L’Etat est le premier bénéficiaire des paiements en cash. Au prix d’une petite transformation des modes de paiement, un grand pas sur la voie du decashing serait réalisé.
Légiférer, pour juguler les flux mirobolants de cash en circulation, n’est pas la solution. Ce n’est pas très pratique. Ce serait trop long et peu efficace, en l’état actuel de transition démocratique agitée, disent certains observateurs. Certains analystes avancent une proposition qui ne manque pas de pertinence. Ils soutiennent que l’Etat reçoit près de 50% des paiements en cash, via le règlement des impôts et taxes. L’Etat peut être à l’origine d’un retournement de situation sur la voie du decashing.
Un gisement considérable
Depuis cinq ans, la masse de billets en circulation a plus que doublé. Nous parlons ici du cash au noir, c’est-à-dire celui exfiltré du système bancaire et évadé du fisc. Nous excluons les caisses noires de l’informel et du terrorisme, évaluées à près de 40% du PIB du pays. Sans le savoir, les règlements cash en faveur du fisc sont monnaie courante.
Pour se faire une idée de l’ampleur de la question, reportons-nous aux chiffres officiels. Depuis la révolution, les transactions immobilières, à titre d’exemple, ont flambé. Près de 200.000 logements auraient été achetés par des citoyens libyens. Près de 100.000 logements ont été acquis par des citoyens tunisiens à titre de placement. Ils ne seraient ni occupés ni loués. L’administration du fisc, jusque-là, accepte les paiements par chèque certifié ou en espèces. A l’évidence, le secteur organisé seul recourt aux chèques certifiés. Les autres, soit près de 50% des flux se font en espèces et c’est donc là que l’on peut ériger une digue.
Le paiement par carte
Certains experts ont préconisé la suspension du règlement en espèces et son remplacement par le TPE (Terminal de Paiement Electronique). De la sorte, tous les flux à encaisser par le fisc devraient transiter par le système bancaire. Cela est simple à mettre en place. Ce n’est pas cher pour le contribuable. Et ça peut rapporter gros à l’état. On gagne sur tous les tableaux et notamment en matière de bonnes pratiques. Et cela va dans le sens du “délistage“ de GAFI.
Naturellement, il restera l’underground stream. Mais là, il ne s’agit pas de recourir aux quick wins. La solution choc qui a été adoptée partout ailleurs et qui a marché est l’amnistie de change. Face à cette solution, on se demande pourquoi la Tunisie atermoie, sans raison apparente. C’est une recette miracle pour faire refluer les ressources abondantes de l’informel vers le circuit bancaire. Est-ce qu’on peut envisager d’adopter cette solution par ordonnance, pour dribbler les lobbies qui font de la résistance ? Ce serait bien commode car l’Etat pourrait s’approprier un sacré trésor de guerre, sans se fatiguer. Après tout, il n’y a aucun mal à se faire du bien.
Ali Abdessalam