La Tunisie doit avoir une vision claire de l’évolution de son agriculture, au demeurant absente jusqu’à présent, pour que ce secteur puisse tirer le meilleur profit d’un accord possible avec l’Union européenne dans le cadre de l’ALECA (Accord de libre-échange complet et approfondi).
C’est ce qui ressort d’une table ronde organisée mardi 10 avril à Gammarth sur cette question par MDI (Mediterranean développement initiative), en collaboration avec le Synagri (Syndicat des agriculteurs de Tunisie) et la Fondation allemande Konrad Adenauer Stiftun.
Pour l’ancien commissaire européen à l’agriculture et ex-premier ministre de Roumanie, Dacian Ciolos, ces négociations constituent un moment de vérité pendant lequel le pays fixe les choix des secteurs et le rythme des négociations, ce qui nécessite une bonne préparation avec la réalisation d’études d’impact sur la société et sur le territoire.
Dacian Ciolos estime également nécessaire de répondre aux questions suivantes: quel modèle d’agriculture doit viser la Tunisie, d’ici 15 ou 20 ans? Quelles sont les filières et les structures à protéger? Quels types d’assistance financière faut-il demander pour 5 ou 10 ans? Quels sont les marchés cibles pour les produits tunisiens?
Le président de MDI, Ghazi Ben Ahmed, a affirmé de son côté qu’un débat constructif et scientifique sur cette question doit avoir lieu, estimant qu”‘ALECA ou pas, il est nécessaire de réformer l’agriculture tunisienne”.
Abondant dans le même sens, le président du Synagri, Karim Daoud, a souligné que ce secteur a besoin de se moderniser. Il a rappelé qu'”un round des négociations de l’ALECA est déjà passé, alors qu’on ne s’est pas encore mis au travail”, d’où la nécessité de travailler ensemble (gouvernement et structures professionnelles), pour bien préparer ces négociations.
Il pense que ce dossier nécessite du courage et de l’audace de la part des politiques, mettant l’accent sur l’importance d’associer les professionnels au processus de négociation, de leur donner une information correcte et de sensibiliser les petits agriculteurs à ce sujet.
Daoud souhaite voir l’agriculture tunisienne bénéficier des mêmes avantages et du même soutien technique et financier consenti par l’UE au profit des pays de l’Europe de l’Est.
Dans son intervention, le directeur général au ministère de l’Agriculture, Abdelhamid Gasmi, a fait savoir que les négociations sur l’ALECA, dont le 2ème round est prévu du 24 au 26 avril à Tunis, se pencheront sur les paramètres de négociations et tiendront compte de l’asymétrie et de la progressivité, des barrières tarifaires et non tarifaires et des aspects sanitaires et phytosanitaires.
La Tunisie a demandé et demande toujours des mesures d’accompagnement, a-t-il dit, ajoutant que la phase transitoire doit durer plus de 10 ans.
Par ailleurs, le volet agricole a été confronté, lors des accords précédents avec l’UE, à des problèmes liés à la difficulté de réaliser certains quotas prévus, à l’exception de l’huile d’olive et des sardines. Les raisons étant la variabilité de la production agricole, un calendrier contraignant, et à des prix d’entrée élevé au marché européen, par rapport à d’autres concurrents, dans des secteurs tels que les fleurs coupées et les oranges fraîches dont la quantité exportée n’a jamais dépassé les 43% du quota, a-t-il indiqué.
En ce qui concerne le nouveau round de négociations sur l’ALECA, des études sur les secteurs des agrumes et du lait, sont en cours.
Pour ce responsable, le secteur agricole doit avoir sa propre vision, laquelle doit être adaptée aux autres politiques (industrielle et autres) du pays et à ses engagements avec les organisations internationales telles que l’OMC.
“L’activité agricole demeure peu attractive pour les Tunisiens, en raison d’une rentabilité en régression, puisque les revenus sont en baisse, particulièrement dans les petites exploitations agricoles”.
A cet égard, un programme d’amélioration de la viabilité de l’agriculture a été établi et portera sur la restructuration des filières et financière, la relance de l’investissement, un programme de modernisation de 20 mille exploitations agricoles et la révision de la gouvernance du secteur.