Qu’est-ce que la planche à billets et quels sont ses risques?
Est-ce que le gouvernement tunisien a fait fonctionner la planche à billets?
La planche à billets désigne à l’origine le procédé mécanique qui permet de créer de la monnaie-papier. Par extension, la planche à billets désigne par la suite toute création de monnaie fiduciaire par la Banque centrale, et ceci sans utiliser forcément le support papier, car le mécanisme est entièrement virtuel et informatique.
La planche à billets au sens large du terme peut prendre différentes formes :
- forme historique : émission arbitraire de billets ou de pièces,
- “monnaie fiscale”, qui permet à l’Etat de payer ses factures par de simples reconnaissances de dette,
- assouplissement quantitatif (la nouvelle monnaie est destinée à certains marchés seulement, comme celui des obligations d’État),
- hélicoptère monétaire (la nouvelle monnaie est censée être distribuée à la population, directement ou indirectement, par un accroissement de la dépense publique).
En effet, pour financer le Trésor public, la BCT pourrait recourir à un processus de création monétaire. Si autrefois il s’agissait d’imprimer systématiquement de l’argent à travers une planche à billets, la création monétaire s’effectue de nos de jours de manière scripturale, c’est-à-dire sous forme électronique dans les ordinateurs de la Banque centrale de Tunisie. Il s’agira de jeu d’écriture entre la Banque centrale et le Trésor public.
Contrairement à une idée reçue, les citoyens ne devraient donc pas voir la quantité de billets de banque augmenter de manière massive. Cependant, lorsque le mécanisme est utilisé de manière irresponsable, par exemple, faire tourner la planche à billets fera que les billets en circulation perdent de leur valeur.
Pour une économie qui fonctionne normalement, la quantité d’argent qui circule doit correspondre aux besoins de l’économie afin de consommer la quantité de biens et de produits en circulation.
En temps de crise économique, la Banque centrale peut décider d’augmenter l’argent en circulation pour tenter de relancer la croissance. Les banques privées disposeront ainsi d’argent pour prêter aux ménages et aux entreprises afin de doper la consommation et l’investissement. Un cycle économique vertueux est ainsi lancé.
Mais le cas de la Tunisie est différent. La décision de faire appel au financement non-conventionnel a pour objectif prioritaire de voir le financement de la Banque centrale servir au profit du Trésor public, donc de couvrir artificiellement les déficits des comptes publics de l’État. Le gouvernement tunisien a fait, ainsi, tourner la planche à billets pour financer partiellement les besoins du Trésor public.
Compte tenu du fait que la planche à billets tournera pour couvrir les déficits sans avoir pour rôle de relancer l’économie, la conséquence directe de tourner la planche à billets sera logiquement une hausse significative du taux d’inflation dans les mois à venir, accompagnée d’une forte baisse du pouvoir d’achat.
En effet, si une plus grande quantité d’argent circule dans l’économie tunisienne sans contrepartie de création de richesse, c’est la valeur de la monnaie qui devient moindre. Inévitablement, une nouvelle fois ce sont les couches sociales les plus défavorisées qui subiront en premier le choc de l’impact de cette mesure.
Mohsen Hassan