“La Tunisie aurait dû agir plus tôt et être plus présente, en Afrique, notamment l’Afrique subsaharienne, mais elle a toujours regardé vers l’Europe et ne s’est orientée vers l’Afrique, qu’au cours des cinq dernières années”, a déclaré, Nejib Hachana, ancien diplomate et vice-président du Centre de Prospective et d’Etudes sur le Développement (CEPED).
Intervenant au cours d’une journée d’information sur le marché Africain organisée par le Réseau des Experts Consultants Africains pour le Développement Economique (RECADE), il a fait savoir que le Maroc a bien compris l’enjeu, depuis plus d’une dizaine d’année, avec une trentaine de dessertes aériennes vers l’Afrique subsaharienne, contre une dizaine de dessertes ouvertes par le transporteur national TUNISAIR.
Il s’agit, également, de la présence des trois principales banques marocaines dans 25 pays Africains, contre l’absence d’un mécanisme de soutien financier et banquier tunisien pour soutenir les hommes d’affaires qui s’aventurent à leurs propres risques, a t-il avancé.
L’ancien diplomate a mis l’accent sur l’absence d’un réseau diplomatique dense en Afrique, appelant à l’amélioration de la présence de la Tunisie sur le continent africain, notamment en Afrique subsaharienne. Même avec les efforts entrepris, récemment, il n’y a que 10 ambassades sur 54 pays de l’Afrique, soit un taux de 14%, comparé à 40% en Europe, a-t-il précisé, proposant d’avoir le même pourcentage de représentations diplomatiques en Europe, d’ici une dizaine d’années.
Et de poursuivre que, malheureusement, la Tunisie n’a pas investi et fait fructifié la sympathie dont elle jouit en Afrique, vu qu’elle a aidé tous les mouvements de libération africains, durant les années 60 et 70, ensuite la Tunisie est un membre fondateur de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), appelée aujourd’hui Union africaine (UA) et est très présente et appréciée, au niveau des forces de maintien de la paix, en Afrique. Par ailleurs, la Tunisie a beaucoup contribué à la formation de cadres civils et militaires africains, a-t-il encore dit.
A l’époque, la perception de l’Afrique était très négative (c’est le continent des conflits, de la pauvreté et des maladies contagieuses…), ce qui a laissé les hommes d’affaires et les décideurs politiques un peu à l’écart, a-t-il expliqué.
Il s’agit d’une erreur, parce qu’on n’a pas vu son vrai potentiel, c’est un continent qui dispose d’énormes opportunités et est actuellement en pleine mutation et réforme économique avec une croissance économique soutenue d’une moyenne de 5%.
Maintenant, une compétition très serrée se pose au niveau de la géostratégie et la géopolitique pour s’accaparer des zones d’influence économique en Afrique.
Pour sa part, l’Ambassadeur du Cameroun en Tunisie, Victor Loe a fait savoir que les statistiques du CEPEX (Centre de Promotion des Exportations) ont démontré que l’Afrique Subsaharienne ne représente que 3% du commerce extérieur de la Tunisie.
Le potentiel, a-t-il ajouté, existe mais les résultats ne seront pas immédiats, soulignant que la Tunisie est présente en Afrique à travers les bureaux d’études et les secteurs du BTP et du commerce, mais la présence des Chinois, des Turcs, des Marocains et des Français est également importante, d’où la nécessité de s’imposer via la qualité du message, le savoir-faire et la disponibilité.
Pour sa part, le vice-président du Réseau des Experts Consultants Africains pour le Développement Economique (RECADE), Naoufel Ouerghemni a rappelé que l’objectif de cette journée d’information est de lancer le programme d’action du réseau pour l’année 2018 et de sensibiliser les nouveaux adhérents au réseau à l’importance du marché africain.
Il a indiqué que, selon les estimations de la Banque Mondiale (BM), les besoins de formation professionnelle en Afrique sont gigantesques vu que 33 millions d’élèves des écoles secondaires devraient intégrer des formations professionnelles chaque année, d’ici 2025, contre 4 millions, en 2012.
Et de rappeler, également, les besoins urgents du Continent en infrastructures (routes, autoroutes, ponts, logements et bureaux), ajoutant que les dépenses des ménages devraient croitre de 3,8% par an, d’ici 2025.
Ouerghemni a souligné qu’autant d’opportunités sont à saisir en Afrique, à condition d’être bien accompagné et de sécuriser ses finances, affirmant que beaucoup de chefs d’entreprises tunisiennes sont intéressés mais craignent de ne pas trouver le bon partenaire et d’avoir des problèmes de paiement.
Pour réussir en Afrique, il faut, selon le vice-président du RECADE, une vision claire du contexte politique et économique, un partenaire solide bien implanté sur place et la connaissance du tissu économique local par secteur.
Le RECADE est une plateforme d’experts consultants issus de huit pays africains (Tunisie, Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée, Congo, Gabon et Togo), œuvrant dans le champ du développement économique.
Il vise à fédérer les expertises de ses adhérents pour conquérir le marché africain, développer des dynamiques de collaboration entre les adhérents, créer des dispositifs innovants pour mieux faire circuler l’information entre les membres, en plus de la constitution d’un cadre de partenariat pour l’élaboration, le développement et l’implantation de projets économiques pertinents en Afrique.