47,8% des migrants résident dans les gouvernorats du Grand Tunis, selon la cartographie nationale des migrants et des organismes prestataires de services de santé en Tunisie, élaborée par l’Office national de la famille et de la population (ONFP) et le Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme, et rendue publique vendredi 29 courant, lors d’un atelier de travail organisé à l’Ariana.
Cette cartographie a pour objectif d’identifier le profil socio-économique, spatial et administratif des migrants (âge, genre, situation maritale, statut migratoire…) à partir des statistiques disponibles, et vise à définir les organismes prestataires de services, afin de favoriser le bien-être du migrant en Tunisie, selon Dr Rafla Dallegi, présidente directrice générale de l’ONFP.
Assurer l’accès aux soins pour tous les migrants
Pour sa part, Dr Kheireddine Khaled, coordinateur du programme FM en Tunisie, a souligné l’importance d’assurer l’accès aux soins pour tous les migrants surtout qu’une hausse du nombre d’individus séropositifs non tunisiens a été enregistrée ces dernières années dans les hôpitaux et ce afin d’assurer une meilleur prise en charge, limiter le risque et assurer la disponibilité des médicaments au non nationaux.
Une forte concentration des migrants a été enregistrée, selon cette cartographie réalisée à partir des résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2014, dans les régions côtières, à savoir Nabeul (7,9%), Sousse (7,6%), Sfax (5,3%), Monastir (4,8%), Mahdia (4,4%) et Gabès et Médenine (ensemble presque 7%), contre une faible présence dans les régions de l’intérieur (ne dépasse pas 1,5% dans la majorité des régions).
Près de 44.000 étrangers vivraient en Tunisie
La population étrangère en Tunisie (dont le nombre est estimé à 43.642 en 2014) est répartie entre 19% d’Algériens, 16% de Libyens, 15% de Français, 14% d’Africains et 10% de Marocains.
Le profil des migrants en Tunisie comprend des irréguliers, de réfugiés et demandeurs d’asile d’une moyenne d’âge de 30 ans, masculin au départ pour devenir, ensuite, féminin voire infantile.
Les migrants, qui étaient au début analphabètes, sont de plus en plus instruits (40,8% niveau supérieur et 42,9% niveau secondaire). Ils sont en majorité d’origine africaine subsaharienne.
Stigmatisation sociale…
Les difficultés d’accès aux soins sont multiples, à savoir l’organisation complexe du système de santé. Il est, en effet, difficile pour un migrant de disposer de l’information concernant l’accès aux soins surtout que ce dernier ne parle pas l’arabe.
On évoque, aussi, la stigmatisation sociale sur la santé des migrants et la mentalité discriminatoire à leur égard ainsi que la peur d’être expulsé pour les migrants en situation irrégulière.
Selon le travail d’enquête mené pour dresser le profil démographique et socioéconomique, le parcours migratoire et les conditions de vie des migrants, la majorité des personnes interviewées sont au chômage ou exerce un travail à temps partiel dans le secteur privé (pas de sécurité sociale), 50% d’entre eux ont eu recours aux Organisations internationales pour accéder aux soins et trouvent des obstacles au niveau d’accès aux soins liés à des barrières linguistiques, à la précarité des conditions de vie et à l’absence de titre de séjour.
Les acteurs de prestation et d’assistance aux services de la santé pour les migrants, identifiés selon les résultats de la cartographie, sont répartis en trois catégories qui sont les organismes publics (les ministères de la Santé, de la Défense, la polyclinique de la CNSS et l’ONFP) les structures privées de santé, organisations internationales (OIM, Médecins du monde; Terre d’Asile section Tunisie, UNHCR, Caritas et AESAT), et les organisations non gouvernementales tunisiennes (Croissant Rouge, ATL MST SIDA, Association AMAL pour la famille et l’Enfant, ATP, Association Beity, Association des femmes démocrates, Association des étudiants et stagiaires africains et l’Association tunisienne de droit à la santé).
Cette cartographie est un travail d’identification des acteurs clés et de la compréhension de la dynamique relationnelle à partir de laquelle émerge la prise en charge médico-sociale des migrants en Tunisie, selon Chokri Arfa membre du comité du pilotage de l’étude.
Il a précisé que la répartition de la cartographie a reposé aussi sur le compte-rendu des focus groups qui décrivent les conditions de vie, de travail et les obstacles à l’accès des soins de qualité.
Il a fait savoir que la réalisation de la cartographie s’est appuyée sur diverses sources d’information pour faire un inventaire des services et dispositifs disponibles en matière d’accès aux soins.
Il a ajouté que les difficultés d’accès sont décrites par les personnes concernées selon une démarche de focus groups et d’enquête par questionnaire.
Améliorer la connaissance du profil socioéconomique des migrants en Tunisie, réviser et mettre à jour des textes juridiques sur la migration et les conditions d’accès aux soins, sont les principales recommandations de cette étude.
Dans le contexte tunisien, les facteurs tels qu’un statut administratif irrégulier, une situation professionnelle précaire, la vulnérabilité, outre les problèmes linguistiques, la discrimination et le manque d’information sur le système de santé se cumulent pour rendre difficile l’accès aux soins et l’assistance médicale et sociale, selon la même source.