“La communauté monétaire et financière tunisienne est convaincue que la nouvelle technologie Blockchain constitue une source de croissance pour la Tunisie et pour toute l’Afrique”. C’est en tout cas ce qu’a affirmé, lundi 14 mai à Tunis, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane El Abassi, à l’ouverture de l’”Africa Blockchain Summit”, organisé par l’Institut d’émission et Paris EUROPLACE, avec le soutien technique du Groupe Talan.
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle.
El Abassi a souligné que “le continent africain est indéniablement celui qui pourrait le plus bénéficier de cette technologie. Car les pays africains et arabes font face à des challenges communs, à savoir une inclusion financière faible, un secteur informel très étendu -puisque la dernière étude réalisée par le BIT (Bureau international du travail) montre que plus de 85% de l’emploi en Afrique est informel, alors qu’en Tunisie ce taux est de 58%-, un taux de chômage élevé -notamment chez les femmes, les jeunes et les diplômés de l’enseignement supérieur-, une insuffisance de garanties de prêts, un déficit en infrastructures et une expansion démographique importante”.
Anticipation économique par la technologie Blockchain
Face à ces défis, “la technologie Blockchain peut aider nos pays à accélérer leur émancipation économique et pérenniser leur autonomie. Au-delà de l’aspect monétaire, cette technologie peut ouvrir des portes aux entrepreneurs, en proposant d’innombrables solutions reposant sur des protocoles fiables, sécurisés et transparents”, a-t-il encore estimé.
Cependant El Abassi n’a pas manqué de souligner les entraves au développement de la technologie Blockchain, entre autres “la faible connectivité en Afrique”. La deuxième selon lui a trait au fait que les applications Blockchain offrent des solutions nécessitant un changement important voire une rupture complète avec les systèmes existants.
Et le gouverneur de la BCT d’estimer que “pour conduire ce changement, les institutions financières et l’ensemble de l’écosystème doivent se préparer à la transition”.
Ensuite, il pense que “le troisième défi dépend des autorités publiques qui, dit-il, devront légiférer, imposer et faire appliquer des lois pour permettre aux entrepreneurs d’opérer à l’échelle mondiale, et d’avoir les mêmes armes que leurs concurrents, à l’échelle internationale”.
Lutter contre la fuite des cerveaux
El Abassi considère, en outre, nécessaire “d’encourager le développement de ces technologies, tout en assurant le respect des règles financières, la protection du consommateur et de ses données personnelles, la stabilité financière et la lutte contre le blanchiment d’argent”.
Ce n’est pas tout, le gouverneur de la BCT plaide aussi pour “la mise en place d’une réglementation adaptée comme catalyseur de l’innovation et de lutter contre la fuite des cerveaux qui privent les pays arabes et africains de leurs meilleures compétences”.
Nouvelles technologies financières et impact positif sur l’inclusion financière
De son côté, le directeur général et président du Conseil d’administration du Fonds monétaire arabe, Abdel Rahman El Hamidi, a souligné l’opportunité pour les pays arabes et africains de favoriser le développement des nouvelles technologies financières qui auront, selon lui, un impact important en matière d’inclusion financière, d’accès aux services financiers pour ceux qui en sont privés aujourd’hui, de maîtrise des coûts financiers pour les institutions financières et de financement de l’économie.
Il a, cependant, mis en garde contre les éventuels risques que pourrait générer cette technologie d’apparition récente et dont les contours juridiques et légaux ne sont encore pas bien tracés, dont les menaces sur la protection des données personnelles et les attaques cybernétiques.
Appréhender et maîtriser la technologie Blockchain
Pour sa part, le secrétaire général de Paris Europlace, Alain Pithon, a souligné que “cet événement s’inscrit dans une dynamique internationale qui vise à appréhender et maîtriser la technologie Blockchain, sujet dans lequel Paris Europlace est très impliquée tant en France qu’à l’internationale”.
Il a aussi formulé le souhait de “pouvoir s’appuyer sur la relation privilégiée avec la place financière de Tunis pour mener des projets communs en direction de l’Afrique et de la région MENA”.
Il est à noter que l’Africa Blockchain Summit est destiné à appréhender l’impact de la technologie des registres distribués sur la finance africaine et des pays émergents.
Cette initiative ambitionne de contribuer aux réflexions et travaux en cours au niveau mondial sur la Blockchain, et proposer, dans une perspective régionale, une grille d’analyse et de compréhension de cette technologie.
L’événement sera aussi l’occasion de la publication d’un livre blanc qui proposera une vision commune de la manière avec laquelle les Banques centrales de la région aborderont les défis soulevés par la Blockchain pour instaurer un cadre réglementaire adéquat qui améliore la sécurité et l’efficience des marchés financiers.