Incolore, inodore, indolore ! Vous l’avez compris ! Il s’agit du discours prononcé par le Président de la République à l’occasion de la fête de l’indépendance. Nous nous attendions à de grandes déclarations, nous avons réalisé tout d’un coup que nous nous sommes fourvoyés !
Les Tunisiens éclairés qui espéraient un tant soit peu que Béji Caïd Essebssi, use de son pouvoir moral et de son privilège de l’élu le plus légitime de la Tunisie pour dire ce qui doit être dit, se sont sentis de nouveau orphelins ! D’ailleurs, ce sentiment ne les a pas quittés depuis la prise du pouvoir par la troïka et sa main mise sur tous les rouages de l’Etat ! Les Tunisiens s’attendaient à ce que les privilèges âge et suffrage prennent le pas sur les compromis compromissions que nous vivons depuis 2014 ! Que nenni ! Rien de tout ce à quoi ils s’attendaient n’a été prononcé ! Monsieur le Président de la République a préféré improviser son discours, délaissant l’écrit qu’il avait devant lui, pour une commémoration aussi importante que celle de la fête de l’Indépendance ! Il a même fait l’éloge de la constitution cousue sur mesure pour le parti islamiste la Nahdha qui, malgré ses carences, serait fort honorable a-t-il laissé entendre.
C’est le mode de scrutin qui est à déplorer ! Le discours du Président de la République de ce mardi 20 mars, a tourné autour de deux grands axes : le mode de scrutin proportionnel, adopté actuellement par la Tunisie et la réaffirmation de l’indépendance de la Tunisie sans aucune équivoque comme si l’on devait réagir aux fausses allégations de la grande justicière noire Sihem Ben Sedrine alors que l’essentiel est ailleurs !
Le mode de scrutin devrait être amendé a avancé prudemment monsieur le Président. Ce sont bien sûr des hommes de loi et des experts économiques qui l’ont dénoncé parce qu’il disperse aussi bien les voix que les responsabilités et ne permet aucun contrôle sur le pays et les arcanes de l’Etat. Monsieur le Président ne fait que suivre !
Ghannouchi n’a d’ailleurs pas manqué d’approuver presque instantanément cette position en assurant lui aussi que le mode de scrutin doit être révisé !
Que c’est beau les compromis, surtout lorsque les objectifs ont été atteints !
Béji Caïd Essebssi n’a pas parlé des nouveaux envahisseurs corrompus, véreux et incompétents !
Donc en ce jour de commémoration de la fête de l’indépendance, en lieu et place d’un discours que l’on nous disait historique, nous avons eu droit à quelques piques touchant à la volonté des puissances politiques internationales d’être présentes partout et bien évidemment en Libye, ce qui n’a rien d’extraordinaire! Ou encore nous avons entendu des regrets quant au choix de certains signataires du pacte de Carthage de s’en retirer.
Faisant illusion au deuxième article de la constitution, le Président a déclaré : « La Tunisie est un Etat civil mais son peuple est musulman, qu’y pouvons-nous ? » ! Peut-être serait-ce justifier l’existence d’autant d’écoles coraniques, de clubs religieux, de mosquées et même de hautes écoles « islamiques » sans oublier les centres créés par la Ligue Mondiale des savants musulmans ? C’est à n’y rien comprendre !
L’ambiguïté sciemment maintenue par les deux premiers articles de la constitution pourrait faire virer la Tunisie vers un pays islamiste avec un grain de principes républicains ! D’ailleurs ils ne peuvent être amendés et se contredisent l’un l’autre ! Lisez la constitution et Cherchez l’erreur!
Pour le reste, le Président de la République, la plus haute autorité de l’Etat, aux prérogatives limitées-il ne cesse pas de le répéter- n’a pas parlé d’un pays ingouvernable parce que tenu par de nouvelles forces destructrices dont certains syndicats à l’exemple de celui de l’enseignement tenu par Lassaad Yakoubi qui tient en otage l’avenir de nos enfants ou encore d’autres sévissant dans nombre de secteurs névralgiques du pays. Il n’a pas profité de l’occasion pour rappeler qu’à l’aube de l’indépendance, c’est grâce au savoir et à la compétence que le pays a pu avancer. Il n’a pas cité les 150 000 mille incompétents amnistiés qui ont rejoint les rangs de l’Administration publique marginalisant les hautes compétences du pays produit des générations de centraliens et polytechniciens postindépendance et qui ont fait de cette administration une basse-cour.
Il ne faut surtout pas susciter l’inimité des syndicats ou encore blesser des alliés très sensibles aux critiques et qui tiennent le pouvoir !
Le Président de la République n’a pas réitéré la volonté de l’Etat, si Etat il y a, de protéger par la force s’il le faut les sites de production à l’instar de ceux de la CPG, du Kamour et d’autres !
Monsieur BCE s’est limité à citer les chiffres désastreux des pertes de l’économie dans un pays où l’Etat étant mort, tout est devenu permis ! Dans un pays où les agents de l’ordre quittent les postes de polices pour éviter d’être confrontés à des hordes de bandits qui les incendient dans l’impunité la plus totale !
Le Président de la République n’a pas réaffirmé sa détermination à tout mettre en œuvre, lui dépositaire de l’unité de la Tunisie et de sa sécurité, pour juguler le phénomène de la contrebande et de l’économie parallèle étroitement liés aux acteurs du terrorisme dans notre pays ! Il n’a pas non plus interpellé les droit-hommistes en herbe sur leurs responsabilités dans l’instauration de ce climat délétère au sein de l’Etat à force de dénonciations déplacées et de protestations incongrues et ce aux dépends des hauts intérêts de la Tunisie sécuritaires ou autres !
La Tunisie indépendante depuis 1956, est de nouveau occupée depuis 2011 par des envahisseurs de tous bords qui ont généralisé la corruption, souillé une vie politique qui n’existait pratiquement et les acteurs publics sont impuissants à cause justement d’une constitution bourrée d’articles pièges !
La Tunisie est devenue méconnaissable pour une grande partie des Tunisiens qui ne se reconnaissent pas dans leur patrie. Une patrie où aussi bien l’environnement physique qu’humain est devenu malsain à tel point que tous ceux qui ont les moyens de partir ailleurs le font et où ceux qui restent ont le regard tourné vers de nouvelles destinations où ils pourront mieux et bien vivre !
Monsieur le Président, nous nous attendions à ce que vous, vous précisément qui n’avez pas de plans de carrière, qui êtes l’un des derniers des constructeurs de la Tunisie postindépendance osiez dire les choses comme elles sont ! Nous nous attendions à ce que vous ne caressiez personne dans le sens du poil car les traitements homéopathiques et les obsessions sécuritaires consistant à ménager la chèvre et le choix font plus de mal que de bien au pays !
Nous nous attendions à ce que vous osiez, tout simplement monsieur le Président !
Après tout qu’avez-vous à perdre ? La Tunisie semble aujourd’hui traverser l’une des périodes les plus noires de son histoire ! Un peu de vérité sortant de la plus haute autorité de l’Etat nous aurait peut–être apaisé faute d’autre chose ! Ou est-ce que comme cité dans le coran « قلْ هلْ يسْتوي الذين يعْلمون والذين لا يعْلمون » et vous savez des choses que nous ne devons pas savoir ?
Lorsqu’il a mené la Tunisie vers l’indépendance, Bourguiba n’avait aucune prérogative et savait des choses que le peuple ne savait pas mais il a osé. Sa puissance résidait dans sa volonté et sa détermination à libérer le pays de l’occupant français et l’amour du peuple qu’il a pu ainsi rallier à sa cause.
Monsieur le Président, l’amour de la Tunisie et du peuple ne seraient pas des arguments suffisants pour balayer toutes les entraves et dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité ?
Amel Belhadj Ali