Limogé le 12 avril 2018, le P-DG sortant de la Pharmacie Centrale de Tunisie a pourtant commencé à faire du bon travail pour améliorer l’organisation et le fonctionnement de cette structure et, par conséquent, y réduire le risque de corruption.
Nommé le 8 novembre 2016 président-directeur général de la Pharmacie Centrale de Tunisie (PCT), Moez Lidinallah Mokaddem a été limogé par le ministre de la Santé, Imed Hammami, le 12 avril 2018. Soit au bout de seulement dix-huit mois. De surcroît cette mise à l’écart a été faite de manière tapageuse et politiquement incorrecte.
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Grosse pointure de la fonction publique (chef de cabinet de trois ministres –Chiheb Ben Ahmed, Kamel Ayadi puis Abid Briki puis P-DG de la Société du réseau ferroviaire rapide de Tunis), M. Mokaddem a en effet été débarqué comme un mal propre. Le ministre de la Santé avait alors motivé sa décision par le fait qu’elle «vise à conférer plus d’efficacité et de gouvernance dans le processus de gestion de la Pharmacie centrale et de donner un nouveau souffle à cette institution afin qu’elle réponde aux attentes des Tunisiens».
Il avait ajouté que «tous les efforts se conjuguent afin de lutter contre la corruption au sein du ministère et dans toutes les institutions qui en relèvent, y compris la Pharmacie centrale», et que «tous les dossiers de corruption sont soumis à la justice».
Se défendant de vouloir «diffamer les gens», Imed Hammami avait affirmé pouvoir confirmer «l’existence d’un grand dossier de corruption au sein de la pharmacie centrale”, selon un site web de la place.
Lire l’article: Imed Hammami : Il existe un grand dossier de corruption au sein de la Pharmacie centrale
Toutefois, l’ancien porte-parole d’Ennahdha avait jeté ce pavé dans la marre sans préciser à quand remonte ce dossier de corruption. Ce qui, inévitablement, désigne par défaut Moez Lidinallah Mokaddem comme le coupable. Or, il se trouve que le dossier de corruption auquel fait allusion le ministre est imputable à l’un des prédécesseurs du P-DG sortant, comme le prouve le rapport d’une commission d’enquête qui a travaillé pendant près de deux ans sur ce dossier (on en présentera le contenu ultérieurement).
Donc, si le P-DG démis de la PCT n’est pas le ripou que suggère le ministre de la Santé, a-t-il été débarqué pour incompétence ? Là aussi, les faits apportent un cinglant démenti à Imed Hammami, puisqu’en un an et demi M. Mokaddem a eu le temps de diagnostiquer les maux de l’entreprise qu’il a dirigée et de commencer à y apporter les remèdes adéquats.
Porteur du «virus» de la lutte contre la corruption, contracté au ministère de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la lutte contre la Corruption, M. Mokaddem a lancé rapidement trois chantiers pour la transformation de la PCT : la gouvernance interne, la transparence et l’accès à l’information et la digitalisation. «Nous voulions jouer la transparence car nous n’avions rien à cacher», explique l’ancien P-DG.
La gouvernance interne, d’abord. Dans ce domaine, le jeune P-DG a mobilisé ses équipes sur l’élaboration d’un manuel d’achat des médicaments. La Pharmacie centrale achète tous les ans pour 1,2 milliard de dinars de médicaments, dont près de 20% par voie de marchés publics. Or, la manière dont ces marchés étaient gérés avant l’arrivée de M. Mokaddem laissait la porte grande ouverte à des manipulations destinées à favoriser un fournisseur au détriment d’autres.
En particulier, les dates des réunions de la commission d’achat des médicaments n’étant pas connues à l’avance, le dossier d’un fournisseur pouvait être bloqué ou retardé pour permettre à celui d’un autre de passer. Désormais cela n’est plus possible car les réunions de la commission sont aujourd’hui annoncés 15 jours à l’avance et «on peut en obtenir l’ordre du jour à la demande», indique M. Mokaddem. Donc, «il n’y a plus de possibilité de manipulation et on peut porter plainte le cas échéant».
La transparence et l’accès à l’information, ensuite. La PCT a signé –sans attendre le feu vert du ministre de la Santé publique, précise l’ancien P-DG-, avec l’Association tunisienne des contrôleurs publics une convention pour la mise en place d’un portail open data.
La digitalisation, enfin. Et pour Moez Lidinallah Mokaddem, c’était «le chantier le plus important», car il devait permettre «de réduire le risque de corruption en réduisant l’intervention humaine dans la gestion des stocks. Pour ce faire, une application permettant de monitorer en temps réel l’état des stocks de médicaments dans les hôpitaux et la PCT a été développée par le Centre informatique du ministère de la Santé.
Objectif : empêcher à l’avenir le sur-stockage, les ruptures et la surconsommation. Ceci dans le secteur public.
Mais le P-DG sortant a aussi cherché à mettre de l’ordre dans les relations de la Pharmacie centrale avec le secteur privé.
Pour empêcher d’éventuelles manœuvres frauduleuses sur les médicaments compensés, Moez Lidinallah Mokaddem a conditionné l’accès des grossistes-répartiteurs à ces produits à l’adoption de la facturation électronique. Ce système a été mis en place en collaboration avec Tunisie TradeNet et la première facture électronique a été émise le 1er mars 2018.
Grâce à un code, la Pharmacie centrale connaît désormais le stock des grossistes-répartiteurs et de tous les pharmaciens affiliés et peut détecter d’éventuelles ventes sur le marché parallèle.
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