Si ce gouvernement n’ose pas un plan de réajustement structurel de l’économie tunisienne, il sera difficile de faire sortir le pays du marasme économique dans lequel il se débat. Les conseillers du chef du gouvernement peuvent tenir les discours les plus optimistes qui puissent exister sur terre, la situation économique n’en changera pas moins. Et pour cause ? A ce jour, aucune mesure concrète n’a été prise dans le sens de changer les choses en profondeur. La langue de bois, c’est super, nous savons la manier à souhait, dans notre cher pays, mais oser appliquer les décisions prises pour sauvegarder une économie à la dérive et faire preuve de l’autorité requise pour y arriver, c’est une autre paire de manches !
Nous entendons de partout des cris d’alarme à propos de la baisse des réserves en devises. L’agence Reuters, soucieuse de notre bien-être, est même allée jusqu’à confirmer que les réserves actuelles en devises de la BCT ne couvrent désormais que 3 mois d’importations. Ce qui représenterait, d’après elle, le niveau de couverture le plus bas depuis 15 ans.
Ce n’est bien évidemment pas vrai. Il y a eu des années où les réserves en devises sont descendues à 87 et 89 jours d’importation, la Tunisie s’en est toujours sortie. Sauf qu’à l’époque, l’Etat était là et son autorité était respectée et la confiance régnait.
De source fiable à la BCT, toutes les notes envoyées au gouvernement prévenaient du risque de recul des avoirs en devises. La Banque centrale n’a pas manqué de souligner à cet égard, qu’“outre le caractère cyclique de l’évolution des réserves en Tunisie lié à l’activité économique, la gestion du stock des avoirs en devises connaît, comme ce fut le cas récemment, un certain décalage entre les dépenses arrivant à échéance et les recettes programmées. Ceci induit parfois des baisses relativement prononcées, mais momentanées de ce stock que la BCT œuvre à maintenir au-dessus d’un niveau stratégique permettant de répondre aux objectifs dévolus aux réserves en devises. Ceci étant, le maintien des avoirs en devises à des niveaux adéquats nécessite la maîtrise du rythme d’accroissement du déficit commercial, et surtout le rétablissement de l’activité des secteurs pourvoyeurs de devises et l’éradication de toute activité économique parallèle qui est de nature à aspirer d’une manière incontrôlable les ressources, qu’il s’agisse en devises ou en dinars».
Il faut rappeler à cet égard le coût du chantage au phosphate à l’Etat, au pays et au peuple tunisien. Un coût très élevé lorsque nous savons que nous avons perdu nos marchés traditionnels et que nous n’arrivons pas à écouler le phosphate stocké aujourd’hui dans notre pays, ce qui engendre des rentrées en devises en moins. C’est aussi valable pour les hydrocarbures qui coûtent de plus en plus cher à la Tunisie. D’ailleurs parmi les raisons qui font que les réserves en devises ont diminué, il y a le coût de la facture énergétique. On aurait enregistré une augmentation de près de 1,5 milliard de $ entre 2016 et 2017. Il s’agit bien entendu de pétrole et de gaz naturel ! Rendons grâce aux révolutionnaires de Kerkennah et ceux du Kamour, les militants pour l’emploi et la dignité ! Ceci sans oublier l’importation des produits compensés comme le sucre et les céréales ainsi que le paiement d’une échéance d’un emprunt contracté par l’Etat !
La BCT rappelle par ailleurs que le niveau des avoirs en devises de la Tunisie est resté jusqu’en 2003 globalement en deçà de la barre des 3 mois d’importations. La moyenne des journées d’importations sur la période 1987-2004, soit 17 ans, a été d’environ deux mois, avec par moments, au début des années 90, un stock des réserves en dessous d’un mois d’importations. Il n’y a donc pas de quoi fouetter un chat !
Les importateurs anticipent avant l’entrée en vigueur de la loi
Les maux sont ailleurs ! Selon un observateur édifié, le seul pays où les résidents à l’étranger n’ont pas augmenté leurs épargnes alors qu’il traverse une crise est la Tunisie ! Les investisseurs nationaux sont également, à quelques exceptions près, réticents pour ce qui est de mettre leur argent dans de nouveaux projets. Pour eux, les horizons ne semblent pas aussi clairs que les décideurs publics le prétendent. L’Administration est devenue un supplice pour les jeunes porteurs de projets, et ce malgré les déclarations tonitruantes de nombre de hauts responsables et un nouveau code des investissements «encourageant», le chemin des créateurs de projets reste semé d’embûches des procédures administratives, des fonctionnaires circonspects et des paperasseries inutiles et bloquantes.
Les décisions prises par les ministères du Commerce et des Finances pour surtaxer nombre de produits de consommation courante afin de protéger les producteurs nationaux et de ménager les réserves en devises ont eu pour conséquence immédiate le doublement voire le triplement des importations avant l’entrée en vigueur de la loi.
Les contrebandiers avisés ont également anticipé en prenant leurs précautions et en consolidant leurs stocks de marchandises.
Un exemple très bête : celui des glibettes turques décriées par une grande frange des Tunisiens et qui se vendent au même rythme tout comme les produits de contrebande qui continuent à envahir le marché de plus belle. Il suffit de faire un tour dans le centre-ville de Tunis pour le réaliser. La rue d’Espagne en est la parfaite illustration.
Les mesures prises par le gouvernement pour consolider les réserves en devises et juguler les effets du marché parallèle sur l’économie formelle ne pourront prendre effet que dans au moins une année, le temps que commerçants et contrebandiers aient fini d’écouler leurs marchandises, si et seulement si leurs relations douteuses auprès de certains douaniers tunisiens ne leur permettent pas de continuer à s’adonner à leur commerce illicite grâce aux protections offertes et grassement payées.
Les clauses de sauvegarde de l’économie en danger et qui autorisent chaque gouvernement à suspendre l’importation de certains produits qui ne sont pas de première nécessité sont-elles prises et appliquées ? Non ! Tout ce qu’on a fait est de surtaxer un grand nombre de produits importés.
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L’inquisition des juges n’aide pas à la relance économique
Dans l’attente, quelques pistes de sortie d’une crise désormais bien installée selon nombre d’experts économiques, et bien que le redressement du pays reste tributaire de sa capacité à introduire les ajustements politiques nécessaires et à injecter une dose suffisante de confiance, l’impasse économique et financière dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui exige la mise en place d’un profond programme de redressement à l’instar de celui de 1986.
La première grande décision -car malgré le vote de la loi sur la réconciliation nationale, celle-ci reste tributaire du pouvoir discrétionnaire des magistrats- est de rétablir la confiance en appliquant cette loi sur tous les intervenants (hommes d’affaires et administration) avec une amnistie de change. Un réexamen de l’Article 96 du code pénal est impératif car c’est cet article (véritable épée de Damoclès sur la tête des responsables de l’Administration) et l’arrêt à la généralisation des tendances d’inquisition qui déstabilisent les opérateurs.
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Quelques pistes identifiées dans l’ouvrage publié par le Centre international Hédi Nouira de prospective et d’études sur le développement (CIPED) il y a plus d’un an sous le titre “Éléments de stratégie de sortie de crise pourraient déclencher une relance progressive si les conseillers économiques du chef du gouvernement, lumières dans leur domaine (sic), prenaient la peine d’en tenir compte.
Il s’agit de :
– l’abandon de la politique du Go and Stop, et l’option pour une politique économique équilibrée basée à la fois sur l’investissement, l’exportation et la demande intérieure ;
-l’assainissement des finances politiques en mettant en place un important programme de réduction des effectifs de l’Administration (mise à la retraite, redéploiement des effectifs, arrêt des recrutements au-delà d’un quota réduit…) ;
-le lancement d’un audit de la politique de change et de la politique monétaire menée par le pays afin d’introduire les réformes et les ajustements requis ;
-l’adoption de mesures draconiennes à l’égard de toute tendance de déstabilisation de l’appareil productif, et des entreprises par la stricte application de la loi.
Un tel programme nécessitera évidement des sacrifices de la part de toutes les composantes de la société.
Amel Belhadj Ali