L’égalité totale dans l’héritage entre l’homme et la femme d’une part, et entre les enfants légitimes et naturels d’autre part, ainsi que l’égalité dans l’attribution de la nationalité et le choix du nom de famille, outre l’annulation de la peine de mort et l’incrimination de l’appel au suicide sont les principales recommandations inscrites dans le rapport de la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) publié mardi 12 juin 2018 sur le site officiel de la Commission; rapport qui avait été présenté le 8 au président de la République.
Réalisé par des juristes, des anthropologues de religion et des islamologues, ce rapport est mis en ligne pour instaurer un débat de société sur la question des libertés individuelles et l’égalité du genre qui sont “une condition fondamentale de la démocratie”, selon Ikbel El Gharbi, anthropologue de religion et membre de la commission.
“Il n’y a pas de possibilité de progrès sans les libertés individuelles et sans égalité”, a-t-elle souligné dans une déclaration à l’agence TAP, indiquant que la commission, composée de 9 membres, a fait le bilan de l’arsenal juridique existant et a présenté des recommandations visant à renforcer les libertés individuelles et l’égalité du genre.
Composé de 235 pages, le rapport comporte deux grandes parties l’une sur les droits et les libertés individuelles, l’autre sur l’égalité.
Deux projets de loi sont proposés dans le cadre de ce rapport: une loi organique relative au Code des droits et des libertés individuelles, et une loi organique relative à la lutte contre la discrimination à l’égard de la femme et entre les enfants.
Le premier projet de loi relatif aux droits et libertés individuelles souligne la nécessité d’annuler la peine de mort et de consacrer le droit à la vie, à la dignité, à l’intégrité physique, à la sécurité et à la liberté de pensée, de conscience et de religion, au droit à la vie privée (la vie émotionnelle, corporelle familiale et sociale), la confidentialité des correspondances et autres.
Ce projet de loi incrimine la discrimination et l’appel au suicide et stipule l’annulation du contrôle des productions artistiques et culturelles et de la circulaire portant sur la fermeture des cafés pendant le mois de ramadan.
Le deuxième projet relatif à la lutte contre la discrimination à l’égard des femmes et entre les enfants comporte des articles qui concernent la femme et la famille d’une manière générale.
Il est divisé en deux parties, la première concerne l’égalité entre l’homme et la femme, tandis que la deuxième concerne l’égalité entre les enfants.
La première partie stipule la nécessité de garantir l’égalité dans le Code de la nationalité en donnant, par exemple, le droit à la nationalité tunisienne à tout enfant né en Tunisie et ayant une grand-mère paternelle de nationalité tunisienne ou une mère ou des grands-parents maternels de nationalité tunisienne.
Le projet de loi recommande, en outre, l’annulation de la dot, la non-discrimination entre les parents dans le consentement de mariage au mineur limité actuellement au père (article 8 du Code du statut personnel).
Il s’agit également d’annuler les délais de viduité de manière progressive et de revoir l’article 23 du CSP (Les deux époux doivent remplir leurs devoirs conjugaux conformément aux usages et à la coutume) en supprimant les termes “usages” et “coutumes”, qui représentent, selon le rapport, un danger; mais aussi l’expression “le père en tant que chef de famille” pour garantir l’égalité entre les époux.
Il est aussi suggéré d’amender l’article 38 du CSP (Le mari doit des aliments à la femme après la consommation du mariage et durant le délai de viduité en cas de divorce) pour ajouter “sauf si elle dispose d’une entrée d’argent”. Ainsi, le droit de la femme aux aliments ne sera plus automatique surtout si elle a une entrée d’argent fixe, elle doit dépenser pour faire vivre ses enfants.
Selon le rapport, pour réaliser l’égalité totale, il convient également d’attribuer le nom de famille maternel ou paternel à l’enfant ou les deux ensembles.
S’agissant de la loi successorale, le rapport met l’accent sur l’importance de lancer une nouvelle initiative pour amender cette loi et recommande la nécessité de consacrer l’égalité totale dans l’héritage.
Le principe serait l’égalité, l’exception serait de donner le droit au successeur de signer un testament pour maintenir la répartition des parts telle que stipulé dans l’actuel code.
Le rapport recommande aussi de protéger les droits de la fille en lui donnant le droit de choisir l’égalité.
Il en ressort également la nécessité de garantir l’égalité entre les enfants légitimes et naturels.
A rappeler que la Commission des libertés individuelles et de l’égalité a été créée le 13 août 2017 et a été chargée par le président de la République d’élaborer un rapport sur les droits et les libertés individuelles en Tunisie et l’égalité pour adapter la législation actuelle aux dispositions de la Constitution tunisienne de 2014 et aux conventions internationales, notamment celles relatives aux droits de l’Homme.
Le rapport est le fruit de trente-trois réunions tenues par la commission.