Sur les hauteurs de Nefza (nord-ouest), est niché le Groupement de production de produits agricoles, baptisé au nom du village “Ech Ezzitoune”, un projet piloté par une soixantaine de femmes issues de cinq villages de la région.

Au milieu des plaines entourées de montagnes et de verdure, le cadre donne envie de se projeter dans l’univers pittoresque de ces zones éloignées du nord-ouest tunisien, et plus exactement dans le village montagneux de la localité de Djbel Ediss.

Le groupement et ses composantes

Sur place, des femmes membres du groupe étaient au rendez-vous, pour un accueil chaleureux, à la ferme agricole qui abrite le siège du groupement, au cœur du village et où sont, fraîchement construits le dispensaire et l’école de la région.

Une basse barrière entoure le terrain abritant le projet. A l’intérieur, se dégage une bonne odeur de toutes sortes d’huiles végétales dont en particulier l’huile de Lentisque (Gadhoum) qui est cueillie de l’arbre sauvage de Lentisque, suivant une tradition ancestrale héritée de génération en génération pratiquée dans cette région abondante en forêts.

D’autres plantes séchées remplissent l’espace d’une agréable odeur (romarin, thym, fleur d’oranger…). Deux femmes sont déjà en train de manipuler les appareils pour l’extraction de l’huile naturelle.

Dans la cellule de côté, sont placés sur des tables, toutes sortes de plantes, un frigo et une gazière et d’autres ustensiles utilisés dans le traitement des plantes.

Le siège de groupement, à la base un dépôt de produits agricoles, est divisé en quatre cellules dont deux sont réservées pour l’extraction des huiles naturelles. Une salle de réunions fait également office d’un lieu de formation et d’exposition des produits.

La même salle est en même temps une salle de révision pour les petits du village où se trouve le groupement ainsi que pour ceux des femmes membres qui peuvent s’y divertir en week-end et durant les vacances.

En cette journée printanière ensoleillée, quelques membres du groupement sont réunis au sein du bâtiment avec toiture en brique rouge pour présenter leur projet qui abrite également deux pépinières pour l’élevage de poulets. D’autres disposent chez elles de ruches d’abeilles, de vaches et de brebis pour la production du miel et produits de base animale comme le “Smen”.

5 villages et 71 femmes bénéficiaires

Le projet profite à cinq villages Ech Ezzitoune -qui abrite le bâtiment du groupement et les pépinières autour-, Ouled Zid, Khaylia, El-Hammam et Galella, qui sont,comme toutes les communes de ces vastes contrées du nord-ouest, situées dans des endroits généralement pas facile d’accès et éloignés les uns des autres.

Les 71 femmes membres du groupement se trouvent obligées de se déplacer quotidiennement, empruntant les moyens de transport rural disponibles et payer en moyenne deux dinars pour chaque trajet aller-retour, une somme dérisoire mais qui pèse lourd dans le budget de ces mères de familles.

L’idée de ce groupement a été accompagnée par un changement timide dans les modes de production et moyens de commercialisation de leurs productions. Des moyens de productions traditionnels pour l’extradition des huiles et autres produits agricoles dont l’élevage de poulet, elles ont vu leur mode de production migrer vers un moyen de production assez modernisé à travers l’usage de machines plus adaptées à leurs besoins.

Il y a eu modernisation des moyens de production, sans pour autant couper avec les moyens traditionnels au niveau de la collecte et traitement de certaines plantes, car au final les produits de ce groupement proviennent d’un milieu naturel et sauvage.

Contraintes et moyens de production toujours insuffisants
Convivialité et bonne humeur sont la devise pour ces femmes réunies dans un espace de travail si particulier qui contribue à améliorer leurs conditions matérielles. Une expérience prometteuse qui ouvre la voie vers une meilleure vie pour ces populations éloignées, leur permettant ainsi de sortir de l’exclusion sociale et matérielle.

Chacune des femmes rencontrées a formulé son vœu de pouvoir faire parvenir sa voix sur les contraintes et lacunes dont souffre le groupement afin de voir les conditions de travail s’améliorer. Il s’agit de femmes dépourvues de moyens mais munies d’une grande volonté d’évoluer dans cette expérience de coopérative agricole.

La matière première pour la production, commence par le départ des femmes à la cueillette des plantes et fruits en abondance dans les forêts situées sur les hauteurs généralement difficile d’accès.

En face des dangers qui les guettent dans ces lieux habités par les sangliers et les loups, elles partent, en groupes, sur des distances qui peuvent atteindre les 8 km par jour.

Gestion du Groupement

Un consensus régit la gestion du travail au niveau de la direction de ce groupement et la commercialisation des productions qui se fait directement chez les clients potentiels, notamment auprès les commerçants et agriculteurs et/ou dans le cadre de foires agricoles locales.

Les recettes du groupement sont du ressort de Samira Aloui en charge de toutes les dépenses dans un carnet spécial pour qu’enfin de chaque opération de vente, les gains sont partagés, équitablement, entre les femmes membres.

Les dépenses, notamment l’électricité pour les pépinières de poulets, sont calculées selon les dépenses de chacune et sa contribution au sein du groupement. Selon la gestionnaire du groupement, “pour les deux couveuses, chacune pouvant contenir 370 œufs, les trois réchauds servant à chauffer le poulet qui est commercialisable au bout de trois mois en moyenne, sont énergivores”. Elle dit vouloir les remplacer et opter pour des réchauds à gaz, plus économiques.

Les productions sont commercialisées selon les saisons, sachant que 10% des gains sont consacrés aux dépenses du groupement et 90 PC sont répartis entre femmes membres.

Même s’il n’est pas évident d’évaluer ou de donner un chiffre exact sur les recettes présentées par Samira Aloui, les revenus ne peuvent répondre aux besoins de ces femmes, appelées à payer une cotisation de 15 dinars, frais d’adhésion annuelle.

Ces femmes n’arriveront à assurer l’autonomie financière que par l’existence de plus de moyens de production qui leur permettent de produire encore plus. Un plan de commercialisation de leur production, leur ouvrira la voie pour une meilleure visibilité auprès des tunisiens et pourquoi pas à l’étranger surtout que leurs productions sont extraites de plantes naturelles de qualité, réalisées avec beaucoup de cœur et surtout d’efforts dont les traces sont visibles sur leurs mains abîmées.

Soutien allemand au Groupement agricole “Ech Ezzitoune”

Le Groupement Agricole “Ech Ezzitoune”, un projet piloté par 71 femmes de 5 villages montagneux de Nefza (Beja), est soutenu par l’agence allemande de coopération internationale (Giz) qui œuvre en Tunisie depuis 1975.

“Afin de stabiliser la démocratie tunisienne encore jeune et d’améliorer activement et durablement les conditions de vie des citoyens et citoyennes, la GIZ appuie la Tunisie dans quatre secteurs, en mettant particulièrement l’accent sur le développement des régions rurales”, lit-on sur le site de cet organisme allemand implanté dans les quatre coins du monde, avec un bureau permanent installé en Tunisie depuis 1999 et des bureaux de projets dans la capitale Tunis , Béja, Kairouan, Sidi Bouzid et Sfax.

Le groupement agricole de femmes initié en 2015, s’insère dans le cadre d’un plan de développement agricole encadré par la commission régionale de l’Agriculture, le bureau de GIZ soutien à la femme rurale et l’unité de renseignement agricole dans la délégation de Nefza.

La mise en place effective du groupement n’a eu lieu qu’une année après, en 2016, après aménagement du siège du groupement.

Un long parcours pour ces femmes avant que le groupement n’accède à l’usage de certains moyens modernes de production.

Fin 2017, le groupement s’est vu attribué deux appareils pour le traitement des plantes, don de la compagnie allemande GIZ.

WMC/TAP