Des représentants du ministère de la Justice et du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ont affirmé que les chambres criminelles spécialisées en matière de justice transitionnelle sont fin prêtes pour recevoir les dossiers des victimes des violations des droits de l’Homme, mais n’ont reçu jusqu’ici aucun dossier auprès de l’Instance Vérité et Dignité (IVD).
Le chargé de mission auprès du ministre de la Justice, Ibrahim Ben Ammar, a indiqué lors d’une audition, lundi devant la Commission parlementaire des martyrs et blessés de la révolution et la mise en œuvre de la loi sur l’amnistie générale et la justice transitionnelle, portant sur les causes de la non activation des chambres criminelles spécialisées en justice transitionnelle, que 13 chambres ont été créées au sein des tribunaux de première instance dans les sièges des cours d’appel.
Il a précisé que d’autres chambres entreront en action à Béja et Jendouba, avec pour mission la réception des dossiers des graves violations des droits de l’Homme transmis par l’IVD, par le biais du ministère public.
De son côté, Walid Malki, membre du CSM, a précisé que les magistrats désignés dans les chambres spécialisées en matière de justice transitionnelle suivront une deuxième session de formation au mois de février courant après une première session organisée en décembre dernier. Il a assuré que ces chambres seront prêtes dès 20 février à recevoir les dossiers des victimes.
Il a affirmé que les chambres spécialisées attendent d’être en possession de ces dossiers, par l’intermédiaire de l’IVD, et tous les dossiers portant sur les graves violations des droits de l’homme commises de janvier 1955 à novembre 2013, date de la promulgation de la loi sur la justice transitionnelle.
Pour sa part, le rapporteur de la Commission, Yamina Zoghlami, a déclaré à la presse au terme de l’audition, que l’IVD est “tenue de transmettre aux chambres spécialisées les dossiers en sa possession, notamment ceux des martyrs et blessés de la révolution”.
“La commission recevra en audition l’IVD le 19 février courant sur son rapport annuel et examinera la possibilité de prolonger ou non sa mission ainsi que la question de la composition de l’Instance”, a-t-elle précisé.
Zoghlami a indiqué que l’accent sera mis notamment lors de cette prochaine audition sur les investigations menées par l’IVD avec un seul magistrat à disposition, ajoutant que le comité provisoire de l’ordre du conseil judiciaire avait mis à la disposition de l’Instance quatre magistrats et le nombre sera augmenté avec le premier dépouillement des dossiers.
“Nous allons interroger la présidente de la commission d’investigation et d’enquête au sein de l’IVD sur son mode de traitement du volume considérable de dossiers portant sur de graves violations avec un nombre insuffisant de magistrats”, a-t-elle ajouté.
Lors des débats, le député Abdelmomen Belanes a mis en garde contre “la limitation de la justice transitionnelle au dédommagement matérielle et le passage à la réconciliation sans reddition de comptes”. Il s’est interrogé sur “l’apport de la justice dans ce dossier en l’absence de volonté politique de réaliser la justice transitionnelle”.
Mongi Harbaoui s’est interrogé, de son côté, sur la relation entre la justice et l’IVD “face aux informations faisant état de l’autoritarisme de la présidente de l’Instance”, se montrant sceptique quant au degré de préparation des chambres spécialisées en justice transitionnelle de traiter près de 65 mille dossier “avec la célérité nécessaire, l’efficacité requise et face aux attentes des Tunisiens”.
Les autres interventions ont porté sur la mise en place des chambres spécialisées, leur préparation à traiter tous les dossiers et la lutte contre les pressions “en relation avec les agresseurs qu’ils soient des sécuritaires ou des militaires”.