En l’espace de dix jours, deux éminents économistes, de passage à Tunis, en l’occurrence Lionel Zinsou, économiste franco-béninois et ancien Premier ministre du Bénin, et Jacques Attali, économiste et ancien conseiller de l’ancien président français, François Mitterrand, se sont relayés pour mettre en garde les Tunisiens contre les discours pessimistes qu’ils tiennent sur leur économie et pour leur rappeler que leur pays compte beaucoup d’atouts porteurs.
Retour sur les moments forts des deux conférences.
Invité à animer la première édition des conférences économiques de la BIAT autour de la thématique “Quels déterminants du décollage économique pour la Tunisie dans le monde aujourd’hui” (17 janvier 2018), Lionel Zinsou a vivement recommandé aux Tunisiens d’éviter “le vocabulaire doloriste” qu’ils utilisent dans le récit qu’ils se font d’eux-mêmes et de leur économie. “Attention aux récits et à l’image négative et pessimiste que vous donnez de vous-même… Ils pourraient impacter négativement les décisions d’investisseurs étrangers”, a-t-il averti.
Pour lui, ce comportement négativiste n’est pas indispensable en ce sens où la Tunisie, en tant que site de production internationale, demeure attractive, compétitive et résiliente aux chocs.
“Attractive” dans la mesure où elle continue à intéresser de grands investisseurs étrangers comme c’est le cas pour le Fonds d’investissement Abraaj qui vient de racheter 35% du capital de l’opérateur public Tunisie Telecom.
“Compétitive” en ce sens où elle est un des rares pays du Sud à avoir une balance commerciale excédentaire avec un des géants de l’économie du monde : l’Union européenne.
“Résiliente aux chocs” comme en témoignent sa résistance à plusieurs difficultés endogènes et exogènes assez importantes. Parmi celles-ci, il a cité la transition démocratique, un changement majeur de la gouvernance politique, des revendications sociales répétitives, des augmentations salariales, le ralentissement de la croissance chez son principal débouché à l’extérieur (l’Union européenne) et l’instabilité de la Libye…
Jacques Attali, invité à Tunis pour animer une conférence sur le thème “Evolution de l’économie mondiale et la place de la Tunisie”, lundi 29 janvier 2018, pense que “si les Tunisiens veulent réussir leur transition multiforme, ils doivent parler positivement de leur pays et mettre en place une stratégie pour le développer à l’horizon 2030″.
Il estime qu'”un pays ne peut avancer que s’il est positif, c’est-à-dire que s’il exploite à bon escient ses propres ressources et que lorsque chacune de ses décisions sert l’intérêt des générations à venir”. Il précise sa pensée: “Plus un pays est positif, plus son niveau de vie est élevé, plus il résiste aux crises et plus le bien-être y est généralisé”.
Il devait énumérer ensuite les atouts qui font de la Tunisie un site attractif. Il en cité la situation géostratégique de la Tunisie au carrefour de trois zones complémentaires à fort potentiel de développement: l’Europe, l’Afrique et le Monde arabe, avec en prime une ouverture directe sur la mer.
A ce propos, il n’a pas manqué d’apostropher son auditoire en ces termes: “Tournez-vous vers la mer. La mer comme enjeu stratégique, comme une source de l’histoire mais aussi d’avenir. Votre port en eaux profondes constitue un enjeu absolument stratégique. Vous devez l’accomplir le plus vite possible” (NDLR : Webmanagercenter a toujours plaidé pour une économie de la mer et déploré cette tendance des Tunisiens à tourner le dos à la mer).
Mention spéciale pour l’atout de l’appartenance de la Tunisie à la Francophonie et de l’usage dont peut faire la Tunisie pour s’imposer sur les marchés francophones sur les plans culturels et socio-économiques.
Et Jacques Attali de lancer cet appel à la communauté internationale : “l’expérience tunisienne, si elle réussit, sera un signe d’espoir pour le monde entier. Si elle échoue, ce sera un signe de catastrophe“, a-t-il dit. Le message est, désormais, des plus clairs.
Maintenant, au-delà de ces propos optimistes et rassurants, il revient aux Tunisiens de croire, plus que jamais, en leurs moyens en dépit des difficultés conjoncturelles et de se forger une vision cohérente et positive de leur avenir. Car, ne l’oublions pas, ce qui nous manque c’est un consensus sur une vision de long terme.