Dans la Tunisie du printemps-hiver arabe, de la Révolution des jasmins toxiques, vit ou plutôt survit un peuple désenchanté, qui a perdu le sourire et a oublié les éclats de rire !
Un peuple qui, dans sa naïveté, a cru avoir initié une révolution, pour réaliser ensuite que tout ce qu’il a vécu n’a été qu’illusion. Révolution avortée ou complot concocté dans des chancelleries étrangères avec pour principaux protagonistes les enfants du pays.
Acteurs d’un grands bouleversement et qui se sont empressés de tout mettre sens dessous/dessus jusqu’à écrire une Constitution destinée à une deuxième République dont nous ne pouvons définir les contours à ce jour.
Une Constitution qui vire au gré des vents des plus puissants à l’ARP. Des fois républicaine, d’autrefois islamo-républico-civile.
En fait, personne n’ose reconnaître que c’est une Constitution bâtarde où l’on trouve un article de loi et son contraire, et où d’instances régulatrices, les hautes instances ont mué ou ont été dévoyées pour devenir les rivales de l’Etat et des entraves à la gestion de ses affaires se mettant au-dessus du pouvoir exécutif et s’accordant toutes les prérogatives. C’est l’Etat dans l’Etat concocté à feux doux par les artisans de la Constituante -majoritairement islamistes.
Ennahdha, avec ses fausses querelles et ses chamailleries factices, reste le parti le plus uni de la place. Les principes de la secte sont appliqués à la lettre -quand on y entre, on n’y sort pas, et dès qu’il s’agit d’engagements sérieux touchant aux intérêts de la confrérie, les disputes publiques laissent place à une solidarité que rien ne vient altérer !
Nidaa Tounes, qu’en reste-t-il ? A part la forte déception de ceux et celles qui y ont cru et qui l’ont mené là où il est aujourd’hui ! Un parti où les compétences ont laissé place aux courtisans et aux mercenaires politiciens. Et alors que l’on fait tout pour montrer qu’il est en train de retrouver ses couleurs et ses valeurs, voilà que la belle devise tunisienne, choisie en tant que slogan des municipales «Eddar El Kbira», a été dénaturée par une affiche où l’on voit une pseudo-starlette aux épaules dénudées inviter les Tunisiens à entrer à la «Grande maison» ! Est-ce le bon moyen de susciter de nouveau l’intérêt des électeurs dégoûtés de la politique et des partis pour des municipales en relation étroite avec leur quotidien et le moyen d’améliorer leur qualité de vie ?
Les décideurs du parti, fort avisés, ont peut-être cru bon de mettre en avant la dimension «racolage» (excusez le terme), pour ajouter un peu de piment à une campagne qui ne les place pas au premier rang parmi les listes gagnantes.
Au parti Afek Tounes, les membres de Tunis II démissionnent, ils ne supportent plus l’autoritarisme des dirigeants !
Un des partis que nous croyions destiné à un grand avenir, en l’occurrence Afek, vit des crises à répétition. Dernière nouvelle : la démission des membres de Tunis II qui n’arrivent plus à supporter l’autoritarisme du président du parti, selon le communiqué des démissionnaires publié dimanche 8 avril. Un communiqué où on dénonce l’inexistence de rapports de confiance et l’incapacité des membres du bureau de Tunis II à être agissants et efficients politiquement.
Ils l’expliquent par les fausses allégeances, le favoritisme et le clientélisme érigés en nouvelle échelle de «valeurs» (sic) dans un environnement infecté par l’injustice, les faux calculs politiciens et dans lequel évolue un petit groupuscule qui s’est accordé tous les droits et s’est donné tous les privilèges.
Waw ! Nous ne sommes pas aussi loin que nous le pensions de l’ère Ben Ali !
Ainsi, plus de 7 ans après 2011, les Tunisiens se retrouvent face à des mercenaires de la politique, des partis sectes et d’autres gérés par les maîtres des lieux comme des sociétés à responsabilités limitées. Des sociétés limitées à tel point que réduites à l’égo de dirigeants uniques, lesquels deviennent, du coup, iniques. C’est pourtant le prétexte qu’ont invoqué les élites du pays pour «dégager» du pays un certain Ben Ali jugé trop dictateur et oppresseur pour continuer à diriger le pays et brimer les démocrates !
Plus de 7 années pour prouver au peuple que même si Ben Ali ne valait rien, ceux qui lui ont succédé ne valent pas la Tunisie. De l’international, nous avons vu affluer Turcs et Qataris intervenant dans nos affaires internes et même des étudiants du parti palestinien des Frères musulmans, le Hamas, dont nous ne savons rien aujourd’hui. Sont-ils rentrés à Gaza ? Ont-ils terminé leurs études ? Ou sont-ils restés dans notre pays pour pratiquer leur sport favori : la construction des tunnels dans les montagnes et les régions transfrontalières ? La question mérite d’être évoquée !
Sur le plan social, voilà que le pays, spolié jusqu’à la moelle à l’ère de la Troïka et affaibli économiquement par trop de grèves et de blocages de centres de production fondamentaux pour ses équilibres économiques et budgétaires, est aujourd’hui incapable d’honorer ses engagements envers une population des plus vulnérables : les retraités.
Coup de gueule d’Ezzeddine Zayani, ancien haut commis de l’Etat, diplômé de l’Institut des Sciences politiques de Paris et consultant international dans un post publié sur FB : «L’argent du retraité c’est l’épargne de toute une vie de labeur confiée à une institution reconnue par l’Etat pour bien le gérer dans la transparence. Le tripoter contre le propre gré du dépositaire est illégal. C’est comme une banque qui dérobe les économies de ses clients. Foutez la paix aux retraités et débrouillez-vous pour trouver des solutions aux problèmes que vous avez créés par votre laxisme et votre incompétence. Ayez le courage d’assumer, pour une fois, vos responsabilités. Les bailleurs de fonds vous observent et n’apprécieront sûrement pas cette main basse sur les économies des Tunisiens qui souhaitent vivre dignement».
Il est relayé par une autre retraitée, W.B, qui accuse : «Les Nekbistes (nahdha) les nidaistes -gouvernement et chef suprême compris- se sont ligués contre le peuple, et le peuple dort en attendant des jours meilleurs. Les Tunisiens, en restant passifs, doivent s’attendre à des jours plus sombres qu’une nuit d’hiver et ce jour-là, ils pourront pleurer toutes les larmes de leurs corps mais il sera malheureusement trop tard. Leurs enfants leur reprocheront de ne pas les avoir protégés ainsi que le pays des chacals».
Et Ezzeddine Zayani de rappeler que dans les années 90, et pour faire face à une crise financière et à la baisse des réserves en devises, le gouvernement tunisien ne s’était pas acharné sur les économies des retraités, une frange de la population tunisienne dont le seul revenu pour beaucoup est leur pension. Ben Ali, le président déchu, et malgré les dérives de son régime, avait des collaborateurs de haut rang qui pensaient tunisien et pour la Tunisie. «Je me rappelle des instructions données pour que le ministère des Affaires étrangères entre en contact avec le fonds de l’ONU en charge de la gestion des pensions du personnel onusien. Le fonds accordait à l’époque des prêts à des taux plus avantageux que ceux pratiqués par les organismes financiers internationaux et quelques pays. Moralité de l’histoire : le gouvernement ne doit pas traire les seuls retraités et salariés et leur faire porter le chapeau de son incompétence».
Mais, s’il ne s’agit que des retraites… Aujourd’hui, le pays souffre des caisses sociales en faillite, de l’incapacité de l’Etat à entamer les réformes et à appliquer la loi pour faire barrage à toutes sortes d’abus, des mouvements sociaux sauvages, des mafias des partis et des nouveaux lobbys financiers et affairistes post-14 janvier 2011 prêts à tout pour préserver leurs intérêts.
Une prise de conscience générale de tous les pans du peuple tunisien, de toutes les régions pour sauver ce qui reste à sauver, il n’y a que cela de vrai. La Tunisie a besoin d’un sursaut populaire !
«Quand je vois celui qui a bousillé mon pays marcher aux côtés du président de la République comme si celle-ci était devenue bicéphale. Quand je trouve des produits turcs dans les magasins tunisiens malgré la crise économique et financière qui secoue le pays. Quand je constate que les réformes demeurent encore au stade des slogans et embellissent les panneaux publicitaires sans plus. Quand on fait main basse sur les économies des retraités et quand je suis persuadé que l’on va au casse-pipe avec des élections municipales données acquises au mouvement politique qui a démoli mon pays, je ne peux que prendre mes distances», s’inquiète Ezzeddine Zayani.
Le plus malheureux est qu’un grand pan de la population tunisienne, cette majorité silencieuse le pense aussi même s’il y a une minorité qui crie tellement fort qu’elle étouffe toutes les voix déçues, frustrées et contrariées par l’état dans lequel on a mis la Tunisie et qui n’a rien à voir avec les transitions politiques et économiques connues par d’autres pays dans le monde.
Dans le nôtre, tout sonne faux, dixit Ezzeddine Zayani.
Amel Belhadj Ali