C’est autour d’un dîner réunissant le gotha médical de la Tunisie que Karim Ben Dhaou, président de Merck North-West Africa, a célébré, mercredi 4 avril 2018, les 10 ans de la présence de la multinationale pharmaceutique allemande Merck en Tunisie. Un dîner organisé en présence du numéro 1 de la multinationale, le Professeur Frank Stangenberg-Haverkamp, président du Conseil d’administration d’E.Merck KG et président du Conseil d’administration de Merck Foundation. Le groupe Merck, rappelons-le, existe depuis 350 ans.
«Nous fêtons ce soir 10 ans de déploiement africain de notre firme à partir de la Tunisie, a déclaré Karim Ben Dhaou dans son allocution de bienvenue et dans laquelle, il a été bien avisé de rappeler l’histoire centenaire du groupe allemand et lancer une pique en direction de l’establishment entrepreneurial tunisien qui a conservé un modèle de gestion trop désuet pour réussir la préservation de ses intérêts. Un modèle basé sur le passage de la succession des enfants aux petits-enfants. «Et ce même si les enfants ne sont pas les plus brillants, ironise Karim Ben Dhaou. Merck est un modèle car la famille ne gère pas, la famille confie la compagnie à des managers, surveille et réfléchit sur ses orientations stratégiques mais ne transmet pas le flambeau forcément à sa descendance».
Continuez à être curieux
«Le 26 août 1668, mes ancêtres ont créé une pharmacie à Darmstadt, en Allemagne. Elle existe encore. Nous avons toujours, depuis sa création, opté pour l’internationalisation de nos activités. Merck North-West Africa sise en Tunisie nous représente aujourd’hui en Afrique. Mais nous avons des représentations partout dans le monde. Merck emploie 52.000 personnes dont une grande partie en Amérique. Et nos activités se sont développées dans différents domaines, dans la recherche, la science et la technologie, le parapharmaceutique, les sciences de la vie, tout ce dont on a besoin pour la recherche», a révélé le Pr Stangenberg-Haverkamp dans son mot de présentation dans lequel il a insisté sur le fait que sa compagnie ne s’implante pas hors des frontières allemandes pour partir dès que l’un de ses sites internationaux traverse des difficultés ou des crises politiques. Il a cité à ce propos le cas de la Tunisie où la firme a été maintenue et couvre actuellement une grande partie de l’Afrique et a exprimé sa joie de voir que c’est un pays où, aujourd’hui, on s’exprime librement car sans la liberté de penser et de réfléchir, il ne peut y avoir ni développement ni progrès. «Continuez à être curieux», c’est le secret du succès, assure le Numéro 1 de Merck, et c’est aussi le slogan de la firme.
La célébration du 10ème anniversaire de la présence de Merck en Tunisie a été l’occasion pour l’initiateur de son implantation, Karim Ben Dhaou, de relater son histoire. «Je dirigeais les opérations sur l’Afrique à partir de mon bureau bien situé à Genève, et j’ai pensé : je ne suis peut-être pas au bon endroit pour diriger les affaires africaines de Merck de ma belle “Cage en verre“».
Il a réussi à convaincre le Conseil d’administration de la nécessité de changer de lieu et a pu ainsi s’installer en 2008 avec une équipe réduite mais dévouée. «Ma première préoccupation était de trouver une expertise capable de conquérir l’Afrique à partie de la Tunisie et j’ai été agréablement surpris par la qualité, la compétence et l’abnégation des cadres recrutés sur place. Ils étaient engagés et travaillaient entre 12 et 15h/jour, ils acceptaient des conditions de travail difficiles et n’avaient pas forcément les salaires les plus élevés. Mais ils avaient foi en la possibilité de créer, à partir de la Tunisie, une plateforme qui leur permettrait de s’installer ailleurs. Le deuxième point fort, et il n’est pas propre à la Tunisie, est un corps médical fabuleux, intelligent, de haut niveau, cultivé et ouvert. Les deux conditions pour la réussite de la plateforme Tunisie étaient réunies : le niveau scientifique et l’expertise».
«Il ne faut pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis»
Le choix a été porté sur la Tunisie parce qu’à l’époque son code des investissements et services à l’export figuraient parmi les meilleurs dans la région (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui) et une réglementation de change assez souple et fluide.
La stratégie Afrique au sein du groupe a permis, précise Karim Ben Dhaou, de donner de l’importance à l’Afrique «même si en proportions, nous sommes le plus petit marché et extrêmement fragmentés, il y a eu une volonté réelle de la part de notre firme de conforter notre présence sur le continent même si les opportunités offertes par des marchés comme la Chine ou la Russie sont de loin supérieures à celles de l’Afrique. Il y a un côté miroir aux alouettes assez trompeur».
Merck a œuvré pour le développement d’un écosystème médical et pour l’amélioration de la qualité des produits livrés aux patients. «Aujourd’hui enregistrer et mettre sur le marché un produit n’est plus possible, il faut déjà assurer une pharmacovigilance et surveiller la mise du produit sur le marché et la manière dont on en use ou on n’en use pas. Nous avons mis en place ce que nous appelons “programmes d’accompagnements“ en direction des patients gérés par des experts, psychologues et médecins pour soutenir et veiller à ce qu’ils acceptent de prendre régulièrement leurs médicaments et ce n’est pas facile».
Merck s’investit partout dans le monde en tant qu’acteur économique responsable déployant sa stratégie autour de trois axes stratégiques importants : la santé, l’environnement et la culture. Soit la responsabilité sociale des entreprises. «Il ne faut pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis et en tant qu’entreprise qui a vécu 350 ans, nous savons faire ça, nous faisons attention à notre environnement et nous veillons à ne pas créer des déséquilibres».
Depuis plus de 10 ans, Merck est partenaire de l’Organisation mondiale de la santé pour éradiquer la maladie tropicale bilharziose, qui touche près de 260 millions de personnes. L’objectif est l’éradication de cette maladie en Afrique sub-saharienne.
Aujourd’hui, estime Karim Ben Dhaou, il est important, pour garantir le succès de tout traitement médicamenteux, de développer le partenariat entre le corps médical et l’industrie pharmaceutique, c’est régi par des règles très strictes, donc l’interaction est facile et le partenariat aussi. C’est un peu un partenariat public-privé.
Reste que le plus grand et le plus important capital, estime le président de Merck North-West Africa, est celui humain, et ce surtout s’agissant de la gestion de tout ce qui se rapporte à la santé.
Quelle chance d’avoir en tant que site d’implantation en direction de l’Afrique une multinationale aussi importante que Merck et quel malheur de voir nos compétences médicales partir sous d’autres cieux parce qu’elles ne peuvent plus se projeter dans leur pays.
Amel Belhadj Ali