Sûr de lui, Youssef Chahed montre qu’il remplit bien son siège. L’excitation sociale ne contrarie pas son plan de campagne. Il tient le cap, ayant la haute main sur les événements et gardant la situation sous contrôle.
Lors de son interview diffusée dimanche 25 courant sur Al Watanyia 1, on a bien vu Youssef Chahed dire haut et fort : JE, s’affranchissant de BCE et exerçant pleinement ses prérogatives de chef de l’exécutif. Et même si les excités des mouvements sociaux l’agacent, ils ne parviennent pas à lui faire de l’ombre. Les indices favorables, encore hésitants, sont là. C’est notamment le cas de la reprise des exportations et le retour des touristes. Et il laisse entendre que sa situation n’est pas fragile. Il défie ceux qui spéculent sur sa fin prochaine.
Youssef Chahed, en bon timonier, résiste face à la bourrasque. Il défie ses adversaires politiques et s’affirme qu’il ne coulera pas après les élections municipales. Après moi, c’est l’instabilité qui guette.
Le chef du gouvernement pourra-t-il se donner, de la sorte, l’état de grâce, dont il a été privé à son installation à La Kasbah du fait de rebondissements sociaux violents et dont rien n’indique qu’ils étaient fortuits ?
Gare au populisme !
La contestation sociale, quand elle est infondée, c’est du persiflage, a laissé entendre Youssef Chahed. Il affirme ne pas se laisser intimider par les huées des agités. Ceux qui quittent le navire, par gros temps, parient sur sa perte.
Le Pacte de Carthage reste un pacte viable. Sa feuille de route est encore valide et valable. Cependant, il faut laisser du temps au temps et un délai au redressement du pays. Avec les partenaires restés à bord, il saura se servir des vents contraires et faire repartir l’économie sur le moyen terme. Ceux qui se jettent à l’eau voudraient jeter le pays dans l’aventurisme dangereux de l’instabilité politique. En physique comme en économie, l’ennemi c’est le temps de latence. Toutefois, Youssef Chahed, soutient que “ça mord“ et qu’il ne faut pas lâcher prise.
Les économiquement faibles, les gens vulnérables, ceux qui sont exposés à la précarité font la part des choses, tonne-t-il. Les faibles ajustements des transferts sociaux qui leur sont consentis sont présentés comme un gage d’apaisement et la promesse d’un rattrapage futur.
Youssef Chahed sait qu’il joue gros si ses oracles ne se vérifiaient pas dans quelques semaines voire mois. Les sirènes malveillantes tentent de ruiner ses efforts. Pourra-t-il éviter au pays la tentation populiste ?
Renvoyer ses adversaires dans les cordes
Certains de ses partenaires voudraient précipiter sa chute. Tout porte à le croire et certains vont vite en besogne en appelant à son départ. Mais avec un art consommé, le chef du gouvernement envoie ses adversaires dans les cordes du ring. Il ramène leur initiative à une simple fixation sur sa personne. Ses détracteurs avancent, il est vrai sans contre-offre, sans le moindre plan de substitution.
Avec beaucoup d’assurance, il montre que cette offensive n’est, en réalité, qu’une manœuvre malveillante. Par gros temps, tout le monde doit agir de concert et de raison. Les poussées de fièvre syndicale ne font que faire tanguer l’embarcation un peu plus.
Youssef Chahed avance en rappelant qu’il est le bouclier contre l’instabilité. Et il s’engage à ne pas pousser l’Etat dans sa fonction de puissance publique en usant de la force à tout va.
Au bassin minier, il répondra par une offre de développement qui emportera l’adhésion de la population locale. La stabilité sociale est à ce prix et hors ce périmètre de cohésion nationale, c’est l’aventure.
La posture du “Big Boss“
Bien entendu, comme le lui rappelaient nos deux confrères avec objectivité et réalisme, son plaidoyer est rationnel mais les résultats sont timides. Ne se laissant pas désarçonner, Youssef Chahed rappelle qu’il tient bien son monde. La preuve ? Il a passé un savon aux ministres pour qu’ils se démènent. Il est bien dans son rôle de “Big Boss“, et il sait se montrer sévère en exigeant des comptes.
L’habileté de communication
Le catastrophisme n’est pas son rayon. Youssef Chahed sait que l’opinion apprécie les chefs qui savent raison garder. Face à l’avalanche de signaux contrariants, notamment le double blacklistage, la reprise de l’inflation et le décrochage du dinar, le chef du gouvernement joue le moyen terme. Il fixe son regard sur l’horizon 2020. Il sait que le temps joue en sa faveur. La démocratie locale apaisera le débat et ne donnera plus une dimension nationale aux tensions dans les régions. Et ce n’est pas manquer d’habileté politique que de jouer d’adresse en communication.
Youssef Chahed a clairement signifié à nos deux confrères que l’heure de son bilan n’a pas sonné et que son compte d’exploitation est encore ouvert et actif. Il faut lui rappeler que lorsqu’on propose du beau jeu, il faut aussi mener à la marque. L’opinion publique se nourrit autant de pain que de jeu, surtout s’il est beau. Youssef Chahed nourrirait-il des ambitions secrètes pour 2020? Il s’y prépare bien, en tous cas.
Ali abdessalam