1,300 milliard de dinars à la fin de l’année 2017 : un chiffre d’affaires record jamais atteint auparavant. Nous ne pouvons pas dire que Ali Miaoui, DG commercial de Tunisair, pur produit maison, n’assure pas, manque de rigueur ou d’organisation. D’ailleurs, on le lui reproche. Depuis qu’il a pris en main cette direction générale commerciale au début de 2017, il s’est fixé pour objectif de réussir la politique commerciale de la compagnie battant pavillon national, d’accroître ses parts de marché, d’augmenter son chiffre d’affaires et de mettre tout en œuvre pour que, en termes de management et de réalisations, elle corresponde aux standards internationaux.
Ses différents postes de représentant général de Tunisair dans plusieurs capitales européennes font de lui l’un des hauts cadres les plus résistants à la pression et le plus apte à coordonner et mettre en œuvre une stratégie commerciale conquérante pour Tunisair.
En deux ans, du moins sur le plan commercial, Tunisair a réalisé des avancées notables. Quant à la qualité de service, c’est une autre histoire qu’Ali Miaoui, convaincant et charismatique, explique mais ne justifie pas. Pour lui, il faut procéder par étapes et surtout donner les moyens à Tunisair, un des symboles de la souveraineté nationale de reprendre sa place dans le firmament des compagnies les plus performantes de la région.
Un plan de redressement 2018/2020 permettra de réaliser cet objectif qui ne relève nullement de l’impossible et sauvera la compagnie battant pavillon national.
Entretien.
WMC : Tunisair n’est plus ce qu’elle était il y a près d’une vingtaine d’années : déficit, prestations en baisse et une image altérée par les retards à répétition des avions. Pourtant, vous avez réalisé un taux de croissance des plus importants depuis sa création. Un débroussaillage ?
Ali Miaoui : Cette nouvelle direction générale a démarré au début de l’année 2017 (janvier -février). Elle a considéré qu’il y avait deux chantiers importants à attaquer.
Le premier était de réussir l’année 2017 sur le plan commercial, et donc il fallait y mettre tous les moyens, la compagnie étant dans une situation très difficile, les anciens plans de redressement n’ayant pas été réalisés ou appliqués partiellement ; le gouvernement ayant choisi de mettre en place l’open sky, il fallait absolument qu’il y ait un nouveau plan de redressement beaucoup plus ambitieux.
Nous avons attaqué deux axes : le premier concernant l’année 2017 que nous avons terminé avec une croissance du trafic passagers de 17%. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires record jamais atteint auparavant : 1,3 milliard de dinars à la fin de l’année 2017, nous avons gagné deux parts de marché, nous avons rajouté 3 points au niveau du coefficient de remplissage pour atteindre les 74%, nous rapprochant ainsi des standards internationaux, et nous utilisé nos avions 1 heure de plus par rapport à la moyenne de 2016.
Nous tablons sur un taux de remplissage stable et une part de marché en baisse parce que nous considérons que cet axe-là est une résultante.
2018 marque le lancement du plan de redressement qui s’étale jusqu’à 2020 avec la même ambition : appuyer sur l’accélérateur pour plus de croissance. Nous considérions que l’activité touristique ayant repris de plus belle, 2018 devrait être pour nous l’année de tous les défis et de tous les records. Le budget 2018 table sur 4 millions de passagers, un chiffre également jamais atteint par Tunisair. En 2008, nous avions atteint les 3,83 millions de passagers, là nous devrions arriver à 3,950 millions, soit un taux de croissance de 12% et 1,5 milliard de dinars de chiffre d’affaires.
Nous tablons sur un taux de remplissage stable et une part de marché en baisse parce que nous considérons que cet axe-là est une résultante. Nous ne cherchons pas à optimiser nos parts de marché, ce que nous voulons c’est garder notre positionnement face au retour des compagnies aériennes étrangères.
Pour 2018 et jusqu’à fin juin, nous sommes dans le respect de nos objectifs, nous sommes dans la perspective de maintenir notre taux de croissance à 12% et même l’améliorer.
Vous voyez que nous suivons une courbe ascendante à tous les niveaux, et là je parle de parts de marchés et de nombre de passagers.
On vous a reproché d’avoir trop poussé les moyens de production de Tunisair et axé vos actions sur l’axe commercial…
Et comment ! Quoi de plus normal dans une compagnie qui doit se repositionner dans un environnement hautement compétitif ! Je pense qu’il y a deux manières de voir les choses, et là je prends l’exemple d’un véhicule qui peut rouler aisément à 120 à l’heure et qui roulait à 40 à l’heure. Nous n’avons pas poussé jusqu’aux 120 km/h, nous avons juste mis la pression sur le moteur pour que de 40 km/h il passe à 80 km/h, donc nos avions ne sont pas en surchauffe.
En 2016, l’utilisation journalière de notre parc aéronautique ne dépassait pas les 7h20mn de vol, en 2017 nous avons tout juste ajouté 1 heure pour atteindre les 8h20mn.
En 2016, l’utilisation journalière de notre parc aéronautique ne dépassait pas les 7h20mn de vol, en 2017 nous avons tout juste ajouté 1 heure pour atteindre les 8h20mn. La moyenne de l’industrie pour une compagnie comme la nôtre est de plus de 10h. Pour être rentable, un avion ne doit pas être au sol, notre objectif est d’optimiser les programmes de l’avion pour le faire voler au maximum. Nous faisons une moyenne annuelle de 80 vols/jour, chaque avion fait moins deux allers/retours, ce n’est rien du tout.
Il s’agit de faire le choix de la performance et non de la médiocrité.
Il s’agit de faire le choix de la performance et non de la médiocrité. En tant que responsable commercial, j’ai appuyé sur les moyens de production pour optimiser nos rendements.
Alors soit je choisis les 60km/h -et ce n’est pas rentable-, soit je pousse pour me rapprocher des 120 km/h -et je garantis rentabilité, performance et pérennité de la compagnie.
Pour d’autres compagnies telles celles américaines ou européennes, un avion qui ne décolle pas est une perte sèche pour elles…
Justement et c’est ce qui s’appelle la logique économique. Il y a d’autres défaillances auxquelles nous comptons bien pallier. On prétend -et pas à tort- que l’aéroport Tunis-Carthage est défaillant au niveau de l’assistance avion. Pourquoi ? Eh bien parce que dès l’atterrissage, il faut qu’en 50 mn et dès descente des passagers, les bagages soient pris rapidement par le handling, l’avion est nettoyé, on le réapprovisionne en fuel et il repart avec les nouveaux passagers à bord.
Chez nous, entre un vol et un autre, on prend 1h30 mn. Ce qui revient à dire que nous ne pouvons pas optimiser l’utilisation de l’avion à cause d’une gestion blâmable du potentiel humain.
En ce qui me concerne, nos personnels sont assez qualifiés pour répondre aux standards internationaux de 50 mn et peuvent assurer et peuvent les atteindre. Ils sont en train de le réaliser pour les compagnies étrangères, alors pourquoi pas pour Tunisair.
Et pour ce qui est des retards révoltants des avions de Tunisair ?
En 2017, c’est ce qui nous été le plus reproché, je vous explique : trois facteurs ont altéré les niveaux de ponctualité tombés très bas puisqu’ils étaient à 55% en 2016 et sont passés à 44% en 2017, c’est-à-dire un avion sur deux est retardé. Premièrement, la formation de notre PN s’est déroulée jusqu’au début du mois d’août, donc il est arrivé que l’avion soit disponible mais pas l’équipage, sans oublier les problèmes advenus entre PNT et techniciens, fort heureusement résolus depuis, mais qui nous ont pénalisé pendant trois mois.
Nous souffrons d’un manque au niveau des équipements, des personnels de piste : ceux dont les tâches consistent à charger, décharger et transférer les bagages.
La deuxième raison c’est l’aéroport Tunis-Carthage lui-même. Si vous prenez l’exemple des aéroports de Monastir ou de Djerba, vous verrez qu’en matière de ponctualité, ils sont plus performants. Les équipes sont rodées, les équipements ne manquent pas, etc.
A Tunis-Carthage, ce n’est pas le cas. Nous souffrons d’un manque au niveau des équipements, des personnels de piste : ceux dont les tâches consistent à charger, décharger et transférer les bagages. Ces agents et d’autres ont pour mission d’assurer le bon fonctionnement de la circulation sur le tarmac.
Nous souffrons également d’un problème d’organisation, sachant que pendant l’été, l’aéroport de la capitale est saturé. Le volume d’activité dépasse ses capacités, ce qui engendre une congestion supplémentaire sur notre compagnie.
L’année dernière, notre filiale Handling ne s’est pas dotée de nouveaux équipements, ce n’était pas prévu dans le budget 2017. Donc tout ce qui était chariots à bagages et autres push bag étaient en manque, ce qui ne permettait pas de traiter rapidement les opérations de chargements et déchargements des avions.
Chaque sous-traitant amenait 30 à 40 employés le matin, on leur donnait des badges et ainsi de suite. Ces personnels mal payés n’honoraient pas leurs engagements en matière de présence
Mais il y avait un autre problème : celui du personnel sous-traité chez des sociétés privées. Chaque sous-traitant amenait 30 à 40 employés le matin, on leur donnait des badges et ainsi de suite. Ces personnels mal payés n’honoraient pas leurs engagements en matière de présence. Vous vous attendez à 60 agents, et il n’y a qu’une vingtaine qui se présente le matin à l’aéroport.
Nous allons donc revenir dès la mi-juillet 2018 à la bonne vieille formule garante d’une meilleure qualité de service pour notre compagnie : celle des saisonniers. Nous les recrutons en haute saison, ils font partie pendant ce temps-là et à part entière de la compagnie, profitant d’un salaire plus adapté. Pendant trois ans, nous nous sommes satisfaits des sous-traitants mais ils nous ont fait plus de mal que de bien.
La sécurité de nos passagers passe avant tout, elle est sacro-sainte.
Le troisième problème est d’ordre technique. Quand nous prévoyons la sortie d’un avion à une heure selon les plannings techniques et que cela ne se matérialise pas à cause d’un composant en manque ou d’une pièce vétuste, la conséquence est bien entendu un retard notable du départ de l avion puisque nous devons remédier immédiatement à la défaillance ou remplacer l’avion.
La sécurité de nos passagers passe avant tout, elle est sacro-sainte. En ce qui me concerne, cela ne me gêne pas d’affréter des avions lorsque je sais en amont qu’il y a un problème technique, mais lorsqu’il se déclare sur le tard, c’est là où le bât blesse.
Vous ne pensez pas que vous avez également un problème de maintenance des avions ? C’est quand même surprenant que l’une des compagnies qui figuraient parmi les plus sûres de la région souffre de carences pareilles ?
Et nous figurons toujours parmi les compagnies les plus sûres du monde grâce à la qualité de nos PNT et de nos techniciens avions et de leurs formations impeccables. Par contre, notre problème se situe au niveau de la productivité, donc au lieu de voir nos avions sortir à l’heure, ils sortent en décalage. Que dit le personnel technique ?
Il vous explique qu’il y a un manque de moyens et c’est vrai que le nerf de la guerre reste les moyens financiers. Quand vous avez un manque de pièces détachées dans le magasin sachant qu’elles doivent y être en stocks mais par manque de moyens, c’est impossible, vous êtes des fois obligés de commander au fur et à mesure. Ces commandes-là ne sont pas disponibles illico presto et elles coûtent plus cher.
Nous n’avons aucun problème de technicité ou de compétences mais de moyens, de main-d’œuvre et d’organisation.
Comment comptez-vous pallier à ces carences ?
D’abord au niveau des personnels, et comme cité plus haut, depuis hier, ce sont des saisonniers recrutés par Tunisair qui travaillent dans la filiale handling et dans l’enregistrement. 150 agents ont été recrutés pour la saison estivale au handling pour que nos passagers n’attendent pas indéfiniment leurs bagages, et près de 60 dans l’enregistrement. Ceci nous permettra de les contrôler directement et de veiller à la qualité de leurs prestations.
Pour une partie de la phase aller, nous allons souffrir des mêmes problèmes pour ce qui est des équipements, la phase retour se passera beaucoup mieux
En ce qui concerne la partie équipement, nous accuserons réception du matériel de la mi-juillet jusqu’à la mi-août ce qui ne nous rend pas les choses faciles et il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Pour une partie de la phase aller, nous allons souffrir des mêmes problèmes pour ce qui est des équipements, la phase retour se passera beaucoup mieux et nous espérons qu’en 2019, ce genre de problème disparaîtra.
Pour ce qui est de la dimension technique, nous n’avons pas de grands problèmes structurels sur les avions, nous avons envoyé 3 moteurs parmi les 10 qui doivent être réparés à Air France avec laquelle nous avons un contrat-cadre, le quatrième a été réparé sur place et les 6 autres ont été envoyés à Lockheed Martin au Canada, c’est la seule qui s’est déclarée prête à les réparer en essayant de les livrer avant la saison estivale.
Nous allons recevoir ceux réparés par Air France tout de suite. Ceux de la Lockheed Martin seront livrés en trois phases : 2 à la mi-juillet, 2 à la mi-août et fort probablement les deux restants à la mi-septembre. Donc il est fort possible que, pour répondre à une demande croissante, nous soyons obligés d’affréter un autre avion en plus des 6 autres dont deux gros porteurs destinés au pèlerinage de la Mecque. D’ici trois mois, nous n’aurons plus besoin d’affréter des avions puisque tous nos moteurs avions seront réparés.
Mais soyons clairs, nous déploierons tous les efforts pour que cette année soit meilleure que la précédente mais il n’y aura pas un changement de fond.
Mais soyons clairs, nous déploierons tous les efforts pour que cette année soit meilleure que la précédente mais il n’y aura pas un changement de fond. C’est en 2019 que Tunisair changera structurellement de visage et que nos clients et passagers vivront et sentiront l’amélioration.
Vous devez savoir que les problèmes structurels dont souffre la compagnie ne datent pas de 2016 ou 2017. Tunisair a régressé petit à petit depuis 2014 mais je vous promets qu’en 2019, notre ponctualité sera vraiment satisfaisante.
Et la part de responsabilité des personnels Tunisair dans cette régression, la qualité des prestations des PNC entre 2000 et 2018 n’est plus la même ?
Sincèrement, il n’y a pas beaucoup de réclamations en ce qui concerne la qualité de service des PNC. J’ai 5.000 réclamations par an mais très rarement à propos de la qualité de service à bord de nos avions (près de 5%). Cela ne veut pas dire que nous sommes parfaits mais nous faisons tout pour avoir une bonne assistance à bord.
Ceci dit, nous comprenons les réactions de nos passagers lesquels, souffrant des retards importants de certains vols, sont à bout de nerf lorsqu’ils montent à bord de l’avion et des fois se lâchent sur les malheureux PNC. Nous les comprenons, c’est légitime et nous essayons de gérer du mieux que nous pouvons, car c’est à nous qu’il revient d’effectuer les corrections nécessaires.
Nous avons remédié aux problèmes du catering et le service à bord s’est beaucoup amélioré. Je peux vous promettre que le retour au mois d’août se passera très bien, qu’il s’agisse de celui des TRE ou des touristes.
Certains de nos compatriotes disent que si la privatisation de Tunisair permettra de la doter d’une meilleure qualité de service, pourquoi pas, d’autres considèrent que céder Tunisair est céder une part de notre souveraineté nationale. Qu’en pensez-vous ?
Le sujet de la privatisation n’est pas d’actualité. Ce qui est aujourd’hui d’actualité est le plan de redressement de la compagnie. Tous les pays européens ont restructuré leurs compagnies aériennes avant l’open sky (années 90). Ils ont assaini leurs compagnies.
Ils y ont injecté des fonds pour qu’elles réussissent leurs plans de redressement. Air France a reçu 3,2 milliards d’euros de l’Etat français avant 1997 pour acheter des avions, le software pour améliorer son système d’information et ses produits, indemniser le personnel partant, et ainsi de suite.
En ce qui nous concerne, nous avons mis en place un plan de redressement qui a abordé tous les aspects : rétablissement des équilibres financiers en prenant en compte les pertes enregistrées depuis 2011, un plan social avec le départ de 1.200 personnes du groupe Tunisair en accord et en concertation avec les syndicats.
Parce qu’aussi bien les syndicats que la direction générale veulent sauver la compagnie et les 7.000 emplois. Cela ne peut se faire sans sacrifice d’autant plus qu’il y a beaucoup de départs volontaires à la retraite. Une dizaine de réunions avec les syndicats nous permet de dire qu’il y a adoption totale du plan de redressement de la compagnie par toutes les parties prenantes. Et ceci ne concerne pas le plan social seulement mais également la stratégie commerciale et les équilibres financiers.
Qu’attendez-vous de l’Etat ?
Nous voulons que notre Etat nous soutienne pour sauver la compagnie et la repositionner sur l’échiquier régional des compagnies les plus performantes.
Pour cela, il nous faut au moins 1,2 milliard de dinars pour nettoyer les comptes de Tunisair, comprenant l’abandon des dettes de l’OACA de l’ordre de 650 MDT, 170 MDT pour le plan social, la compensation de l’effet open sky que nous avons estimé à peu près 100 MDT par an d’ici 2020. La décision a été prise d’oser l’Open Sky, Ok mais il faut que nous, en tant que Tunisair, soyons prêts, donc si nous faisons bien le calcul avec une augmentation de capital, nous devons atteindre les 1,200 milliard de dinars.
Comptez-vous ouvrir le capital aux acteurs privés ?
Pas pour le moment, l’idée est de garder le même taux de participation de l’Etat au capital de Tunisair. Notre vision 2018/2020 est que Tunisair reste une compagnie battant pavillon national au service des intérêts économiques et stratégiques du pays.
Vous évoluez quand même dans un environnement très compétitif ?
Bonne question qui me donne l’occasion de répondre à certaines personnes qui pensent que notre situation est très confortable et que nous avons le monopole du transport aérien en Tunisie.
A chaque fois, je pose la question : qu’est-ce que le monopole pour vous ? La réponse fuse : vous êtes les seuls sur le marché. Eh bien, les gens ne savent pas que notre part de marché ne dépasse pas les 40% et que les 60% restant sont effectués par des compagnies étrangères.
les gens ne savent pas que notre part de marché ne dépasse pas les 40%…
Il y a des pays qui ne sont pas desservis par ces compagnies mais ce n’est pas notre faute à nous. Nous desservons Genève mais Swiss ne vient plus, l’Espagne qu’Iberia a déserté. Donc ce n’est pas Tunisair qui freine les activités des autres compagnies ou qui est en situation de monopole.
Où en êtes-vous aujourd’hui avec le plan de redressement ? A-t-il été accepté ?
Nous avons commencé par le soumettre au ministère du Transport lequel en a discuté avec la centrale syndicale, il a été quasiment validé. Reste aujourd’hui son adoption au niveau du gouvernement et son financement. L’Union européenne a accordé à la Tunisie 500 millions d’euros pour la mise en place de l’Open Sky, quoi de plus normal que de faire profiter notre compagnie d’une partie de ces fonds ? Ce qui n’a pas été le cas.
Et qu’en est-il des déficits ?
Fort heureusement, nous commençons à les réduire. En 2016, nous avons eu un très mauvais exercice sur le plan financier et celui de la rentabilité, donc des pertes qui s’élèvent à 160 MDT. Aujourd’hui les prémices des résultats financiers de 2017 nous font entrevoir une réduction du déficit de près de 80 MDT, l’objectif pour 2018 est de réduire encore une fois notre déficit de moitié. Notre seul problème est l’augmentation du prix du Kérosène compensé en partie par l’augmentation des tarifs mais cela reste insuffisant.
On vous reproche très souvent la cherté des tarifs des billets par rapport à d’autres compagnies ?
C’est une fausse impression. Nous faisons des promotions 9 mois sur 12, les passagers en profitent, mais figurez-vous qu’il faut quand même les rentabiliser pendant la haute saison et là, nous ne pouvons pas faire de réduction bien que pour les TRE, les mêmes tarifs ont été reconduits pour 2018.
Alors que le dinar affiche un net recul par rapport à l’euro ?
Effectivement, c’est pour dire que notre compagnie, qui évolue dans un environnement hautement compétitif comme vous l’avez souligné, garde sa vocation sociale. Faire des réductions de 30 à 40% en plein été est antinomique et pourtant nous le faisons pour encourager notre diaspora à rentrer et contribuer à l’essor de l’économie nationale.
Il y a un autre exemple de notre vocation sociale, c’est Tozeur. Nous sommes les seuls à y travailler. Il y a une desserte Paris/Tozeur et une autre Tozeur/Lyon. Notre objectif est de dynamiser la région sur le plan touristique bien que ce ne soit pas rentable. Il y a aussi notre partenaire RFT de René Trabelsi sur un vol charter Djerba/Paris/Tabarka.
Et pour les destinations africaines ?
Je reprends la stratégie commerciale 2018/2020, nous avons raisonné ainsi : vu que Tunis-Carthage sera épargné pendant 5 ans par l’Open Sky, nous avons décidé de développer encore plus les axes traditionnels européens mais aussi l’Afrique. Nous nous sommes engagés à multiplier par 2 la présence de Tunisair en Afrique de 7 à 14 points en l’espace de 3 ans et d’une vingtaine de fréquences à plus de 40 fréquences d’ici 2020.
En 2016, nous avions lancé Niamey, Cotonou et Conakry en 2017, et nous prévoyons de rajouter cette année Douala et Khartoum, toutes les études ont été faites, en 2019 Acra et Lagos et 2020 Libreville. Ce sont là des investissements très lourds. L’Afrique n’est pas rentable dès la première année, c’est pour cela que nous considérons que Tunisair doit être consacrée dans sa vocation socioéconomique.
En 2016, nous avions lancé Niamey, Cotonou et Conakry en 2017, et nous prévoyons de rajouter cette année Douala et Khartoum, toutes les études ont été faites, en 2019 Acra et Lagos et 2020 Libreville
C’est un acteur stratégique de l’Etat et le «bras» du transport aérien de notre pays, si notre Etat nous soutient, nous continuerons sur notre lancée et renforcerons nos investissements. Mais là nous tempérons, le temps que le plan de redressement de la compagnie soit définitivement adopté.
Il y aura aussi deux vols directs Tunis/New York à partir d’octobre/novembre 2019.
Où en êtes-vous au niveau des actions Tunisair/ONTT pour promouvoir la destination Tunisie ?
Les partenariats sont là entre les représentations des deux organismes et elles sont très développées et nous venons d’avoir une réunion présidée par les deux ministres du Transport et du Tourisme à ce propos. Nous comptons organiser ensemble des campagnes promotionnelles et asseoir des opérations d’envergure à partir de la Tunisie car le transport aérien et le tourisme sont indissociables.
Nous réussirons la gageure de remettre notre compagnie sur orbite
Depuis que Tunisair a été créé nous sommes à 125 millions de passagers transportés, parmi eux plus de 80 millions sont des touristes ramenés par notre compagnie. Sans tourisme, il n’y aura pas de Tunisair florissante et sans Tunisair, il n’y aura pas de tourisme performant, ce sont deux maillons indissociables de l’activité sur la Tunisie.
Nous réussirons la gageure de remettre notre compagnie sur orbite, nous avons ce qu’il faut pour y réussir, tout ce que nous attendons de notre Etat est qu’il consente à nous doter des moyens qui nous font défaut.
Entretien conduit par Amel Belhadj Ali