Président du Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF) depuis un an et demi, Kamel Ayadi peut mesurer le progrès accompli –ou pas, selon les cas- dans la conversion des organismes publics à la bonne gouvernance. Il l’a fait, avec ses services bien sûr –«c’est un travail collectif»-, insiste-t-il, et a consigné les conclusions de cette radioscopie dans le rapport 2016-2017 du HCCAF, présenté à la presse mercredi 11 avril 2017.
Il en ressort ceci : 98 rapports de contrôle ont fait l’objet d’un suivi –qui est allé à son terme dans 17 cas, et 10 traités dans le cadre d’un «suivi de proximité»-, 4.039 défaillances ont été dévoilées, 2.730 corrigées –soit un taux de rectification de 68%.
Le suivi des rapports de la Cour des comptes et des trois instances de contrôle public a révélé des défaillances dans cinq domaines
Le suivi des rapports de la Cour des comptes et des trois instances de contrôle public –le Corps de contrôle général des services publics (CGSP), le Contrôle général des finances (CGF) et le Contrôle général des domaines de l’Etat- a révélé des défaillances dans cinq domaines : organisation et systèmes d’information, gestion des ressources humaines, recouvrement et récupération de ressources financières dues, gestion des achats et gestion des biens.
Les infractions et défaillances dans ces domaines vont de l’absence d’organigrammes et de systèmes d’information –ou, dans ce dernier cas, leur non-intégration-, au non-respect des procédures en matière de recrutement, et à l’octroi de certains avantages financiers et matériels de manière indue, à l’insuffisance des efforts en matière de recouvrement, en passant par la gestion des achats –où le contrôle a également dévoilé le non-respect des procédures- à l’absence d’archives des biens appartenant à divers organismes étatiques.
Bien que les missions de suivi par le HCCAF aient mis en exergue un –léger- mieux en matière de gouvernance des institutions, entreprises et organismes publics, son président garde les pieds sur terre. Et n’hésite pas à pointer du doigt les nombreuses lacunes qui restent à combler.
Nous avons une approche dogmatique et sociétale de la corruption, alors que nous devons l’appréhender de manière économique, donc raisonnée
«Les infractions en matière de gestion publique restent nombreuses», souligne le président du HCCAF. C’est pour cette raison que, tout en préparant un rapport sur la réforme du système de contrôle –incontournable à ses yeux- qui devrait en consolider les moyens et étendre le périmètre, Kamel Ayadi appelle de ses vœux deux changements majeurs. Le premier au niveau de la mentalité, c’est-à-dire de la manière dont la société en général perçoit la problématique de la corruption. «Nous avons de ce phénomène une approche dogmatique et sociétale, alors que nous devons l’appréhender de manière économique, donc raisonnée».
Une vraie politique de lutte contre la corruption nécessite d’avoir une approche préventive. Or, nous n’en avons pas
De même, «nous privilégions l’investigation au détriment du contrôle qui est plus global».
Des deux manières de combattre la corruption, la coercition et la prévention, «nous accordons plus d’importance» à la première au détriment de la seconde, estime le président du HCCAF. «Une vraie politique de lutte contre la corruption nécessite d’avoir une approche préventive. Or, nous n’en avons pas», tranche M. Ayadi.