La Tunisie célèbre, mardi 20 mars, le 62ème anniversaire de son accès à l’indépendance. Le bilan est hélas loin d’être positif au regard de la précarité multiforme dans laquelle se débat actuellement le pays, de la crise délétère qui la ronge et qui risque de la mener à la banqueroute, et de l’énormité des difficultés structurelles à surmonter pour y remédier…
Après l’euphorie de l’indépendance et des belles avancées réalisées, durant les quinze premières années, en matière d’émancipation de la femme, de la généralisation de l’éducation et de la santé, aucune réforme digne de ce nom, aucun projet de société d’envergure nationale, aucune stratégie arrêtée pour développer l’économie du pays sur des bases pérennes n’ont été initiés. Et mêmes les quelques initiatives entreprises, ici et là, à défaut de leur institutionnalisation, n’ont jamais été menées à terme.
Le bilan est loin d’être positif
Le résultat est catastrophique et n’augure rien de bon pour les futures générations. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un regard sur les composantes actuelles de la population tunisienne.
En dépit de la politique du maquillage de chiffres suivie par le gouvernement de Youssef Chahed, la Tunisie de 2018 compte
- 2,7 millions de pauvres,
- 1,5 million vivant dans un secteur informel,
- plus de 630.000 chômeurs dont 250.000 diplômés, plus de 4 millions d’analphabètes et d’illettrés,
- 1,5 million de salafistes disciplinés constamment à l’affût pour ramener le pays au moyen âge,
- 1 million d’émigrés -individualistes bien intégrés dans les pays d’accueil et enclins plus à ramasser l’argent et à cofinancer, en offshore, un projet identitaire islamiste utopique qu’à investir dans leur pays,
- 1 million de retraités paupérisés,
- 2,5 millions d’élèves et d’étudiants encore immatures faisant semblant d’étudier,
- plus de 6.500 hommes d’affaires expatrient le plus net de leurs fortunes.
Au plan politique, l’establishment en place a repris à son compte les mêmes réflexes autoritaires et kleptocrates que ses prédécesseurs au temps de Bourguiba et de Ben Ali.
Le leadership continue à confondre démocratie et légalité et à en profiter pour perdurer le plus longtemps possible. Plus simplement, pour lui, le pays est un butin à partager.
Au plan social, l’insurrection et l’insubordination sont partout. Les grèves sont devenues une constante de notre quotidien. Des jacqueries de communautés affamées et marginalisées, à dessein, par des gouvernants irresponsables et incompétents ont lieu, régulièrement, particulièrement à l’arrière-pays.
Les jeunes sont de plus en plus suicidaires. Désespérés et obligés de se prendre en charge, ils n’ont qu’une alternative : se jeter à la mer dans l’espoir de rejoindre l’Europe et d’y trouver un job, ou de se faire embrigader par les groupes terroristes pour accélérer leur mort.
Au plan économique, certains indicateurs sont au rouge : surendettement (+de 90% du PIB si on additionne les dettes publique et privée), déficit budgétaire (+ de 6% du PIB), déficit courant (+ de 10% du PIB), inflation toujours à la hausse (+7,2% au mois de mars 2018)…
Pis, 62 ans après, la Tunisie est devenue un pays voyou, un pays de pestiférés qui engrange de terroristes et de brigands de toutes sortes. En témoigne son récent blacklistage par l’Union européenne en tant que paradis fiscal et de juridiction fortement exposée au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme.
Moralité de l’histoire : à quelques détails près, la situation rappelle celle de 1881 qui a justifié la colonisation de la Tunisie par la France.
La Tunisie a tous les atouts de se redresser par ses propres moyens
Pourtant, la Tunisie est loin d’être un pays pauvre et démuni de ressources naturelles, comme la propagande officielle tend à en convaincre les Tunisiens.
La Tunisie dispose de tous les atouts pour se redresser et prendre un raccourci heureux en valorisant d’abord les trois éléments naturels que le bon Dieu a mis à sa disposition : la terre, le ciel et la mer.
Les Tunisiens, qui importent leurs besoins en céréales pour s’alimenter, se doivent d’entamer dans les meilleurs délais une révolution agraire. Chaque lopin de terre doit être cultivé et planté. Quitte à associer l’armée pour la valorisation du Sahara et des terres domaniales. L’exemple du développement avec grand succès de la zone désertique de Rejim Maatoug au sud du pays est édifiant de ce qu’on peut faire en matière de valorisation du sol et d’arboriculture fruitière et forestière.
En aval, la Tunisie se doit de transformer et conditionner tous ses produits de terroir sur place et bénéficier de leurs externalités positives.
Signe criant de l’incompétence des gouvernants qui se sont succédé à la tête du pays durant 62 ans, ils ne se sont jamais souciés de conditionner l’huile d’olive de Tunisie, privant le pays d’une manne de devises importante. Pour ceux qui l’ignorent encore, l’huile d’olive tunisienne, dont l’excellente qualité est reconnue internationalement, est majoritairement exportée en vrac comme un vulgaire breuvage.
S’agissant de la mer et de la valorisation des 1300 kilomètres de littoral, la Tunisie a intérêt à restaurer sa vocation carthaginoise en tant que puissante Cité maritime commerciale. Pour ce faire, elle est invitée à développer ces eaux territoires (l’équivalent de la superficie continentale du pays), à y développer une industrie maritime prospère, à y promouvoir le tourisme insulaire et beaucoup d’autres activités fort rémunératrices (pêche, biotechnologie marine, exploitation des algues, dessalement d’eau de mer…).
Concernant le ciel, la Tunisie, qui n’est pas actuellement indépendante sur le plan énergétique, peut parier sur les énergies vertes (solaire, éolien…) pour pallier cette lacune.
Pour exploiter à bon escient ces trois éléments naturels et en tirer le meilleur profit au grand bonheur de tous les Tunisiens, partout où ils peuvent se trouver, les futurs pouvoirs politiques n’ont d’autres choix que de réformer les trois cycles de l’enseignement, de développer la formation professionnelle, de former en fonction des besoins des options stratégiques précitées, de consacrer au quotidien les choix pris pour l’Economie sociale et solidaire et surtout pour l’économie numérique. Cette dernière économie a d’autant plus la vertu de favoriser la transparence et la bonne gouvernance et de dissuader la corruption. Et ce qui a manqué, depuis 1956.
On l’aura dit.