Beaucoup de médias ont annoncé la fin de la crise dans les universités suite à l’accord signé entre le MESRS et le syndicat IJABA. En fait cet accord n’est qu’une porte de sortie de secours pour un syndicat qui s’est engouffré dans une voie sans issue et un ministère qui a très mal géré cette crise.
Mais néanmoins, cette crise en a révélé bien d’autres :
Une crise de valeurs :
– Refuser de donner un sujet d’examen pour évaluer des étudiants auxquels on a assuré un enseignement est un acte à l’opposé de la déontologie d’un universitaire et des valeurs qu’il devrait défendre et faire véhiculer.
– Mobiliser des instances élues pour des causes syndicales est contraire à toutes les traditions universitaires et reflète un manque grave de maturité (lire aussi:Quand les députés s’immiscent dans les affaires syndicales de l’université).
– Menacer noir sur blanc dans les communiqués d’IJABA qu’il faut oublier les sujets d’examen à jamais si on touchait aux salaires des grévistes reflète un égoïsme et une insouciance primaires graves.
– Ne pas hésiter à perturber toute une année universitaire pour obtenir une seule chose : la reconnaissance du syndicat IJABA par l’autorité de tutelle est une première qui pourrait donner des idées à d’autres actions.
Une crise dans la gestion des affaires au MESRS
Refuser de comprendre pendant 6 mois les raisons profondes du malaise chez les universitaires (grévistes et non-grévistes) et réaliser à quel point la crise est profonde reflètent un défaut d’appréciation un peu grave chez l’autorité de tutelle.
La gestion de la crise par le Ministère et les universités était catastrophique. Au lieu de circonscrire le problème dès le mois de décembre et de recevoir le syndicat et le raisonner dans le cadre du respect mutuel, il n’y a eu que d’initiatives maladroites regrettables témoignant d’une incompréhension profonde de l’université et de ses problèmes.
Il y a eu le courrier menaçant de janvier du directeur du cabinet, puis la minimisation du problème dans les médias, puis l’annonce tambour battant que la question sera résolue avec des comités pédagogiques désignées, puis vient la menace de bloquer les salaires de tous les enseignants et ce pour toute institution dont le Doyen refuse de faire son devoir et de remettre la liste des grévistes et enfin la meilleure, l’invitation aux non-grévistes d’aller se bousculer devant les bureaux d’ordre de leurs universités pour justifier qu’ils ont accompli leurs devoirs. Quelle grande imagination ! J’ai honte Monsieur Le Ministre.
Signer à la hâte au mois de mars avec la Fédération générale de l’enseignement supérieur, un accord qui est une humiliation pour les universitaires. Leur octroyer une prime de rentrée ou bien faire bénéficier leurs enfants d’une bourse universitaire alors que d’autres étudiants ayant des parents avec des revenus inférieurs n’ont pas droit à cette bourse est un scandale pour toute personne qui a un peu de bon sens.
La meilleure est de payer les enseignants-chercheurs pour chaque article publié. Quelle grande université dans le monde classe ses enseignants-chercheurs uniquement suivant le nombre d’articles publiés ? La prime pour chaque thèse soutenue, on connaît ce qu’elle a produit : des milliers de thèses et des milliers de victimes. L’Université tunisienne a un grand avenir devant elle.
Récompenser le syndicat IJABA pour avoir réussi à perturber l’année universitaire en le déclarant partenaire digne de faire partie des compétences qui vont faire la réforme de l’enseignement supérieur. Monsieur le ministre, vous auriez pu faire cela au mois de novembre ! C’est vrai à cette date, ils n’ont pas encore fait preuve de ce qu’ils savent faire. Maintenant c’est bon, grande sagesse et grand sens de responsabilité sont prouvés.
Nouri Kamoun
Ancien Doyen de la Faculté des Sciences de Monastir