Au regard du pourrissement de la vie politique dans le pays et du bas niveau dont a fait preuve, ces jours-ci, la classe politique avec ses discours aux relents irresponsables, orduriers et terroristes, le Tunisien, déjà accablé par la précarité de la vie, se sent malheureux, impuissant et désespéré.
En l’espace de dix jours, les Tunisiens ont eu droit à toutes sortes de dérives -morales, de langage, constitutionnelles… Ils ont pris, particulièrement, dans leur ventre la honteuse réalité de leur classe politique. Pour preuve.
Des députés de la honte
La plupart des Tunisiens ont été sidérés d’écouter le député d’El Irada, Mabrouk Hrizi, déclarer, à gorge déployée en pleine séance plénière du parlement : “Je suis un kamikaze et je suis là pour vous faire exploser”.
Ils ont été ébranlés d’écouter la “pudique” députée nahdhaouie, Monia Brahim, braver, au nom de ses collègues mâles, le président du Parlement et le défier d’être, en termes basiques, “plus virile” que lui.
Ils ont été choqués également d’entendre le député du Front populaire, Ammar Amroussia, menacer le chef du gouvernement de lui “lever les jambes” si jamais il refuse de lever le pied sur le peuple.
L’exécutif, avec ces deux têtes, n’a pas fait mieux lors de son intervention ces dix derniers jours.
L’exécutif n’a pas fait mieux
Le président de la République, Béji Caid Essebsi, a mis à profit la célébration du 62ème anniversaire de l’indépendance pour rappeler aux Tunisiens qu’ils sont malheureux et que cela ne relève pas de sa responsabilité : “Ce que j’ai malheureusement remarqué, c’est que 99,9% des Tunisiens ressentent de la déception, de la frustration”, a-t-il-dit. Et d’ajouter : “Il y a ceux qui disent qu’on a une responsabilité dans ce qui se passe à cause de notre manière de gouverner. Je ne pense pas que ce soit à l’origine de tous les maux… La situation est difficile, mais on ne peut pas faire porter la responsabilité sur une partie ou une autre, nous sommes tous responsables”.
Pour sa part, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a été, lors de son audience au Parlement, le 23 mars 2018, le moins qu’on puisse dire, décevant.
Il était comme d’habitude dans le tendanciel et un fervent porte-parole de ministres “bich naamalou” (nous allons faire…).
Point d’orgue de son intervention, il n’avait de fixation que pour les solutions de facilité : la cession des entreprises publiques et le renflouement des Caisses de la sécurité sociale par l’augmentation des cotisations. Entendre par-là, les assurés sociaux devront mettre encore une fois la main dans la poche pour venir en aide à ces Caisses déficitaires dont le gouvernement, de par ses nominations à leur tête de dirigeants incompétents, assume, pourtant, l’entière responsabilité.
A court terme, il n’y a pas d’issue
Avec autant de dérapages, les Tunisiens ont la nausée et ont l’impression d’avoir atteint un tel niveau d’exaspération politique qu’ils sont au bord du “burn out”, anglicisme de ce qu’on appelle en psychanalyse “syndrome d’épuisement professionnel”. Cette pathologie combine stress, dégoût, fatigue profonde, désinvestissement dans l’activité professionnelle, sentiment d’échec et d’impuissance…
Le pire est que face à cet immobilisme de gouvernants, les citoyens sont impuissants et ne peuvent rien faire. C’est le diktat de la légalité qui s’exerce au détriment d’une véritable démocratie et de l’intérêt général du pays.
A ce propos, le message de Béji Caïd Essebsi, lors de la célébration du 62ème anniversaire de l’indépendance, est des plus clairs : “Nous avons un régime issu d’élections (…). Cela est le résultat des urnes, nous devons les respecter”.
L’impuissance et la résignation du peuple sont telle qu’il semble incapable d’inverser la tendance, du moins à court terme, et ce pour des raisons structurelles.
L’écrasante majorité du peuple tunisien est inculte et inconsciente de ses droits et devoirs politiques. Sur une population de 12 millions d’habitants, le pays compte environ 4 millions d’analphabètes et d’illettrés et plus de 2,5 millions de pauvres dont on peut acheter les voix facilement.
Moralité de l’histoire : avec des communautés de cette qualité, il ne faut pas espérer une quelconque amélioration dans les plus brefs délais.