Devenir propriétaire de son logement, la plupart des Tunisiens en ont envie. Mais, ce rêve devient de plus en plus inaccessible pour les ménages les moins nantis, parce que les prix des logements sont en perpétuelle augmentation et deviennent hors de portée.
Les panélistes qui intervenaient, jeudi 10 mai, au premier panel de la 4ème Journée nationale de promotion immobilière, sont conscients de cette réalité. Cependant, ils estiment qu’il faut trouver, d’abord, des solutions à la crise du secteur de la promotion immobilière.
Parmi ces solutions, ils préconisent l’ouverture effective de la voie aux étrangers pour acquérir des biens fonciers en Tunisie et l’élimination de l’autorisation du gouverneur à laquelle ils sont soumis, pour pouvoir enregistrer leurs biens dans le registre foncier, outre la révision de l’ensemble des réglementations régissant le secteur.
La promotion immobilière est un secteur à effet d’entraînement et si ces problèmes sont résolus, on pourra résoudre tout le reste, pensent la plupart des intervenants à ce panel.
En effet, il existe déjà des conventions avec la Libye et l’Algérie depuis les années 60, qui portent sur le droit à la propriété privée. Mais ces conventions n’ont été appliquées qu’à partir de 2015 et encore à des conditions.
Maître Donia Hedda Ellouze, avocate à la Cour de cassation, est revenue, quant à elle, sur la question des autorisations auxquelles sont soumis les étrangers pour acquérir des biens fonciers en Tunisie.
“Les étrangers sont soumis à une double peine, parce qu’ils sont soumis à des autorisations lors de l’achat mais aussi au moment de la vente de leurs biens”, a-t-elle dit, recommandant de suivre l’exemple d’autres pays qui ont ouvert leurs marchés immobiliers aux étrangers comme l’Espagne et le Portugal, et de faciliter les procédures d’acquisition de biens fonciers comme au Maroc, par exemple.
“L’exemple du Maroc est très perceptible à travers la ville de Marrakech, dont la plupart des résidences et logements sont acquis par les étrangers, ce qui lui a valu une réputation internationale”, a indiqué Ellouze.
“Je ne pense pas qu’il y aura un impact sur le citoyen tunisien, je pense que c’est seulement une question psychologique”, dit-elle.
En effet, la question d’accès des étrangers aux biens fonciers en Tunisie avait déjà fait polémique dans le pays. L’association Forza Tounes avait saisi le Tribunal administratif pour suspendre l’application de la note de la Conservation de la propriété foncière n°28, datée de décembre 2016 relative à l’enregistrement des biens immobiliers acquis par des Libyens sur le territoire tunisien. D’après l’association, cette décision générera une surévaluation des biens immobiliers, qui seront désormais hors de portée des Tunisiens, confrontés à une crise économique aiguë.
Le promoteur immobilier Karim Rouissi a reconnu que le logement, qui est une priorité psychologique pour le citoyen tunisien, est devenu une priorité reportée en raison du budget “épuisé” des Tunisiens, en particulier ceux aux faibles et moyens revenus.
“L’Etat a pensé au “premier logement” comme solution, mais quelques mois après, il a taxé le secteur par 13% de TVA sur les logements à usage d’habitation. C’est une aberration pour le promoteur immobilier et le citoyen à la fois. La mesure du premier logement s’est avérée inefficace au vu du nombre des logements jusqu’ici vacants”, a-t-il dit, appelant à revoir ces mesures et à bien étudier la “psychologie du consommateur”.
De l’avis d’un banquier, Hamdi Hmaydache, directeur de la promotion immobilière à la Banque de l’Habitat (BH), il n’y a pas une baisse énorme des crédits d’habitat. Les banques continuent de financer les projets immobiliers rentables, elles suivent les évolutions du secteur et il faut attendre jusqu’à juin pour pouvoir mesurer les effets des nouvelles mesures de la loi de finances sur le financement des logements, a-t-il souligné.
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Amel Ben Rahal, directrice générale de la stabilité financière et prévention du Risque à la BCT (Banque centrale de Tunisie) a évoqué la question du financement “qui suit l’évolution du secteur et tient compte des risques d’impayés”.
“Les banques deviennent réticentes à financer parce que le taux d’impayés du secteur a augmenté. en 2017 ce taux a dépassé la moyenne”, a déclaré la responsable, citant l’exemple de la crise des subprime aux USA et qui incite à repenser le financement à 100% et à réguler les financements pour réduire les risque bancaires et éviter le surendettement.
Le secteur de la promotion immobilière pourrait trouver la solution dans le digital, estime, pour sa part, Yassir Ismaili, responsable à Tayara.Pro.
Ismaili estime qu’il est temps de développer une stratégie digitale de commercialisation de l’offre immobilière.
“Le digital est aujourd’hui un moyen d’aller vers le consommateur, qui se trouve, désormais, en ligne”, a préconisé le responsable.