Ezzeddine Saïdane s’inquiète des derniers chiffres publiés par la Banque centrale de Tunisie (BCT) sur les avoirs en devises, sur le volume des liquidités injectées et sur la masse de billets de banque et de pièces de monnaie en circulation dans l’économie.
1- 84 jours d’importations
Le niveau des réserves de change de la Tunisie atteint un niveau très bas, l’équivalent de 84 jours d’importations seulement. Pourquoi cela est-il inquiétant? Dans tous les pays, on considère que le niveau de 90 jours d’importations est une ligne rouge dont il ne faut pas s’approcher. En effet, l’équivalent de 90 jours d’importations est considéré à peine suffisant pour couvrir les importations essentielles et prioritaires qui concernent les produits alimentaires, les médicaments et les hydrocarbures. Ainsi, un pays dont les réserves de change atteignent ou passent en dessous de l’équivalent de 90 jours d’importations est un pays qui n’est pas en mesure de rembourser ses dettes extérieures.
Il faut lier ce niveau de réserves de change à deux autres faits importants :
– Le FMI, qui n’a pas encore débloqué la troisième tranche du crédit de 2,9 milliards de dollars et qui vient de reporter la réunion de son comité exécutif, qui prendrait la décision de déblocage éventuel au mois de mars ;
– La décision de la Tunisie de solliciter le marché financier international au cours de la deuxième moitié du mois de mars pour un nouveau crédit (sous forme d’emprunt obligataire) d’un montant d’un milliard de dollars (2,5 milliards de dinars).
Nos indicateurs économiques et financiers, la notation souveraine de la Tunisie et notre niveau de réserves de change font que cette sortie sur le marché pourrait s’avérer périlleuse. En effet, le risque serait de ne pas pouvoir lever tout le montant sollicité et/ou de le lever à des conditions de taux d’intérêt prohibitives.
2- 12,652 milliards de dinars
C’est la planche à billets. Une planche à billets qui se déchaîne littéralement. Il s’agit du montant de liquidités (création monétaire) injecté par la Banque centrale (BCT) pour maintenir le système bancaire à flot. Un record absolu. Ce niveau de liquidités permet de refinancer les emprunts de l’État auprès des banques tunisiennes pour les besoins du budget. Il s’agit là d’une des principales sources d’inflation !
3- 11,915 milliards de dinars
Il s’agit là de la masse de billets de banque et de pièces de monnaie émis par la BCT et en circulation dans l’économie. Ce niveau, qui correspond à peu près au double du volume habituel (avant 2011), montre l’ampleur de l’économie parallèle, de l’économie hors-la-loi.
Ces trois chiffres inquiètent…
Ces trois chiffres montrent combien il est urgent, très urgent, d’arrêter l’hémorragie et d’engager notre pays sur la voie du sauvetage de son économie et de ses équilibres financiers. Un plan d’ajustement structurel doit être élaboré et implémenté dans les meilleurs délais.