fait savoir qu’il renoncera à 10% de sa prime parlementaire, soulignant que “l’amour du pays se mesure par les actes et non par les discours”. Il a invité ses collègues à suivre son exemple.
Le député Riadh Jaidane (Nidaa Tounes) a, quant à lui, évoqué le faible nombre des commissions parlementaires, soulignant la nécessité pour cette commission de présenter, au ministère des Finances et aux parties concernées, un rapport détaillé dans un délai de deux mois, à compter du démarrage de l’enquête.
Le député Jilani Hammami (Front Populaire) a imputé la responsabilité de ce classement au gouvernement, évoquant l’impact négatif de cette décision sur l’économie nationale et insistant sur l’importance de déterminer les responsabilités du pouvoir exécutif dans cette affaire.
Mabrouk Hrizi (Harak Tounes Al-Irada) a exprimé des réserves quant à la création de cette commission, estimant que la Commission parlementaire des finances aurait pu se charger d’enquêter sur le classement de la Tunisie parmi les paradis fiscaux.
Il est à noter que l’article 59 de la Constitution autorise le Parlement à former des commissions d’enquête parlementaires alors que l’article 97 du règlement intérieur du Parlement stipule que l’ARP peut créer des commissions d’enquête à la demande du quart de ses membres au moins.
Selon le texte de la pétition, “la commission a pour objectif d’enquêter sur les raisons du classement de la Tunisie en tant que paradis fiscal et sur ses retombées économiques, financières et politiques”.
La commission aura également pour mission “de déterminer les responsabilités et d’enquêter sur le traitement de la Tunisie de ce dossier”, ainsi que de clarifier la stratégie du gouvernement s’agissant des relations de la Tunisie avec l’UE à lumière de l’accord de libre échange total et approfondi avec l’Union.
L’UE avait inscrit la Tunisie dans la liste noire de 17 pays hors de l’Union classés comme paradis fiscaux, adoptée par 28 ministres européens des finances, lors d’une réunion tenue le 5 décembre 2017 à Bruxelles. Cette liste des paradis fiscaux a été établie sur la base de trois principaux critères à savoir la transparence fiscale, l’équité fiscale et l’application des mesures de l’OCDE, contre l’optimisation fiscale agressive.
La Tunisie, le Panama et les Emirats arabes unis ont été inscrits sur la “liste noire” de l’UE, en raison de leurs engagements tardifs qui n’ont pas été pris en considération par les ministres de l’UE. Selon des experts, l’UE pourrait retirer ces pays de sa “liste noire” après étude de leurs engagements.
Le classement par l’UE de la Tunisie sur la liste noire des paradis fiscaux, par son partenaire stratégique, l’UE avait suscité un mécontentement généralisé dans le pays.
A ce titre, l’ambassadeur de l’UE, à Tunis, Patrice Bergamini, avait fait part de son engagement à examiner, avec le gouvernement tunisien, les moyens de faire sortir la Tunisie, dans les meilleurs délais, de la liste noire des paradis fiscaux.
Pour sa part, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici a fait remarquer, dans une déclaration à un journal français, que “la Tunisie a été inscrite sur la liste noire parce qu’elle a pris des engagements trop tardifs”, ajoutant que ce classement sera réexaminé lors de la prochaine réunion du conseil pour les Affaires économiques et financières de l’UE prévue en janvier 2018.