La manière dont le ministère de la Santé publique a géré cette affaire tend à accréditer l’idée que le P-DG sortant de la PCT (Pharmacie centrale de Tunisie) a été démis parce que coupable de malversations. Or, un rapport du Comité général des finances (ministère des Finances), datant de novembre 2017, impute ces actes, et plus généralement tous les maux de la PCT, à ses prédécesseurs.

Président-directeur général de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT) depuis près d’un an et demi, Moez Lidinallah Mokaddem a été limogé de son poste jeudi 12 avril 2018. A la différence de la plupart des passages de témoin à la tête d’entreprises et d’organismes publics, qui se déroulent pratiquement sans que les Tunisiens s’en aperçoivent, celui-ci retient l’attention et suscite des interrogations. Pour la simple raison que ce dossier a été géré par le ministère de la Santé publique d’une manière étrange et pas conforme aux procédures présidant d’habitude à ce genre d’événement.

Des bizarreries…

La principale anomalie dans cette affaire tient à la manière dont le limogeage de M. Mokadem a été annoncé. Normalement, c’est au ministère de tutelle, en l’occurrence celui de la Santé publique, que revient la tâche de rendre publique cette décision. Or, on ne trouve nulle part trace d’un communiqué de ce département se rapportant à cette affaire.

En fait, l’information concernant le limogeage du P-DG sortant de la Pharmacie centrale a été dévoilé –dans une déclaration à un journal de la place- par le secrétaire général du syndicat de base de la PCT, Sofiane Dellagi.

Cette annonce est confirmée, dès le lendemain, par Imed Hammami, ministre de la Santé publique, une déclaration à Mosaïque FM. Et le même jour, la page facebook du ministère en a fait état, indirectement, en publiant un compte rendu de la cérémonie de passation entre le P-DG sortant et son successeur ; cérémonie que le ministre de la Santé publique s’est abstenu de présider en déléguant la tâche au directeur général de l’Unité de suivi des entreprises publiques ne revêtant pas un caractère administratif et des établissements publics au ministère de la Santé. Ceci pour la forme.

Sur le fond, le plus étonnant dans cette affaire réside dans le message véhiculé à la fois par ce département, le ministre lui-même et le secrétaire général du syndicat de la PCT. Leurs déclarations vont dans le même sens et tendent, de manière insidieuse, à imposer l’idée que M. Mokadem a été limogé parce que coupable de malversations.

Moez Lidinallah Mokadem est-il réellement coupable ?

Sofiane Dellagi, d’abord. Dans une déclaration à Akher Khabar Online, jeudi 12 avril 2018, a indiqué que cette décision vient suite aux suspicions de corruption entourant actuellement la Pharmacie centrale, ainsi qu’à la pénurie et à la perturbation de distribution de certains médicaments.

Le ministre, ensuite. Le lendemain, vendredi 13 avril 2018, Imed Hammami abonde dans le même sens que le secrétaire du syndicat de la PCT en annonçant qu’un audit est en train d’être réalisé «sur une suspicion de corruption au sein de la Pharmacie centrale de Tunisie (PCT)”.

Intervenant vingt-quatre heures après le limogeage du pdg, cette déclaration ne pouvait pas ne pas désigner ce dernier comme coupable des actes pointés du doigt par le ministre.

Enfin, le ministère de la Santé. En effet, la manière dont sa page Facebook a couvert cet événement accrédite aussi cette lecture. Alors qu’elle s’est abstenu d’annoncer le limogeage du P-DG sortant de la PCT, cette page a, dans son compte rendu de la cérémonie de passation entre le P-DG sortant et son successeur, détaillé les qualités de ce dernier en réussissant le tour de force de ne pas citer le nom de Moez Lidinallah Mokadem, ne serait-ce qu’une fois. Un comportement plutôt bizarre.

Des explications du ministère de la Santé ?

En tout cas, le ministre de la Santé publique va devoir s’expliquer bientôt sur les raisons du limogeage du P-DG de la PCT, puisque, selon nos informations, des députés membres de la Commission de la santé de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) entendent lui adresser une question écrite.

Mais, et c’est le plus important dans cette affaire, le P-DG sortant de la PCT est-il coupable de malversations, comme l’insinue le ministre ? Des sources proches du dossier assurent que non. Plus important encore, le rapport du Comité général des finances (CGF) au ministère des Finances, remis en novembre 2017, -et dont nous avons pu prendre connaissance- relève certes des actes de gestion violant des procédures en vigueur de la Pharmacie centrale de Tunisie. Mais tous ont eu lieu avant novembre 2016, date de la prise de fonction de Moez Lidinallah Mokadem.