L’investissement tunisien à l’étranger (ITE) a constamment souffert de la discrimination des législations tunisiennes qui ont toujours favorisé l’investissement direct étranger (IDE).
Pour remédier partiellement à ce déséquilibre, le gouvernement tunisien a trouvé, dans l’avènement du numérique et l’incitation à la création de start-up, une passerelle pour adopter et soumettre au Parlement une nouvelle loi encourageant l’ITE et consacrant par la même occasion une première migration vers l’économie numérique.
Zoom sur une nouvelle législation qui va nous faire oublier, selon les professionnels, la controversée loi 1972.
Cette même loi qui a été en grande partie -même si le gouvernement ne le dit pas- à l’origine de notre double blacklistage en tant que paradis fiscal et de juridiction fortement exposée au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.
Adoptée le 13 décembre 2017 par le conseil des ministres, cette loi est actuellement soumise à l’approbation de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Elle constitue une composante d’un cadre réglementaire, plus large baptisé “Startup Act”, lui-même faisant partie d’une stratégie nationale “Stratup Tunisia” devant faire de la Tunisie, à terme, une “Startup-Nation”, voire un hub numérique régional.
Fruit d’un consensus de tous les acteurs du secteur numérique, cette nouvelle législation se propose d’accompagner les start-up, de les protéger et d’encourager leurs promoteurs à se distinguer à l’international. Il s’agit de simplifier, en leur faveur, les procédures administratives, de faciliter leur accès au financement et aux marchés publics, et de les encourager à entreprendre à l’étranger.
Quid des nouveautés de la loi sur les startups ?
Articulée autour d’une vingtaine d’articles, la nouvelle loi définit une start-up viable comme “toute société de droit tunisien ayant moins de 8 ans d’existence, un chiffre d’affaires inférieur à 30 MDT, un effectif de moins de 100 salariés, une structure de capital indépendante, un modèle économique innovant et un potentiel de croissance stable voire évolutif…”.
Cette loi pionnière comporte quatre principales nouveautés.
La première autorise les promoteurs de start-up à ouvrir un compte spécial en devises en Tunisie qu’ils peuvent alimenter librement par des apports en capital, en quasi-capital et en chiffre d’affaires en devises. Mieux, les promoteurs de start-up investissent, librement et sans autorisations, les avoirs de ce compte pour acquérir des biens matériels ou immatériels, créer des filiales à l’étranger et prendre des participations dans des sociétés à l’étranger.
La deuxième nouveauté porte sur la création d’un Fonds de garantie pour les startups (FGS) : Les participations des organismes d’investissement collectifs dans les startups peuvent être garanties par le FGS à hauteur de 30%.
Une nuance, toutefois, ce fonds géré par la SOTUGAR (Société tunisienne de garantie) intervient uniquement en cas de liquidation à l’amiable et n’est pas cumulable avec le Fonds national de garantie.
La troisième concerne l’octroi d’un congé en faveur des employés promoteurs de start-up qui travaillent. Ce congé est d’une année renouvelable une fois le droit accordé à tout employé lançant une start-up, titulaire et qui a plus de 3 ans d’ancienneté.
La quatrième a trait à la création d’un Interlocuteur unique des start-up (IUS) auprès duquel l’entrepreneur peut effectuer, une fois le label de start-up obtenu, les formalités administratives liées à la création, au développement et, le cas échéant, à la liquidation à l’amiable de sa start-up.
Par-delà ces nouveautés, la loi institue moult exonérations et avantages fiscaux en faveur des créateurs de start-up. Pour en citer quelques-uns, il s’agit de l’exonération de l’Impôt sur les Sociétés (IS), de la prise en charge par l’Etat des charges salariales et patronales, incluant les charges CNSS de la start-up durant la période de labellisation, d’abattement fiscal en faveur des personnes physiques et morales qui souscrivent au capital des start-up, d’exonération d’impôt sur la plus-value, prise en charge par l’Etat de l’enregistrement et de dépôts à l’INNORPI et à l’international des brevets des start-up…
Meilleure attractivité de la Tunisie en tant que “Startup-Nation”
La nouvelle loi intervient en couronnement de plusieurs distinctions régionales en matière de maîtrise des technologies de l’information et de la communication (TIC), d’innovation et de digitalisation.
Trois distinctions méritent qu’on les rappelle.
La première est toute récente, car elle remonte au mois de janvier 2018. En effet, la Tunisie a été classée à la 43ème position dans le classement 2018 du «Bloomberg Innovation Index», établi par le magazine américain «Bloomberg Business». Avec ce classement, la Tunisie se positionne, désormais, comme la première économie innovante en Afrique et dans le monde arabe.
L’indice de Bloomberg mesure l’impact de l’innovation à travers sept critères : recherche et développement, valeur ajoutée manufacturière, productivité, densité de la haute technologie, efficacité du secteur tertiaire, concentration de chercheurs, nombre de brevets.
La seconde consiste en le classement, au mois d’août 2017, de la ville de Tunis par la plateforme Nestpick de Londres, plateforme spécialisée dans l’identification des meilleures villes pour le lancement en de bonnes conditions des start-up, à la 83ème place sur les 100 meilleures villes les plus dynamiques au monde pour les start-up.
La dernière remonte au mois de novembre 2017. Sur 100 start-up internationales dont 25 provenant de la région Afrique Moyen-Orient, 9 start-up tunisiennes ont été retenues dans le cadre du programme BigBooster.
Ce programme s’appuie sur une plateforme collaborative de partenaires publics et privés afin de promouvoir des start-up “early-stage” innovantes et prometteuses à l’échelle internationale.
Cela pour dire qu’avec ce nouveau cadre réglementaire (nouvelle loi sur les start-up), la Tunisie devrait, en toute logique, améliorer de manière significative son attractivité en tant que hub d’innovation et de création de valeur ajoutée technologique.
Cette nouvelle loi, pour peu qu’elle soit bien accompagnée comme c’était le cas avec les lois antérieures sur l’investissement direct étranger (loi 1972 et autres), est en mesure de hisser l’investissement immatériel tunisien à l’étranger au plus haut niveau.
A cette fin, la Tunisie doit toujours avoir à l’esprit un tout petit pays comme l’Estonie qui a pu conquérir le monde avec son Skype découvert par une start-up estonienne.